Les armées française et malienne sont entrées, hier lundi, à Diabali et à Douentza, deux villes qui étaient sous le contrôle des islamistes.
Les deux armées poursuivant ainsi leur traque des combattants liés à Al-Qaîda qui s’autoproclamaient maîtres des lieux. Une colonne d’une trentaine de véhicules blindés dans laquelle se trouvaient quelque 200 soldats maliens et français est en effet, entrée à Diabali, à 400 km au nord de Bamako, sans rencontrer de résistance, selon un journaliste de l’AFP qui les accompagnait.
«Ca me plaît beaucoup», témoigne Mohamed Suribuhari, commerçant, ajoutant: «On était menacé par les jihadistes, on a passé longtemps sans sortir. Mais après les bombardements, ils ont pris la tangente, le dernier convoi a quitté vendredi soir». Sur la place centrale de Diabali, qui sert aussi de terrain de foot en dépit des pierres qui la parsèment, se présente le maire, Omar Diakité, la poitrine ceinte du drapeau malien. «Les habitants commencent à revenir, mais les explosifs sont dangereux pour les enfants», explique-t-il. Les soldats français et maliens craignent aussi que les islamistes aient posé des mines ou des pièges. Devant un petit entrepôt de sacs de riz, un trou couvert de terre fraîche. Les soldats passent un détecteur de mines, creusent à la main, rien. Ils partent fouiller plus loin, vers le «quartier Berlin», où se trouveraient des munitions. «Il y a un problème de munitions non explosées», explique à l’AFP le colonel français Frédéric, chef des opérations dans le secteur. «On va les aider, leur donner des conseils. Mais nous n’avons pas vocation à rester ici, nous laisserons la ville aux Maliens ce soir». A 100 mètres, le camp militaire abandonné par l’armée malienne le 14 janvier, dans lequel s’étaient installés les islamistes, est livré aux ânes et aux chèvres. Des pick-up, un hangar, ont été calcinés par les frappes aériennes de l’aviation française ces jours derniers. On y voit des balles de Kalachnikov, des grenades dégoupillées, mais non explosées. Dans un coin, des perfusions accrochées à des bâtons plantés dans le sol, vraisemblablement pour soigner les blessés islamistes. L’entrée de la colonne a été précédée de vols de reconnaissance des hélicoptères légers français Gazelle et de patrouilles de membres des forces spéciales. A Paris, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a aussi annoncé la prise de Douentza, à 800 km au nord-est de la capitale malienne. «Cette avancée de l’armée malienne vers les villes tenues par leurs ennemis, constitue une réussite militaire certaine pour le gouvernement de Bamako et pour les forces françaises, intervenant en soutien dans ces opérations», a-t-il déclaré dans un communiqué. Douentza, qui se trouve à environ 100 km de Konna (centre), reprise le 17 janvier, par l’armée malienne aux islamistes, était tombée sans combats le 1er septembre 2012 aux mains du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Elle se trouve sur une route stratégique d’où peuvent être menées des opérations vers les grandes villes du Nord, Tombouctou, Gao et Kidal. Plusieurs sources ont fait état d’un repli des islamistes vers cette dernière qui se trouve à l’extrême nord-est, à 1 500 km de Bamako, près de la frontière algérienne. Kidal avait été la première ville du Nord conquise par les rebelles touareg et les islamistes, qui en avaient ensuite évincé leurs anciens alliés.
R. I. / Agences
L’état d’urgence prolongé
L’état d’urgence, en vigueur au Mali depuis le 12 janvier, a été prorogé hier lundi, pour trois mois supplémentaires, afin d’assurer «le bon déroulement des opérations militaires en cours pour la libération des régions occupées» du pays, a annoncé le gouvernement. «La nécessité d’instaurer et de maintenir un climat social serein dans tout le pays commandent la prorogation de l’état d’urgence sur l’étendue du territoire national», a encore précisé le gouvernement dans un communiqué. En situation d’état d’urgence, les réunions publiques, rassemblements, manifestations de rues et tout ce qui est de nature à troubler l’ordre public sont donc interdits.
Un dossier pas uniquement sécuritaire mais aussi politique
C’est ce qui ressort de la déclaration faite hier lundi, par le président tunisien, Mohamed Moncef Marzouki, dans un entretien téléphonique avec le président français, François Hollande. Une position justifiée, compte tenu de «ses (le dossier malien) retombées directes» sur les pays de la région. Le gouvernement tunisien a réitéré sa position en faveur de la stabilité et de l’unité du Mali, dénonçant «toute forme de menace à laquelle fait face ce pays de la part de groupes terroristes armés». Il a également appelé au respect de la légalité internationale, notamment les décisions du Conseil de sécurité 2071 et 2085 relatives à la situation au Mali. Il a en outre estimé nécessaire de lancer un dialogue politique national et global qui impliquerait toutes les forces nationales maliennes pacifiques.
Une tête de mort
L’état-major des armées françaises a estimé hier lundi, inacceptable le comportement d’un soldat déployé au Mali dont la photo le visage recouvert d’un foulard représentant une tête de mort fait le buzz sur internet. Sur la photo «glaçante», un soldat français déployé à Niono, dans le centre du Mali, arbore un foulard représentant une tête de mort, qui lui donne des faux airs de ghost, un personnage du jeu vidéo de guerre Call of Duty. Interrogé sur d’éventuelles sanctions à l’encontre du militaire concerné, le colonel Thierry Burkhard, a répondu qu’il était «en cours d’identification».
La proposition européenne
L’Union européenne a proposé hier lundi, d’organiser une réunion internationale sur le Mali le 5 février prochain à Bruxelles, une initiative qui affirme la volonté de Bruxelles d’être à la pointe de la mobilisation sur la crise au Sahel. «Elle sera organisée avec l’Union africaine, la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) et les Nations unies, et aura lieu à Bruxelles», a ajouté Michael Mann. L’objectif de cette réunion sera d’«assurer la meilleure coordination possible des soutiens pour résoudre la crise malienne sur les plans politique et sécuritaire», a expliqué un responsable européen. Bruxelles veut jouer un rôle central dans la coordination des soutiens européens, notamment en mettant en place un Mécanisme de soutien à l’intervention africaine en préparation, la Misma, qui doit à terme prendre le relais de la France.
La leçon somalienne
Le ministre britannique des Affaires Etrangères, William Hague a déclaré hier lundi, à la BBC que le Mali ne doit pas être un Etat en faillite et qu’une solution à ses problèmes doit provenir de l’Afrique. «Le Royaume-Uni a soutenu le déploiement des forces françaises au Mali pour repousser les groupes d’Al Qaîda. Les pays Occidentaux doivent tirer des leçons de la Somalie en termes d’équilibre entre actions militaires, politiques et humaines. Il n’y a pas de recette parfaite», a dit M. Hague. Selon lui, il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu au Mali. «Nous avons besoin d’utiliser toute une variété d’instruments politiques et économiques. Nous soutenons l’intervention militaire de la France au Mali mais le plus important doit venir de pays africains», a-t-il expliqué.
L’opposition égyptienne
Le président égyptien Mohamed Morsi s’est déclaré opposé à l’intervention militaire menée par la France au Mali, lors d’un discours à l’ouverture d’un sommet économique arabe à Ryad. «Toute intervention doit être pacifique. Nous n’acceptons en aucun cas l’intervention militaire au Mali (…) qui est de nature à alimenter le conflit dans la région», a déclaré le chef de l’Etat devant ses pairs arabes. «Nous ne voulons pas que soit créé un nouveau foyer de conflit sanglant en Afrique», a poursuivi le président égyptien, issu des Frères musulmans.