Guerre de Libération nationale : L’Histoire peine à intégrer les arts de masse

Guerre de Libération nationale : L’Histoire peine à intégrer les arts de masse

La revendication de l’écriture de l’histoire de la guerre d’indépendance algérienne revient comme un leitmotiv à l’occasion de chaque célébration d’une grande date de la Révolution.

Pour autant, il serait malhonnête de dire que rien n’a été fait en terme d’écriture de cette histoire. Par rapport à l’ensemble de ce qui a été publié ces dernières années en Algérie, l’Histoire a occupé une place non négligeable dans la production livresque nationale. Même des personnes sans formation adéquate ont fait œuvre d’historien, en s’investissant dans la reconstitution de l’histoire locale de leur région, non sans aller fouiner dans les archives et compulser de nombreux ouvrages, d’autres ont écrit des biographies sur tel ou tel personnage historique, après avoir mené des investigations poussées dignes des grands historiens. Certes, il faut dissocier l’Histoire de la mémoire. L’Histoire se fait sur la base de documents iconographiques, écrits et de témoignages des acteurs, le tout adossé à l’obligation de citer les sources. Quant à la mémoire, celle-ci s’appuie sur un effort de restitution des souvenirs, et du passé vécu à partir d’une conscience avec tout le risque de subjectivité que cela comporte. Se rattachent à ce genre d’efforts intellectuels, les mémoires et l’autobiographie. L’écriture de l’Histoire est donc un processus largement engagé. Les médias semblent donc alimenter un faux débat sur la problématique de l’écriture de l’Histoire. Certes les problèmes subsistent quant à l’ouverture des archives, mais cela n’empêche pas que s’amorce le processus d’investigation historique en attendant leur ouverture définitive. Le problème en Algérie se ramène à notre sens au fait qu’on n’a pas créé les conditions pour transferer les données de l’Histoire aux canaux véhiculant l’art de masse (télévision, cinéma, radio) qui ont l’avantage de s’adresser à des publics variés : analphabètes et érudits. On peut du reste accéder à la grande Histoire au travers de petites histoires. Les arts audiovisuels, la TV, la vidéo, les films en dessins animés, le cinéma offrent cette opportunité.

En Algérie, on connaît davantage sur Hitler et Napoléon que sur Krim Belkacem ou Abane Ramadane. Un nombre incalculable de films traitant de la Seconde Guerre mondiale ont été diffusés en Algérie dans l’ensemble des salles de cinéma que compte le pays entre les années 70 et 90. Cela laisse des traces et forme une culture. Il y a eu certes des films sur la guerre de Libération nationale, hormis de rares exceptions, on aurait suivi l’inclination doctrinale qui favorise les lectures qui s’appesantissent sur la paysannerie, sur la vie dans les maquis, sur le collectif (peuple, ALN, etc), cela a bien sûr pour corollaire de négliger les trajectoires personnelles et de taire la parole des héros. Il a suffi d’un téléfilm tourné par un Syrien sur Fathma NSoumer, pour que cette héroïne sorte de l’ombre et ce, malgré l’insuffisance de cette production.

Tous les garde-fous que l’Etat algérien est tenté de mettre en place pour contrôler la production filmique nationale peut du reste devenir sujet à suspicion et être considéré par les créateurs comme une censure. N’empêche, les films traitant de parcours individuels sont les mieux placés pour incruster dans les esprits ces petites histoires qui permettent au plus grand nombre d’approcher peu ou prou la grande Histoire. Mais ce sont ces petites histoires qui semblent déranger le plus.

Par : LARBI GRAÏNE