Harraga: La « côte » d’alerte

Harraga: La « côte » d’alerte

Un groupe de 18 candidats à l’émigration clandestine a été intercepté par les unités des gardes-côtes en patrouille de routine à 11 miles marins au nord-est du Cap de Garde, dit Ras El-Hamra. Cela s’est produit durant la nuit de samedi au dimanche.

Au même moment, vingt-neuf autres harragas, dont neuf femmes et un enfant de huit ans, tous originaires de l’Afrique subsaharienne, étaient eux aussi interpellés au moment où ils tentaient la même folle aventure.

Ces derniers ont été sauvé in-extremis par les garde-côtes algériens au large d’Oran. Un premier groupe de 50 personnes, dont 4 mineurs, avait été arrêté jeudi passé, et le deuxième le vendredi au large de Ras El-Hamra).

Un cap tout de même dangereux, si la mer est agitée. Les fameux candidats étaient des jeunes originaires de la wilaya de Boumerdès. le plus âgé d’entre eux a à peine 25 ans. Ces jeunes, conduits au siège du commandement du groupement territorial des gardes-côtes, ont subi des contrôles médicaux par les médecins de la Protection civile avant d’être présentés devant le procureur de la République près le tribunal d’Annaba.

Plusieurs autres opérations similaires ont été réalisées dans le courant du mois passé, mais aussi tout le long de cette année, et de celles qui l’ont précédée. Le phénomène n’en finit plus de s’amplifier.

Voilà pourquoi il est permis de se demander si les autorités lui réservent réellement le traitement idoine. Me Fatima Benbrahem, avocate émérite, qui a souvent eu à défendre des

« suspects » candidats à l’émigration clandestine, répond catégoriquement par la négative. Pour elle, « ces jeunes étaient au large sur le territoire algérien, dans une barque, cela n’est absolument pas suffisant pour les inculper, car il s’agit là d’un simple délit d’intentions ».

Toujours est-il que le phénomène de la « harga », qui touche des franges de plus en plus importantes de la société, représente la preuve évidente que les conditions de vie des Algériens n’en finissent plus de se détériorer.

Voilà bien un nouveau et important défi pour Abdelmalek Sellal, le tout nouveau Premier ministre. Il est vrai que les deux principales raisons qui poussent les Algériens, et maintenant les Algériennes et même les enfants, à tenter l’aventure outre-mer, est lié à la crise du logement ainsi qu’à celle de l’emploi.

Les chiffres relatifs aux logements livrés, selon l’aveu de nos propres responsables, sont tout aussi biaisés que gonflés. Alors qu’on nous annonce la livraison de près de deux millions d’unités depuis 1999, la demande est restée quasi inchangée, puisqu’elle est restée équivalente à environ un million.

La distribution, qui se passe dans des conditions opaques et douteuses, et qui donne lieu régulièrement à des émeutes, a fait que selon les chiffres officiels de l’ONS (Office national des statistiques), il existe aujourd’hui un million cent mille logements attribués mais demeurés inoccupés.

Pour ce qui est de l’emploi, le ministre en charge de ce secteur, Tayeb Louh, avait déclaré que le taux de chômage aurait été ramené à moins 10 % de la population active. Le même responsable évoque la création de pas moins de 400.000 emplois par an, cela depuis trois bonnes années, ce qui nous fait un chiffre global de plus d’un million.

Or, cela parait surréaliste, attendu que l’industrie algérienne reste à la traîne. Les emplois créés, temporaire et sous-payés, de type Esil et Tup-Humo, emploient de jeunes chômeurs, pour des salaires dérisoires, l’espace de trois mois seulement. Cela nous fait quatre chômeurs à la fin de l’année, alors que les statistiques, elles, parlent de… 4 emplois créés.

L’Espagne, pays de prédilection de nos malheureux harraga, vit lui-même une grave crise économique et financière. Voilà pourquoi il a mis le paquet pour se prémunir contre ce phénomène. Il a, de la sorte, renforcé les moyens logistiques et techniques et les a mis à la disposition des unités chargées du contrôle des frontières.

Un communiqué, présenté le 29 septembre 2012, par la Police nationale espagnole indique que plus de 800 immigrés clandestins ont été interpellés en huit mois, dans le nord-est de l’Espagne. Selon cette source, ce chiffre connaît une hausse de

40 % comparé à la même période de l’année précédente, où 583 clandestins ont été arrêtés dans cette même région. Ces arrestations ont été effectuées à la suite des tentatives des immigrés d’entrer ou de quitter l’Espagne pour se rendre dans d’autres pays européens, a encore indiqué la Police espagnole.

En moins de 15 jours nous avons enregistré quatre tentatives au niveau de la région de Annaba. Ces tentatives se produisent le plus souvent quand il y a un évènement national comme celui de la mort du président Chadli Bendjedid ou pendant les périodes de fête, des grands matchs, lorsqu’il est attendu que la vigilance des services de sécurité se relâche.

L’un des harragas qui avait réussi sa traversée de la mort, Moncef, est parti avec plusieurs « gars » de son quartier, Kouba, grâce aux services d’un marin, comme il dit « oulid houma ». Cela remonte à 5 ans. Chacun des prétendants a payé entre 4 et 5 millions. Il est parti en Espagne, pays de transit pour les harraga, avant de se stabiliser en Angleterre, comme il l’a annoncé fièrement à des amis à lui appelés au téléphone.

Zaghda une vieille femme originaire de Skikda dont le fils harraga est mort loin d’elle, nous raconte son histoire avec beaucoup d’amertume : « Mon fils était persécuté par son grand frère. Un jour, il a disparu sans donner de nouvelle.

Quinze jours après, il a appelé d’Italie pour nous dire qu’il est partie en harraga, qu’il s’était caché dans un contenair. Il est parti en Italie, il y est resté pendant treize ans, et j’ai galéré pour ramener sa dépouille, car il n’avait pas de papiers. Vous savez ce qui me fait le plus mal, bien avant il avait menacé de partir et ne de ne revenir que dans un cercueil ».

Nous nous sommes entretenus également avec un harraga, nommé Saker via skype, celui-ci nous a confié qu’au moment où l’idée de quitter le pays lui trottait dans la tête, rien ne l’aurait fait reculer, même pas la mort.

Houda Bounab