Comme ils l’avaient annoncé, les députés socialistes ont déposé un recours pour dénoncer le caractère inconstitutionnel de la loi Création et Internet. Réponse au plus tard le 19 juin.
C’était annoncé, c’est fait : la loi Hadopi est désormais entre les mains des neuf sages du Conseil constiutionnel. Les députés socialistes ont déposé mardi leurs recours contre cette loi très contestée, qui institue la «riposte graduée» pour les internautes en cas de téléchargement illégal.
Votée le 13 mai, la loi Création et Internet instaure un système administratif d’avertissements et de sanctions pour les internautes qui récupéreraient des fichiers piratés via des logiciels ou des sites de téléchargement : un mail d’avertissement, puis un second accompagné d’une lettre recommandée en cas de récidive dans un délai de deux ans après le premier, puis enfin une coupure de connexion internet pouvant aller d’un mois à un an, sans possibilité de reprendre un autre abonnement.
Pour les députés socialistes, cette sanction est «manifestement disproportionnée» et double : en plus du préjudice causé par la suspension d’accès internet, le fautif devra continuer de payer son abonnement.
Ce n’est pas le seul grief soulevé par l’opposition, qui a retenu «onze points d’inconstitutionnalité d’importance variable». Outre les deux précédents, les députés PS ont ainsi relevé «les compétences et les pouvoirs exorbitants reconnus à l’Hadopi», »qui induisent l’arbitraire», selon Patrick Bloche.
«Double peine» et «présomption de culpabilité»
La Haute autorité de diffusion des oeuvres et de protection des droits sur internet (Hadopi) relève en effet de la justice administrative et pas pénale, ce qui limite les recours possible pour le citoyen mis en cause. C’est l’un des points d’achoppement avec le Parlement européen, qui a réaffirmé plusieurs fois que seule l’autorité judiciaire devait pouvoir prononcer une privation d’accès au web.
Autre aspect dénoncé par l’opposition, la «présomption de culpabilité» pesant sur l’internaute. Le fonctionnement de l’Hadopi est en effet le suivant : les ayants droits (majors, sociétés de production) relèvent par leurs propres moyens les adresses IP des internautes soupçonnés d’avoir téléchargé illégalement et les transmettent à l’Hadopi, qui se charge de leur envoyer les mails d’avertissement. Ce «renversement de la charge de la preuve» – en France, c’est à l’accusateur de prouver qu’il y a culpabilité, pas l’inverse – fait partie des arguments principaux des anti-hadopi.
Bien d’autres aspects de la loi posent question : le fait qu’un internaute téléchargeant illégalement à domicile n’est pas puni de la même manière qu’une entreprise dont la connexion a été utilisée à son insu, l’usage de l’adresse IP, qui peut être usurpée, comme élément de preuve, ou encore l’installation d’un logiciel de «sécurisation» aux contours et à l’action flous sont autant de points contestables.
Verdict le 19 juin
Les neuf sages du Conseil constitutionnel, dont les anciens présidents Giscard d’Estaing et Chirac, ont désormais un mois pour rendre leur verdict. Ils peuvent censurer totalement la loi ou en supprimer les articles qu’ils jugeront incompatibles avec la constitution. La loi doit rentrer en application à la rentrée et les premières sanctions sont prévues «début 2010» par le ministère de la Culture.
En 2006, la loi Dadvsi, qui visait déjà à lutter contre le téléchargement illégal sur le web, avait été retoquée en partie par le Conseil, qui avait jugé discriminatoire sur plusieurs points.