Guerre de libération :Ecrire l’histoire pour éviter la perfidie de l’amnésie

Guerre de libération :Ecrire l’histoire pour éviter la perfidie de l’amnésie

Au moment où, du coté de la France, l’histoire de la guerre d’Algérie s’est invitée au débat public, chez nous, le temps risque d’user la mémoire de ceux, encore vivants, qui ont été les animateurs de ce chapitre important de l’histoire de la nation. En France, on modèle les faits selon sa convenance.

La droite comme la gauche, écrit, chacune à sa manière, l’histoire du passé colonial. Mais point de repentance pour les crimes contre une population spoliée de sa terre et qu’on tente, aujourd’hui, de spolier de son histoire.

Le propos ici n’est pas de faire un distinguo entre les animateurs d’un débat franco-français, mais de dire que le moment est venu de dépoussiérer les tiroirs de l’histoire pour en tirer les hauts faits d’armes d’un peuple qui a recouvert son indépendance et sa liberté après tant et tant de sacrifices. Le temps est venu d’engager une véritable écriture de l’histoire de la guerre de libération sans fioritures et surtout avec un ton qui ne laisse la place qu’à la véracité des faits.

Et à ce titre, il est temps, aujourd’hui, d’engager une véritable réforme des manuels de l’histoire enseignée dans les écoles. Le temps est venu de ne plus limiter des faits d’héroïsme à de simples dates qu’on oublie dans la masse des fêtes nationales.

Enseigne-t-on à nos potaches la morale à tirer de la célèbre déclaration de Ben M’hidi à un général français : «Donnez-nous vos avions et vos chars et on vous donnera nos couffins» ? Analyse-t-on la dernière lettre de Si Hmida (Zabana) adressée à sa famille peu avant d’être guillotiné ? Quel est le manuel d’histoire qui reprend dans le détail les enfumades contre la tribu d’Ouled N’har à Mostaganem ?

Les questions peuvent se diversifier, mais elles tendent toutes vers une unique finalité : le temps est venu de repenser l’histoire enseignée dans nos écoles. En refusant de reconnaître ses crimes en Algérie, la France s’est fendue d’une véritable hyperbole en tentant de faire admettre un rôle positif et civilisateur à son occupation de l’Algérie.

Il y a quelques jours, le petit fils d’un illustre chahid inconnu m’a avoué son désarroi devant les inepties de certains dirigeants de la droite française. Son grand-père Fendi fut le chef d’état major de l’émir Abdelkader. Il avait participé à la bataille de la Mactaa qui avait connu la déroute des troupes françaises. Quelques années plus tard, après le traité de la Tafna, il avait refusé de déposer les armes.

Arrêté quelques mois plus tard en compagnie de son bras droit Amar le Kabyle, il fut emprisonné puis exécuté dans une caserne de la marine française à Toulon. En apprenant son exécution, son ami Amar le Kabyle, rongé par le chagrin, se donnera la mort dans sa cellule.

«Quel est le manuel d’histoire qui reprend ses hauts faits d’armes qui sont pourtant consignés dans des rapports de l’armée française et dont j’ai pu me procurer une partie ?», dira son petit-fils, qui continue de lutter à sa manière contre l’oubli et surtout contre l’amnésie qui risque d’effacer des mémoires le parcours de son grand-père qu’il tente de faire connaître.

L’histoire de la guerre de libération est l’extrait de naissance de l’Algérie indépendante. Des héros méconnus, il en existe à profusion et de hauts faits d’armes, elle en regorge. Récemment, d’anciens moudjahidine de l’Oranie se sont déplacés au ministère de tutelle pour débattre des voies et moyens permettant d’écrire l’histoire de la grande offensive de l’Ouest lancée à la fin de l’année 1958. Mis à part de vagues promesses, ils sont revenus bredouilles de leur déplacement à Alger.

A l’offensive de l’est Constantinois avait répondu en écho les moudjahidine de l’Oranie qui avaient engagé un véritable travail de harcèlement des troupes françaises pour réduire la pression exercée sur leurs frères de la région est du pays. Quel est le manuel d ‘histoire qui reprend cet épisode glorieux de la guerre de libération ?

Aucun, me diront des moudjahidine que j’ai rencontrés à l’occasion de la rédaction de ce papier et qui peinaient à trouver des soutiens pour célébrer, sans chichi, et dans le recueillement, la journée du 19 mars, la journée de la Victoire.

F. Ben