La guerre Makri-Soltani a commencé !

La guerre Makri-Soltani a commencé !

Le parti islamiste MSP (Mouvement de la société pour la paix) n’arrive toujours pas à se remettre de son erreur stratégique, lorsque, en 2012, sur une extraordinaire mauvaise lecture des événements, le parti du défunt Mahfoud Nahnah quittera volontairement le gouvernement et s’inscrira, immédiatement après, dans une posture d’opposant farouche au pouvoir. Une position qu’il croyait temporaire.

Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – Juste le temps, analysait alors la direction du parti islamiste, que la tempête qui avait emporté, successivement, les régimes tunisien, égyptien, libyen, vienne également à bout du pouvoir en Algérie. En Tunisie et en Egypte, ils ont, en plus, aussitôt pris les rênes du pouvoir à la chute de Ben Ali et de Moubarak. Le Mouvement Ennahda tunisien, tout comme son clone égyptien, le mouvement des Frères musulmans étaient assez «crédibles» pour un tel rôle, étant tous les deux, non seulement dans l’opposition, mais carrément dans la clandestinité et sous l’oppression légendaire des régimes de Tunis et du Caire.

L’ex-Hamas voulait donc, au moins, se présenter sous les atours d’un parti d’opposition «le jour J», celui de la chute du pouvoir en Algérie ! Un jour J qui n’adviendra toutefois pas. Pire encore, pour les «Frères algériens», ce seront même les années qui passent enfermant le parti «participationniste» chaque jour davantage dans son propre piège. Toute la stratégie conçue et bâtie par Nahnah part en fumée.

Ayant retenu les leçons du grand frère, l’ex-FIS en l’occurrence, Nahnah optera pour une nouvelle stratégie, à long terme, communément appelée «l’entrisme», et consistant à se rapprocher du pouvoir, en contrepartie de quotas dans les différentes institutions : le Parlement, l’administration, les collectivités locales et, bien sûr, dans le gouvernement.

Cela avait commencé par la participation de Nahnah aux présidentielles du 16 novembre 1995, puis les législatives et les locales de 1997. Au lendemain des présidentielles de 1995, les Frères musulmans algériens qu’est, en réalité, le parti de Nahnah, intégreront le gouvernement. Depuis, il deviendra même un rouage inamovible d’une coalition parlementaire et gouvernementale composée également du FLN et du RND qui soutiendra Liamine Zeroual d’abord, et Abdelaziz Bouteflika ensuite. Des années durant, le MSP était au cœur des institutions, gérant des secteurs entiers et représenté par des milliers de cadres à différents échelons de l’administration nationale et locale.

Certains secteurs, comme le commerce ou le tourisme, sont même, de nos jours, dominés par un puissant lobby islamiste. Des années au pouvoir difficiles à effacer ou à faire oublier à l’opinion publique et, surtout, à une base militante habituée aux privilèges que lui procurait cette position. La preuve ? Des milliers de militants et de cadres ont, depuis 2012, quitté le parti pour rejoindre soit le TAJ de Amar Ghoul, soit tenter de créer de nouveaux partis ou, alors, carrément le FLN ou le RND. L’arrivée à la tête du parti du leader de la ligne «dure», en l’occurrence Abderazzak Makri, ne fera que compliquer l’existence à un parti qui est génétiquement conçu pour «l’entrisme» et non pas pour l’opposition.

L’entrisme et la ligne prônant un retour rapide et inconditionnel dans le giron du pouvoir sont incarnés, depuis 2013, par l’ancien président Aboudjerra Soltani. Ouvertement. Ce dernier est donc le chef de file des opposants à l’actuelle direction du parti conduite par Abderazzak Makri. A l’approche du 7e congrès prévu courant mai prochain, les deux clans se préparent à une rude bataille pour le contrôle de l’appareil. Cela était nettement perceptible, hier vendredi, à l’occasion de l’ouverture des travaux de la session extraordinaire du Madjlis Echoura.

Dans un long discours d’ouverture, Makri a inhabituellement délaissé les grandes questions nationales pour consacrer tout son discours à la vie interne du parti. Une série de «rappels», sur «les valeurs du mouvement», sur «l’identité du mouvement», sur «les idéaux et les objectifs du mouvement».

Bref, une série de réponses aux différentes interventions médiatiques de Aboudjerra Soltani qui accuse, sans cesse, l’actuelle direction d’avoir dévié le mouvement de sa ligne originelle, de se tromper d’alliés, etc. A un mois du congrès, la guerre ne pouvait mieux commencer, en effet.

K. A.