Hammache El Kaina, chercheuse au (Cread), « La femme qui travaille est garante de l’émancipation »

Hammache El Kaina, chercheuse au (Cread), « La femme qui travaille est garante de l’émancipation »

Dans cet entretien, Mme Hammache El Kaina, chercheuse au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), revient sur le rôle de la femme dans le développement économique en Algérie, affirmant que la femme est justement un vecteur de savoir et d’émancipation. Elle estime par ailleurs, que la femme qui travaille fait l’objet de clichés négatifs.

L’Expression: Comment situez-vous le rôle de la femme dans le développement économique en Algérie?

Hammache El Kaina: la femme, malheureusement, est peu active. Dans le monde du travail, elle représente 16 à 17% des effectifs, selon des données statistiques. Pourtant, les femmes arrivent à faire beaucoup de choses dans les milieux du travail.

Dans des domaines spécifiques ou dans tous les secteurs d’activité?

Dans les administrations, là ou elles sont représentées, elles pensent au côté social. Ce sont elles par exemple qui renforcent les propositions pour aider les employés qui travaillent avec elles en cas de besoin, sous forme de zakat pendant le Ramadhan ou les fêtes. Ce sont les femmes qui pensent à aider les enfants à la crèche. Elles apportent beaucoup de choses.

S’agissant des femmes entrepreneurs, on a remarqué que les hommes réinvestissent automatiquement pour gagner encore plus. Ce qui n’est pas généralement le cas de la femme entrepreneur qui pense à aider les pauvres, les nécessiteux et les handicapés.

La femme fait du social. C’est une réalité. Quand elle gagne de l’argent c’est pour le donner aux parents, au mari, au fils ou pour l’investir au profit de ses enfants. La femme est de fait un agent social, elle pense aux autres.

De cette manière, elle participe donc activement à l’émancipation de la société algérienne.

D’abord, la femme qui travaille est déjà une personne émancipée. C’est une façon d’être indépendante matériellement. Donc elle investit dans le savoir de ses enfants puisque c’est elle qui finance les effets scolaires et accessoirement leurs cours. En donnant le savoir à ses enfants, elle contribue à intellectualiser la nouvelle génération.

Ensuite, elle est dans des secteurs du savoir: dans l’enseignement, dans la recherche, dans le journalisme. Donc elle diffuse le savoir. La femme est vecteur de savoir et d’émancipation sociale.

Vous voulez dire qu’elle est déjà dans une logique d’égalité?

Oui, exactement. Quand on travaille, on est demandeuse d’un statut d’égalité. Si la femme travaille dans un milieu mixte, elle exige d’être traitée de manière égale (avec les hommes). Et cela se répercute sur sa famille, elle va éduquer ses enfants de façon égale, elle va demander d’être traitée de manière égale au sein de sa famille. Cela se répercute sur la société. Il y aura un effet «boule de neige». Mais, malheureusement, il y a très peu de ces vecteurs de changement émancipateurs.

Mais les choses ne sont pas aussi simples que ça. La réalité sociale est beaucoup plus compliquée…

En effet, c’est à cause des pesanteurs sociales. Certes, la société n’encourage pas la femme qui travaille. Mais aussi, en raison d’autres facteurs. Par exemple, la prise en charge de la petite enfance, c’est problématique en Algérie.

Et que faut-il faire pour se débarrasser de ces pesanteurs?

D’abord, mettre des crèches à la disposition des femmes, qu’elles soient privées ou publiques. La crèche privée reste très chère. Il faut que l’Etat se penche sérieusement sur cet aspect de la prise en charge de la petite enfance. Il faut que les prix soient abordables et accessibles. Il y a également le transport, je pense que chaque structure devrait avoir ses propres moyens de transport. Il faudrait que même les petites sociétés et entreprises aient leurs propres moyens de transport, pour éviter à leurs employées les désagréments induits par leurs déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail. Il y a des femmes qui prennent trois à quatre fois les moyens de transport pour arriver à leurs lieux de travail. Au retour, c’est le même calvaire, c’est très dur.

Pensez- vous que les médias jouent un rôle dans ce domaine?

C’est exactement ce que je dis. Il y a des petits détails, par ailleurs importants, qu’on peut faire grâce à la contribution de la presse écrite et audiovisuelle. Les médias peuvent contribuer, par exemple, en diffusant des success-story, c’est-à-dire des femmes qui ont réussi, pour donner l’exemple de ces femmes à la société. En d’autres termes, médiatiser ces femmes qui ont réussi. C’est très important pour une fille à l’école qu’elle ait un modèle d’une femme qui a réussi, elle se dit «moi je veux réussir comme elle». Surtout la femme qui travaille, elle fait l’objet de clichés négatifs. On présente la femme qui travaille comme une femme qui néglige ses enfants, son chez-soi, son mari. Donc, il y a déjà dans les médias l’image non positive de la femme qui travaille.