S’il y a bien un entraîneur français qui a toujours souhaité ouvertement et publiquement le retour du football algérien sur le-devant de la scène internationale, c’est bien Guy Roux.
Pour avoir, en plus de 50 ans de carrière, côtoyé de nombreux Algériens sur les terrains comme sur les bancs, non seulement il reconnaît leur valeur sportive et humaine, mais surtout leur apport pour le football français. C’est donc avec un plaisir non feint que Roux savoure la qualification de l’Algérie pour le Mondial.
Mercredi, la France affrontait l’Eire en match barrage pour la Coupe du monde, alors que l’Algérie jouait un match d’appui au Soudan face à l’Egypte. On présume que vous avez suivi le match de la France…
Non. Comme le match de l’Algérie a eu lieu avant celui de la France, j’ai pu regarder la deuxième mi-temps du match de l’Algérie. Ma foi, la qualification de l’Algérie est méritée au vu de son parcours. Il faut le dire : vous avez vraiment une belle équipe.
Avant le match d’appui, auriez-vous misé une pièce sur l’Algérie ?
Oui. Pour moi, c’est du 50/50. L’Algérie possède une bonne équipe et l’Egypte est le champion d’Afrique en titre. C’était donc très ouvert, mais je ne suis vraiment pas surpris que l’Algérie se soit qualifiée. Au Soudan, c’était sur terrain neutre. L’Algérie s’est montrée plus volontaire.
Parmi les Algériens qui ont mené leur sélection au Mondial, il y a deux joueurs formés à l’AJ Auxerre, votre club de toujours : Rafik Djebbour et Hassan Yebda. En êtes-vous fier ?
J’en suis même très fier. Cela démontre qu’Auxerre est un club qui forme des champions. D’ailleurs, il y a d’autres joueurs formés au club qui iront au Mondial : le Français Bakary Sagna, le Suisse Stéphane Grichting, le Slovène Valter Birsa… Il y a donc beaucoup de joueurs passés par Auxerre qui seront en Afrique du Sud et nous en sommes très fiers.
Pensez-vous que le fait que l’ossature de la sélection soit formée de joueurs issus des centres de formation français explique la maturité tactique de l’équipe ?
Oui, mais cela ne me gêne pas. Après tout, l’Algérie a donné à la France tellement de bons footballeurs à travers les décennies que nous leur devons bien ça. L’histoire du football français regorge de noms de Français originaires d’Algérie qui ont contribué à son rayonnement. C’est normal que la France forme des joueurs pour l’Algérie. C’est un juste retour des choses. Et puis, les joueurs algériens sont très bien dirigés par un entraîneur expérimenté et très compétent.
Djebbour ne s’était pas bien adapté à l’AJ Auxerre. Quel souvenir gardez-vous de lui ?
Il avait eu quelques problèmes disciplinaires avec son entraîneur, mais il avait du talent. Il a été impatient et cela l’avait amené à quitter le club. Je me souviens bien de lui. Il avait du talent. S’il s’était montré plus patient, je suis convaincu qu’il aurait fait une très belle carrière en Ligue 1. D’ailleurs, il est venu nous rendre visite.
Récemment ?
Oui. Il est venu nous voir à l’AJ Auxerre il y a 15 joueurs et il s’est excusé pour les problèmes et différends qu’il y a eu par le passé. Cela prouve que c’est un bon gars.
La France s’est également qualifiée pour le Mondial, mais d’une façon controversée avec ce but de Gallas entaché d’une main d’Henry et qui continue de susciter moult commentaires. Pensez-vous que les médias français en font trop sur cette histoire ou pas assez ?
C’est vrai qu’il y a une part d’exagération chez les médias. Je suis contre la tricherie et c’est une pratique condamnable, mais je suis tout aussi contre le fait de lyncher Thierry Henry. Ce dernier, dans le feu de l’action, s’est aidé de la main, mais l’arbitre ne l’a pas vu car il était masqué et ce n’est pas la faute d’Henry. Peut-être que si l’arbitrage vidéo était autorisé, la faute aurait été repérée et le but aurait été refusé. Or, le fait est là : le but a été accordé. Il faut accepter la situation. Tant mieux pour la France !
Cet incident ne relance-t-il pas le débat sur l’utilisation de la vidéo pour juger les actions litigieuses ?
Certainement, mais il a été prouvé que même la vidéo a ses limites. En rugby, on utilise la vidéo, mais cela n’empêche qu’il y a toujours des fautes arbitrales. En fait, chaque système a ses avantages et ses inconvénients.
Dans le cas où la France irait loin en Coupe du monde, voire remporterait le trophée, ne craignez-vous pas que cette performance soit toujours relativisée avec des gens qui diront : «Déjà, la France ne devrait pas être là» ?
Non car l’actualité va vite. Dans quelque temps, tout le monde oubliera et ne retiendra que la qualification de la France pour le Mondial.
L’Algérie et la France dans le même groupe durant le Mondial, ça vous tenterait ?
Non. Je veux bien un France-Algérie, mais en… demi-finales. Comme ça, le match n’en serait que plus émouvant et plus spectaculaire.
Content du retour de l’Algérie dans une Coupe du monde ?
Oui, très content. C’est vraiment une bonne nouvelle pour le football. L’Algérie a toujours été une terre de football. Malheureusement, les tristes évènements politiques vécus durant une dizaine d’années l’ont freinée.
Entretien réalisé par Farid Aït Saâda