Hafid Derradji revient sur Algérie-Egypte du 18 novembre

Hafid Derradji revient sur Algérie-Egypte du 18 novembre

Hafid Derradji, notre célèbre reporter et journaliste sportif, a réussi le commentaire, à travers la chaîne El Jazeera-Sport, du match historique ayant opposé notre Equipe nationale à celle de l’Egypte, qui s’est déroulé au Soudan. Fiers de notre grand et valeureux commentateur sportif, on ne pouvait s’empêcher de revenir avec lui sur ce grand événement. Il nous révèle certains détails dont il a été le témoin.

Avant d’entamer l’entretien, nous devons féliciter notre Equipe nationale pour cette victoire contre l’Egypte qui a permis aux Verts d’arracher la qualification au Mondial, après une absence de 24 ans…

En effet, je trouve primordial de féliciter notre Equipe nationale pour cette grande victoire qui a comblé de joie tout le peuple algérien. Félicitations à nos valeureux footballeurs qui, avec cette consécration, nous ont fait honneur, démontrant leur courage et la farouche volonté dont ils ont fait preuve sur le terrain du stade el Merrikh. Félicitations à tous ces Algériens amoureux de leur pays qui n’ont pas hésité à parcourir des milliers de kilomètres pour encourager leur équipe. Ma joie est tellement grande que je n’arrive pas à trouver les mots pour rendre hommage à tous les Algériens et Algériennes qui ont fêté comme il se doit cette grande victoire.

Revenons au match que tous les Algériens ont vécu avec une grande dose de stress avant le coup de sifflet libérateur. Un commentaire à ce sujet ?

Durant toute ma vie je ne me rappelle pas avoir vécu un jour comme celui du 18 novembre. Il restera à jamais gravé dans les mémoires. Je n’oublierai pas de sitôt cette solidarité et cette fraternité qui ont caractérisé les Algériens petits et grands.

A la veille du match, vous avez promis d’être neutre dans votre commentaire, mais cela n’a pas été le cas…

Je vais être sincère avec vous sur ce point. C’est vrai que j’avais promis d’être neutre dans mon commentaire du match et finalement et je n’ai pu cacher mon penchant, car mon amour pour mon pays a été plus fort dévoiler mes sentiments. Je voudrais bien savoir si un autre journaliste à ma place aurait pu rester neutre pendant que la sélection de son pays joue un match d’une telle importance. Dans des moments pareils c’est difficile de se retenir, car le et le cœur prend toujours le dessus et il devient impossible d’être neutre dans certains cas.

Cela ne vous a sûrement pas posé de problèmes avec votre employeur la chaîne El Jazeera-Sport, n’est-ce pas ?

En fait, à la chaîne El Jazeera, on avait prévu cela. C’est la raison pour laquelle trois journalistes ont été choisis pour couvrir ce grand événement. Il y avait avec moi un collègue égyptien et puis un autre qui était d’un pays neutre. En pénétrant dans la cabine de presse, j’étais encore un journaliste neutre, venu couvrir un match qualificatif pour la Coupe du monde. Mais dès le coup d’envoi, j’ai commencé à ressentir au fond de moi une certaine inquiétude, mon cœur ne cessait de battre pour les Verts. J’ai résisté quelques minutes seulement puis j’ai fini par craquer quand Chaouchi s’est opposé de manière magistrale à la première tentative des Egyptiens. A partir de là je n’ai pu cacher mon penchant pour les Verts, et je suis fier de l’avouer.

Comment avez-vous vécu le match et quel était votre sentiment en commentant cette rencontre ?

Mes sentiments étaient ceux de tout Algérien. Tout au long du match j’ai vibré à chaque tentative des Algériens et tremblé à chaque alerte des Egyptiens, parce que l’enjeu était grand. Cependant, je dois vous dire qu’avec toute cette inquiétude au fond de moi, j’avais un pressentiment que l’Algérie allait arracher la qualification pour le Mondial. Au fil du temps cette conviction devenait de plus en plus grande et s’est accrue davantage après le but de Antar Yahia. En fin de compte, c’est Chaouchi qui, par son courage, m’a laissé croire à cette victoire bien avant la fin du match.

Vous en avez perdu la voix… D’ailleurs vous nous avez rappelé un certain Hafid Derradji tout aussi passionné il y a longtemps…

En effet, mais comme je vous disais tout à l’heure c’était plus fort que moi. Je n’ai pas pu résister à toute cette pression du match et rester indifférent, car l’enjeu était très important. Je me suis plusieurs fois oublié, au point de hurler jusqu’à en perdre la voix.

En parlant avec vous, on sent une grande joie …

En effet, la joie s’est emparée de moi dès le coup de sifflet final.  Je vais vous faire une confidence. Pour moi cette rencontre reste la plus importante, la plus belle, la plus extraordinaire que j’ai eu à commenter de toute ma carrière. Je le répète, c’est la plus belle confrontation dans ma carrière professionnelle en tant que journaliste et commentateur, elle restera à jamais gravée dans ma mémoire. J’irai encore plus loin en vous disant qu’après la fin du match j’ai même pensé mettre un terme à ma fonction de commentateur, parce que je ne pense pas avoir l’occasion de commenter une autre rencontre qui me donnera autant de joie que celle de mercredi dernier.

Les millions de téléspectateurs qui ont suivi la rencontre sur la chaîne El Jazeera ont, dans leur grande majorité, remarqué que vous n’étiez pas au courant du temps additionnel…

C’est vrai. J’ignorais le temps additionnel que l’arbitre devait comptabiliser après les 90 mn. Les téléspectateurs le savaient parce que cela a été mentionné sur l’écran. Pendant ce temps, moi j’étais concentré sur le match et sur les joueurs, pensant que l’arbitre devait rajouter six ou sept minutes, comme l’a fait le Sud-Africain au Caire. Il faut reconnaître qu’il y a eu des arrêts de jeu et cela m’a laissé penser que l’arbitre allait encore tarder pour siffler la fin de la rencontre.

Comment avez-vous vécu les quatre minutes du temps additionnel ?

Je pense que c’était les plus longues, pas seulement pour moi mais pour chaque Algérien qui rêvait de voir son équipe au Mondial.

Avez-vous revisionné le match ?

Bien sûr que j’ai revu la rencontre et plusieurs fois même. Permettez-moi de dire qu’à un certain moment je ne me reconnaissais plus tellement les mots que je lâchais étaient ceux d’un Algérien qui parle du fond du cœur.

A la fin du match vous n’avez pas cessé de répéter « Allahou Akbar ». Vous vous en êtes rendu compte ?

Franchement, je ne me suis pas rendu compte de l’avoir répété plusieurs fois mais si je l’ai fait c’est parce que, en mon for intérieur, j’avais la ferme conviction que notre équipe nationale avait été lésée et qu’à la fin c’est la Justice divine qui a triomphé.

Vous avez promis de venir au pays pour fêter cette consécration avec le peuple algérien, mais à l’heure actuelle vous êtes toujours au Qatar. Qu’est-ce qui vous en a empêché ?

J’avais en effet pensé faire un saut au pays, mais malheureusement je n’ai pu le faire. Mes obligations professionnelles m’en ont empêché. D’ailleurs, à l’heure où je vous parle je m’apprête à commenter en direct sur El Jazeera-Sport le tirage au sort de la Coupe d’Afrique des nations (NDLR : l’entretien a été réalisé vendredi après-midi).

Je dois aussi me préparer pour les commentaires de deux matches de la Champion’s League prévus cette semaine. Cela sans compter le Clasico Real Madrid contre Barcelone qui aura lieu la semaine prochaine. Mais si je n’ai pu me déplacer en Algérie pour fêter cette grande victoire de notre EN, sachez que je l’ai fait au Qatar avec ma petite famille. J’ai aussi suivi avec beaucoup de plaisir la fête, le soir du match en Algérie, qui a été diffusée sur les chaînes de télévision algériennes. Tout comme j’ai suivi l’accueil des joueurs de l’aéroport Houari Boumediène jusqu’au Palais du Peuple.

Comment était votre collègue égyptien d’El Jazeera à la fin du match ?

Dès le coup de sifflet de l’arbitre je ne l’ai plus revu. Il avait quitté les studios quelques minutes après la fin du match. On s’est revus un peu plus tard et là il est venu me saluer en félicitant l’équipe algérienne pour sa qualification au Mondial. Il n’était pas le seul à le faire puisque beaucoup d’autres journalistes, des autres pays arabes aussi, l’ont fait après la victoire de l’équipe algérienne.

Que pensez-vous de ces milliers de supporters qui ont fait le déplacement à Khartoum pour encourager l’Equipe nationale ?

Franchement, nous les Algériens, sommes uniques. Quand il s’agit de l’Equipe nationale nous sommes prêts à tous les sacrifices. Tout ce que je peux dire sur ces milliers de supporters algériens, c’est qu’ils méritent toutes les félicitations pour avoir contribué à cette grande victoire qui est la leur.

Les Egyptiens, à travers leurs médias, accusent les supporters algériens de les avoir agressés au Soudan. Quel est votre commentaire à ce sujet ?

Ce ne sont pas tous les Egyptiens qui le disent mais une partie d’entre eux seulement qui veulent gâcher la fête des Algériens. Les Algériens ne doivent pas prêter attention à tout ce qui se dit à ce sujet pour éviter de tomber dans le piège. La fête doit continuer pour déjouer le plan des Egyptiens.

Les choses semblent évoluer dans le mauvais sens au pays des pharaons. Les Egyptiens s’obstinent à nous accuser, à travers des images diffusées par leurs chaînes satellitaires…

En effet ces choses ne sont pas bien, mais j’ai confiance en nos autorités qui, certainement, ne se tairont pas devant toute cette campagne médiatique menée contre les Algériens. Je pensais que certaines des chaînes égyptiennes étaient plus crédibles avec un personnel plus correct, finalement je m’aperçois qu’il n’en est rien. Au lieu d’accepter sportivement la défaite et faire leur travail de façon neutre et sportive, ces chaînes refusent de commenter sportivement la défaite et préfèrent verser dans la provocation, allant jusqu’à dépasser le seuil du tolérable.

Entretien réalisé par Adlène Chouial