Ce n’est pas l’exonération des taxes et impôts sur les entreprises ou les investisseurs qui pourra booster l’économie nationale
«Demander à l’Etat de dispenser les producteurs de payer leurs taxes et impôts n’a pas de sens et relève même du ridicule», indique M. Mebtoul.
Payer ses impôts est un acte de citoyenneté. L’impôt est avant tout destiné à financer les dépenses publiques. C’est la principale définition que lui donnent les textes constitutionnels, à commencer par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Mais comble de l’ironie, voilà que Réda Hamiani, président du Forum des chefs d’entreprise (FCE) déclare sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale qu’il faut que les producteurs nationaux soient dispensés de tout paiement de taxes et impôts. «Même si je choque en disant cela, il faudrait peut-être que les producteurs que nous avons dans notre pays soient dispensés de tout paiement de taxes et impôts, pourvu qu’on arrive à relever le seuil de la production et qu’une partie des besoins de la population soit assurée par cette production», affirme M.Hamiani. Selon lui, il faut délivrer un message qui frappe les esprits en déclarant que le secteur productif doit être absolument prioritaire dans les conditions actuelles.
Néanmoins, ce message sera-t-il traduit dans les faits par l’exonération des entreprises des taxes et impôts? C’est totalement absurde et complètement ridicule, à en croire les économistes. «Demander à l’Etat de dispenser les producteurs de payer leurs taxes et impôts n’a pas de sens et relève même du ridicule», a soutenu dans une déclaration à l’Expression, l’économiste Abderrahmane Mebtoul. Pour lui, le président du Forum des chefs d’entreprise revendique indirectement «le partage de la rente». Car, ce n’est pas l’exonération des taxes et impôts sur les entreprises ou les investisseurs qui pourra booster l’économie nationale et créer des conditions favorables et optimales à la relance économique. Mais, il faut demander, poursuit-il, au gouvernement des comptes sur les différentes stratégies mises en place. Qu’en est-il des résultats? Pourquoi telle entreprise algérienne n’arrive-t-elle pas à se développer? S’interroger sur les véritables obstacles, identifier les problèmes pour trouver les solutions. D’autant plus que le défi de la mise en place d’une économie alternative aux hydrocarbures demeure l’enjeu principal de l’heure.
Ce sont là autant de questions que M.Hamiani doit poser dans son approche». Selon Abderrahmane Mebtoul, Réda Hamiani devrait réclamer à l’Etat de briser les contraintes et barrières bureaucratiques, constituant 50% des problèmes rencontrés par les investisseurs.
D’autre part, il devrait en tant que «patron des patrons» revendiquer l’assainissement du foncier et mettre à la disponibilité des opérateurs économiques un tissu foncier, qui a constitué jusqu’ici un obstacle au décollage de la machine économique. Cela en plus, bien sûr, ajoute l’expert, de la mise en place d’un système financier adéquat fonctionnant de manière à identifier les forces et vulnérabilités potentielles pouvant avoir des conséquences macro économiques, ainsi que les problèmes pouvant retarder le développement du système financier et son rôle dans la croissance économique. «Notre système financier est sclérosé», indique M.Mebtoul, tout en relevant que ce système bloque et provoque d’énormes retards dans la vie économique d’une entreprise.
Dans le même contexte, un rapport d’évaluation du système financier algérien, élaboré sur la base du programme conjoint FMI Banque mondiale, a été fait en Algérie au cours de la dernière décennie.
Cependant, le système reste dominé par des banques à capital étatique qui sont encore fortement adossées sur des entités publiques, les marchés financiers restant très peu actifs et la mise en oeuvre de réformes réglementaires par ailleurs louables, marquant le pas.
La demande de M.Hamiani s’avère donc exagérée, d’autant plus qu’au lieu de songer à mettre l’entreprise algérienne au diapason des nouvelles mutations économiques mondiales, le chef du FCE prône l’assistanat. Aussi, au lieu d’être au rendez-vous de 2020, quand le démantèlement des barrières tarifaires entrera en vigueur, par une démarche pragmatique et compétitive, il lance un SOS au nouveau gouvernement. Il compte, dans ce contexte, demander dans les tout prochains jours une audience au Premier ministre Abdelmalek Sellal.