Hama AG Sid’ahmed, porte-parole du conseil transitoire de l’Etat de l’Azawad, au temps d’algérie : «les terroristes ont accédé au Niger par les frontières maliennes et libyennes»

Hama AG Sid’ahmed, porte-parole du conseil transitoire de l’Etat de l’Azawad, au temps d’algérie :  «les terroristes ont accédé au Niger par les frontières maliennes et libyennes»

Le Temps d’Algérie : Les attentats terroristes perpétrés au Niger ont été revendiqués par le Mujao. Comment, selon vous, cette organisation terroriste a-t-elle pu accéder en territoire nigérien ?

Hama Ag Sid’Ahmed : Les groupes terroristes ont accédé à cette région par les frontières maliennes et libyennes. Ce n’est pas compliqué. Les frontières sont de vraies passoires. Comme Belmokhtar est le principal organisateur (d’abord responsable de son unité et également le stratège du Mujao), sans sa présence et celle de certains barons de la drogue, le Mujao n’existerait pas.

Doit-on craindre d’autres attentats terroristes dans la région ?

Bien entendu, les groupes terroristes exploiteront les moindres failles pour commettre d’autres attentats dans la région.

Quelle est la situation sécuritaire actuellement au nord du Mali ?

La situation sécuritaire s’est beaucoup améliorée au nord du Mali. Bien qu’on peut constater quelques résidus terroristes présents à l’extrême nord de la région et à la frontière Niger-Mali et Mali-Mauritanie. Il y a une forte réduction de terroristes au nord du Mali. Cela est désormais visible, mais, comme je le dis, ils profitent des moindres «failles pour faire surface ou se reconstituer».

Croyez-vous que les organisations terroristes ayant fui les opérations militaires françaises au nord du Mali ont pu accéder aux territoires de pays voisins ?

Oui, des effectifs importants de combattants terroristes ont fui devant l’avancée des forces spéciales françaises et ont pu accéder aux territoires d’autres pays de la région. Cela est fait et nombre d’acteurs impliqués observent cette situation.

Pourquoi existe-t-il un conflit entre le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) ?

Pour ma part, il n’y a pas de conflit entre le MNLA et le MAA. Cela ne s’est pas encore produit, même si certains y font allusion dans certains médias.

Il y a, aujourd’hui, le Haut-Conseil pour l’Unité de l’Azawad, qui pourrait réunir tous les groupes du Nord qui n’avaient pas été impliqués dans la lutte armée de janvier à avril 2012 contre les forces maliennes. Si le MAA n’est pas une organisation manipulée par des trafiquants de drogue, qu’il prenne contact avec le HCUA, né à Kidal le 19 mai.

La présidence est assurée par le chef spirituel de l’Adrar des Ifoghas, dont le principal objectif est de tenter de mettre tout le monde ensemble pour permettre la tenue d’un congrès dans les prochains mois.

Un congrès qui pourrait faire sortir des revendications politiques communes et un bureau politique et militaire en mesure de prendre des décisions. Cela éviterait certainement la cacophonie qu’on voit souvent. J’ai cru comprendre, depuis la Mauritanie, que ce groupe MAA n’arrive pas à trouver un leader politique. Il y a une sorte de guerre entre les barons de la drogue qui veulent contrôler toute la structure et certains notables arabes honnêtes qui ne veulent pas que les barons de la drogue prennent le dessus… C’est un peu compliqué.

Les terroristes d’Aqmi et du Mujao sont-ils toujours présents au nord du Mali ?

Oui, il y a encore quelques résidus au nord du Mali. Comme nous l’avons dit auparavant certains combattants terroristes se fondent dans la population pour se faire oublier et devenir des citoyens ordinaires et un nombre moins important continue à être actif dans la région.

Le recrutement continue. Et même si les chefs terroristes n’ont plus de gros moyens militaires (détruits par l’armée française) et qu’ils ont des difficultés de mobilité, ils ont de l’argent. Ils tentent discrètement de se réorganiser, d’oublier les querelles de chefs et de se souder pour lutter ensemble. C’est la présence des forces spéciales françaises qui les empêche de se réorganiser rapidement, de se faire une «nouvelle santé». On constate sur le terrain aussi que les Touareg ne veulent plus les approcher.

C’est très important. Ces derniers ont compris «le danger que représentent ces gens». C’est d’ailleurs dans cette stratégie que, depuis le 22 mai 2013, des notables et des religieux touareg ont entamé des rencontres avec des chefs de famille d’éleveurs, avec des jeunes… dans les zones de Tigharghar et Tessalit (fiefs terroristes) pour mieux expliquer les perspectives de paix et les dangers que représentent les groupes terroristes sur l’identité touareg et quel serait l’avenir du jeune Touareg de demain.

Les chefs traditionnels touareg jouent un rôle positif dans la lutte contre ce phénomène. D’autres rencontres avec des chefs de famille d’éleveurs touareg sont prévues dans d’autres sites de la région dans les prochains mois. Elles auront les effets attendus.

Quelles sont les perspectives de dialogue entre le MNLA et le gouvernement malien ?

Le gouvernement malien de transition, sous la pression du Président français, a fini par accepter le dialogue avec l’Azawad lors de la dernière rencontre à Paris, les 17 et 18 mai.

Il faut que le MNLA et le HCUA (né à Kidal le 19 mai) présentent un seul document politique pour parler d’une seule voix. Je pense que tous les ingrédients sont réunis pour aller vers la paix. La nomination de Tiébé Dramé, émissaire chargé d’établir les contacts entre les principaux acteurs de l’Azawad et l’Etat malien, est une bonne chose. Nous avons compris que ce dernier doit s’associer aux autres acteurs impliqués dans ce dossier.

Toutes les parties ont convenu qu’il faut faire la paix en acceptant la différence. Je pense que nous sommes sur le bon chemin, même si ce chemin sera un peu long. Le souhait de tout le monde, de la communauté internationale, est qu’il y ait une élection présidentielle fin juillet et un dialogue avec les acteurs du nord malien. Pour y arriver, il y a un travail de fond qui doit se réaliser au Sud comme au Nord. Etablir une certaine confiance entre l’autorité centrale et les citoyens ordinaires.

Pour revenir à l’Azawad, il faut qu’il y ait un accord de cessation d’hostilité. Un accord de confiance signé par toutes les parties en conflit et également avec les garanties des puissances occidentales (France, Etats-Unis) impliquées, de pays de la région (Algérie, Burkina et Mauritanie) et les Nations unies. Dès qu’il y aura un pouvoir légitime à Bamako avant fin 2013, il faudrait mettre en place de vraies délégations autour de négociations qui seraient en mesure de parvenir à une paix finale.

Auriez-vous des informations sur des Algériens bloqués au Mali avec la fermeture des frontières algéro-maliennes ?

Comme vous le savez, la fermeture de la frontière algérienne n’arrange personne. Les Algériens, comme les Touareg qui sont de l’autre côté, sont souvent coincés.

Il est souhaitable qu’il y ait des concertations au niveau des frontières entre Touareg, côté malien, et services de sécurité à la frontière algérienne pour faire le tri des entrées et sorties. Cela permettrait de mieux maîtriser les mouvements des combattants terroristes tout au long de la frontière et de permettre aux éleveurs touareg algériens, qui sont de l’autre côté de la frontière, de pouvoir rentrer chez eux. Comme on le sait, les familles sont les mêmes des deux côtés.

M. A.