Harga, mariage blanc, visa d’études ou touristique… L’immigration des Algériens se féminise

Harga, mariage blanc, visa d’études ou touristique… L’immigration des Algériens se féminise
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Entre candidates à la harga, mariages blancs, regroupements familiaux, visas d’études ou touristiques, les Algériennes sont de plus en plus nombreuses à se débrouiller, chacune à sa manière, pour atteindre le même but : partir à l’étranger où il fait bon vivre.

Autrefois, l’émigration féminine ne constituait guère un phénomène important. Entre les années soixante-dix et quatre- vingt-dix les choses ont bien changé. Aujourd’hui, ce phénomène peut constituer un thème d’études depuis que les femmes ont diversifié les modalités d’atteindre l’autre rive. Entre candidates à la harga, mariages blancs, regroupement familiaux, visas d’études ou touristiques, les Algériennes sont de plus en plus nombreuse à se débrouiller, chacune à sa manière, pour atteindre le même but : partir à l’étranger, là où il faut bon pour vivre.

Par ailleurs, la crise du chômage qui frappe les pays occidentaux et les mesures de lutte anti-immigration clandestine pour réduire ce fléau n’ont pas pour effet de freiner les espoirs des migrants ou de ces Algériennes à la recherche d’une vie meilleure. Contrairement aux arguments de l’émigration au masculin dont l’objectif est essentiellement d’ordre matériel, les femmes semble avoir d’autres prétextes au-delà de la crise socio-économique. Elles fuient un mode de vie qui n’a pas encore libéré la femme des regards «accusateurs» de la société, et ce, malgré l’émancipation incontestable de la femme algérienne sur le plan professionnel et bien d’autres avancées en sa faveur. S’inscrivant dans le cadre de l’immigration féminine, une rencontre sous le thème «Femmes en migration : du récit de vie au récit littéraire», les intervenants ont mis l’accent sur le caractère «volontaire» de l’immigration alors que les femmes étaient motivées auparavant principalement par le regroupement familial.

La Pr Christine Deprez expliquera dans ce sens, à la lumière d’une recherche qui a eu pour sujet quelque 500 récits féminins sur la migration écrits par des auteures maghrébines, qu’«avant les années 1990, la migration féminine maghrébine n’avait aucune visibilité, car elle était considérée comme passive… Cette situation résultait du fait qu’elles arrivaient en cette période en France avec, pour la plupart, le regroupement familial comme seule motivation et elles étaient peu lettrées, voire illettrées pour la plupart». Par ailleurs ajoute la conférencière, la migration féminine a commencé à avoir de la visibilité sur tous les plans à partir des années 1990, où la migration féminine maghrébine en France a connu un tournant, avec des femmes immigrant volontairement «qui sont urbaines, avec un certain niveau intellectuel».

LG Algérie

50 % des immigrés établis en France sont des femmes.

Beaucoup plus explicites, les résultats de l’étude de l’Institut des statistiques économiques et sociales français, INSEE, portant sur le thème des «Algériens établis en France et au Québec» révèlent qu’«un immigré algérien sur deux serait une femme». D’après cette étude, les femmes algériennes ont, durant les années 1970, doublé le nombre de la population immigrée féminine en France par le biais des regroupements familiaux qui concernaient singulièrement les épouses d’émigrés. Par contre, deux décennies après,

durant les années 1990, d’autres facteurs politiques et socio-économiques ont engendré d’autres motivations de migrations. Les résultats de cette étude mettent l’accent sur «le climat d’insécurité de la décennie noire ainsi que la mauvaise gouvernance du pays durant les années d’après, à partir de 2000…». Ces deux facteurs auront, d’après les conclusions de l’INSEE, l’effet d’exploser l’émigration féminine. Les Algériennes sont passées d’un taux d’immigration d’environs 36% en 1982 à plus de 51% de nos jours.

Outre la France, le Canada est l’autre destination de fuite pour les Algériens d’après cette étude. Cette observation émane de la sociologue Myriam Hachimi Alaoui, qui a publié une étude dans ce contexte. Mme Hachimi Alaoui souligne que «des milliers d’Algériennes ont choisi le Québec comme terre d’asile». S’agissant du profil de ces femmes immigrées, la même source expliquera qu’«elles sont pour leur majorité des diplômées universitaires et politiquement impliquées dans divers processus de lutte, fuyant seules ou en famille les persécutions des islamistes…». Si la femme algérienne a réalisé plusieurs acquis depuis l’indépendance, il ne reste pas moins que le cadre de vie n’est pas encore favorable pour une vie décente et tranquille. C’est pourquoi, les femmes sont, au même titre que les hommes, nombreuses à choisir de s’investir à l’étranger dans l’espoir de trouver un espace qui procure les conditions d’une vie tranquille et digne.

Par Yasmine Ayadi