C’est à travers un très beau livre que le journaliste Abdelkrim Tazaroute a tenu à rendre hommage à l’un des plus grands maîtres de la chanson chaâbi, El Hachemi Guerouabi.
L’auteur de l’ouvrage est revenu sur le long itinéraire de l’artiste. C’est ainsi qu’on revoit la vie d’orphelin du petit Hachemi bien pris en charge par sa famille adoptive, notamment sa tante, et très aimé par tous ses proches et ses voisins de Dar El Babor, à Belouizdad, qui avaient remarqué sa beauté et son charme. Guerouabi se fera remarquer plus tard comme un bon footballeur et un excellent nageur.
Mais ce qui l’intéressait, c’était la musique et la chanson. Le fait d’habiter à Belouizdad (Belcourt à l’époque) a sûrement joué dans la lancée de l’artiste, puisque ce quartier abritait plusieurs chanteurs dont Farid Ouejdi dit Ninis, Mohamed El Marocaine et le jeune Bouguettaya qui ressemblait à Guerouabi et partageait aussi avec lui l’adoration du chaâbi.
Le début d’une grande carrière
Tazaroute revient sur le premier contact de Guerouabi avec Mahieddine Bachtarzi qui l’avait programmé le même jour à l’opéra d’Alger. Présenté par Si Abdelkader, aujourd’hui homme d’affaires, le jeune El Hachemi qui n’avait que 17 ans avait eu du succès auprès du public et Mahieddine l’engagea comme comédien et chanteur. C’est ainsi qu’il jouera dans plusieurs pièces de théâtre tout en continuant à animer les soirées musicales.
Au début des années 1960, Guerouabi, qui était déjà une star et avait eu un très grand succès avec les chansons Belleq ki tseguem saâdi (paroles de Ben M’sayeb), tenait à arracher une place parmi les grands qu’étaient Amar Laâchab, Rachid Souki, Boudjemaâ El Ankis, etc. L’ambition était grande, mais la mission n’était pas impossible. Guerouabi, qui avait auparavant compris qu’il était plutôt fait pour la chanson que pour le théâtre, savait que des compositeurs tels que Amraoui Missoum et Mahboub Bati avaient entamé un travail de modernisation du chaâbi et qu’il fallait bien se positionner face aux grands d de ce genre musical. Le chanceux Guerouabi, qui avait la beauté, le look, notamment avec sa frange de cheveu, aura aussi la chance de rencontrer l’un des plus grands paroliers et compositeurs de l’époque, Mahboub Bati.
Celui-ci avait déjà composé de grands succès pour de nombreux chanteurs tels que Boudjemaâ El Ankis qui nous offrira l’éternel succès Ah ya n’tya. Selon l’ouvrage de Tazaroute, on comprend que c’est Guerouabi qui serait derrière la modernisation du chaâbi aux côtés de Mahboub Bati. Nous comprenons la grande admiration de Tazaroute au défunt Guerouabi, mais il faut dire que Guerouabi était un grand interprète et que la chansonnette était née avant la montée de Guerouabi.
L’empreinte de Bati
Tout le monde se souvient de Shghier wana chibani et Mal el hbib tal ghiabou de Amar Laâchab, celui qui a vraiment métamorphosé cette musique, c’est bien Mahboub Bati et le plus grand succès de l’époque était vraiment l’inoubliable 45 tours avec les deux chansons El Barah et Megouani sahrane. Auparavant, El Barah avait été proposée à Lamari qui n’avait pas saisi cette chance, mais qui est revenu avec le grand tube de l’époque Ah ya qelbi, dont les paroles et la musique sont du même Bati.
Comme le rapporte si bien l’auteur de l’ouvrage, Guerouabi avait tout pour conquérir le public, une belle voix, une bonne diction et une présence sur scène. Lors de ses derniers concerts à la salle Ibn Khaldoun et au théâtre de Verdure, on avait vu comment il communiquait avec son public. Tazaroute nous ramène à ces moments exceptionnels quand le maître se confiait à ses admirateurs par le biais des paroles d’El Harraz, alors que les instruments de musique se taisaient pour laisser la place à la voix unique de Guerouabi.
Avec ce bel ouvrage où l’on retrouve de belles photos du défunt chanteur, Abdelkrim Tazaroute, lui-même musicien et chanteur, a réussi à nous offrir de beaux textes d’écrivain sans oublier de mener une vraie enquête auprès de ceux qui ont connu le grand maître.
B. S.