Hamrouche avance ses pions

Hamrouche avance ses pions
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Celui que l’on a toujours présenté comme étant le «père des réformes», et dont les sorties médiatiques sont tout aussi rares qu’instructives, ne pouvait raisonnablement pas rester en dehors des débats en cours. Focus… Mouloud Hamrouche, l’ancien Premier ministre sous Chadli à qui l’Algérie doit certains de ses plus précieux démocrates, chef de file du courant réformateur au sein du FLN, a fini par rompre son silence.

Un silence vieux de près d’une dizaine d’années, depuis son refus de se porter candidat en 2004, estimant que le jeu était fermé, ajoutant, dans un entretien qu’il nous avait accordé à cette même époque, que ses réformes restent toujours d’actualité, que les dirigeants du moment tentent même de les appliquer, mais qu’ils ne disposent pas des mécanismes et des clés qui leur permettent de le faire à bon escient.

Bref, ce qui ressort d’emblée de cette sortie tant attendue, c’est que Hamrouche évoque lui aussi l’existence d’une crise. Or, pour lui, «une crise a toujours ses opportunités et (hélas) ses victimes». Reste à savoir, à l’en croire, comment en saisir les opportunités tout en évitant qu’elles ne fassent de nouvelles victimes.

Hamrouche, qui ne se présente pas en sauveur de la République, ni en homme providentiel, se garde bien d’afficher clairement ses intentions. Et pour cause…

LG Algérie

Pour lui, rien n’a changé depuis 2004, et même depuis 1999, quand il avait décidé, de concert avec Ahmed Taleb-Ibrahimi, Saâd-Abdallah Djaballah et Hocine Aït Ahmed de se retirer de la course à la Présidentielle à peine trois jours avant l’ouverture des bureaux de vote. Hamrouche, donc, pose de manière très originale cette question qui taraude les esprits de tous les observateurs et les acteurs politiques en Algérie : est-ce que Bouteflika briguera ou non un quatrième mandat. Selon le «chef de file des réformateurs», qui se projette déjà au-delà de la date du 17 avril prochain, ce quelle que soit la décision finale que prendra Bouteflika, il sera bel et bien question de «l’arrivée de nouvelles générations aux postes de responsabilité». Cela sous-entend en clair que la génération qui a ramené l’Indépendance au prix fort devra impérativement céder la place, remettre le flambeau, à condition que cela se fasse sans heurts. Là encore, Hamrouche laisse exposer en clair ses choix et ses options : «pour que notre pays vive ces échéances dans la cohésion, la sérénité et la discipline légale et sociale, il est primordial que les différents intérêts de groupes, de régions et de minorités soient préservés et garantis. De même qu’il est impératif que l’État préserve tous les droits et garantisse l’exercice de toutes les libertés. Ceci est essentiel pour assurer la sécurité, renforcer les avancées, corriger les distorsions, et éliminer les failles». Il est bon de relever ici que cette prise de position se place en faux, de celle de son ancien allié, Ahmed Taleb Ibrahimi qui, avec Ali Yahia Abdennour et le général à la retraite Rachid Benyelles, avaient récemment signé une déclaration dans laquelle ils appelaient Bouteflika à ne pas briguer un quatrième mandat.

Des conditions et des choix qui se précisent…

Tout cela ne nous éclaire guère sur les intentions véritables de cet homme, dont le nom avait été avancé un temps pour occuper le poste de vice-président, sous Bouteflika, afin d’aider à assurer une sorte de phase de transition, et de permettre ainsi que le passage du témoin entre les générations se fasse en souplesse. Toutes nos tentatives pour le joindre hier au téléphone en vue d’en savoir un peu plus sur ses intentions sont demeurées vaines.

Hamrouche, qui a toujours refusé catégoriquement de se présenter contre celui qu’il qualifie de « candidat du système », pour ne pas dire celui du consensus, ne laisse pas non plus dans son message de rendre un vibrant hommage à l’ANP : « faut-il rappeler ici et maintenant que la renaissance de notre identité algérienne et notre projet national ont été cristallisés, abrités et défendus, successivement, par l’Armée de Libération Nationale, puis, l’Armée Nationale Populaire ? Cela n’a été possible que grâce aux hommes qui ont su trouver des compromis et élaborer des consensus. À chaque étape et à chaque crise, ces hommes ont su préserver l’unité des rangs, la discipline et transcender tout clivage culturel, tribal, régional en préservant l’identité et le projet national ».

Dans tous les cas de figures, tout porte à croire que les ambitions politiques de cet homme qui jouit de pas mal de sympathie et de soutien au sein des milieux intellectuels et chez les décideurs, sont demeurées intactes. Preuve en est qu’il continue de parler de ses «réformes», celles-là mêmes qui l’ont rendu célèbre, et dont on continue de parler dans les rédactions jusqu’à aujourd’hui, un quart de siècle plus tard. Mieux, Hamrouche se projette aussi dans l’avenir en esquissant l’épure de ce qui pourrait être son programme électoral si d’aventure il se décidait à se jeter dans la bataille électorale ou, à tout le moins, d’accepter d’être ce vice-président qui aura à gérer une énième phase transitoire, particulièrement délicate pour l’Algérie : «nos constituants sociaux ne peuvent s’accommoder de pouvoir souverain sans contre-pouvoir. Il ne peut y avoir d’exercice d’un pouvoir d’autorité ou de mission sans habilitation par la loi et sans un contrôle. Il y va de l’intérêt et de la sécurité de l’Algérie, de tous les Algériens et de toutes les régions du pays».

Donnant l’air de s’adresser à des personnes précises dans ce soliloque particulièrement éloquent, Hamrouche va même jusqu’à poser ses conditions. C’est, du moins, ce qui est permis de comprendre à la lecture de la suite de cette lettre : «c’est à ces conditions, que notre Armée Nationale Populaire assurera sa mission plus aisément et efficacement et nos institutions constitutionnelles assumeront clairement leurs rôles et fonctions. C’est à ces conditions aussi que notre peuple persévèrera dans la voie du progrès, de l’équité et de la solidarité entre toutes ses composantes sociales, et appréhendera les enjeux, tous les enjeux et relèvera les défis, tous les défis d’aujourd’hui. C’est à ces conditions que notre État demeurera crédible, sérieux et fiable pour ses partenaires et ses voisins».

Partant, le moins que l’on puisse dire c’est que les choses sérieuses viennent enfin de commencer et qu’il faudra s’attendre à pas mal d’autres rebondissements de taille dans les tous prochains jours.

Ali Oussi