Avec sa franchise habituelle, Mahmoud Guendouz analyse la situation actuelle du football national en général, de la sélection, et évoque le sujet du prochain sélectionneur national. Attention, il n’y va pas avec le dos de la cuillère.
On sait que vous êtes rentré du Liban, après une saison réussie avec Al Nejmeh, mais on ne connaît pas encore vos projets. Envisagez-vous de travailler de nouveau en Algérie ?
Tout le monde me connaît, je ne suis pas demandeur et je ne vais pas frapper aux portes. Quand mon contrat arrive à terme avec n’importe quel club, je fais mes valises et je m’en vais. Si les dirigeants du club où j’ai travaillé souhaitent me voir renouveler mon contrat, qu’ils me le signifient, sinon je pars. En revanche, il y a mon agent qui s’occupe de tout, c’est lui qui propose mes services un peu partout, et cela est tout à fait normal. Et jusqu’à présent, je ne sais pas s’il a eu des offres ou non.
Mais on parle avec insistance de vous à la tête de la sélection des locaux. Qu’en est-il au juste ?
Ecoutez, moi, je ne suis pas tombé du ciel. Je suis un ancien international qui a donné dix ans de sa vie à l’Equipe nationale en ayant été titulaire à part entière. Et cela fait 20 ans que j’ai entamé une carrière d’entraîneur. Est-il anormal ou un pêché d’entraîner une sélection nationale, après une telle carrière ? C’est mon droit le pus absolu. Nous les anciens joueurs ne demandons pas ce qui ne nous revient pas de droit, on demande seulement une reconnaissance et qu’on nous fasse confiance. Et puisque vous avez évoqué ce sujet, je vais être franc avec vous.
Allez-y…
J’ai discuté avec Raouraoua, qui est très bon ami à moi, et je lui ai dit que j’avais le droit d’avoir une chance d’entraîner la sélection des locaux. Il a bien accueilli cette idée et il m’a fait savoir que j’aurai cette chance.
Voilà ce qu’il y a.
Pourquoi la sélection des locaux plus précisément ?
Parce que j’ai envie d’aider le football national. Le monde entier marche dans le bon sens, sauf nous, on nage à contre-courant. Le football doit revenir aux footballeurs. Regardez les sélections du monde entier et les plus grands clubs du monde, ils confient leurs équipes aux anciens joueurs, sauf chez nous, comme si on était indésirables.
Vous suivez certainement l’actualité de l’Equipe nationale où le sujet du nouveau sélectionneur national fait débat. On parle surtout de Halilhodzic comme sélectionneur potentiel des Verts. Un avis là-dessus ?
Vous savez très bien que je ne fais pas dans la langue de bois quand il s’agit de l’Equipe nationale. Tout le monde croit que le problème de l’EN est un problème d’entraîneur. Moi, je dis non. La sélection nationale n’est qu’une vitrine de notre football qu’on essaye à chaque fois de replâtrer. Le problème n’est pas dans les légumes, mais dans le couscous comme on dit chez nous.
Expliquez-vous ?
Le problème réside dans notre championnat qui ne fournit plus aucun joueur à la sélection. Nous avons importé 20 joueurs de l’étranger, au moment où nous sommes incapables de donner un seul joueur valable à l’Equipe nationale. C’est cela la vérité que tout le monde refuse de regarder en face. Je dis que l’option de l’entraîneur étranger est une fuite en avant, comme on l’a toujours fait. Que peut faire ce Halilhodzic avec un championnat aussi faible et des joueurs qu’on a importés de partout et dont le niveau est très moyen, pour ne pas dire carrément faible ?
Selon vous, que devrait faire la FAF, après la débâcle de Marrakech ?
Il fallait affronter la réalité, aussi amère soit-elle, plutôt que de mentir au peuple. Il fallait dire qu’on va chercher un entraîneur pour l’EN à qui on va fixer des objectifs à long terme, mais que la priorité sera donnée au championnat national pour le sauver et le sortir de la médiocrité. Un championnat dans lequel exercent des entraîneurs, pas tous bien sûr, venus de la rue et dans lequel des présidents n’ont rien à voir avec le football et qui font la loi. Vous ne pensez pas que ramener un Halilhodzic et lui dire emmenez-nous en Coupe du monde dans ces conditions est complètement absurde ?
D’accord, mais que pensez-vous de Halilhodzic comme éventuel sélectionneur national ?
Je ne pense pas qu’il soit l’homme de la situation. Je respecte beaucoup ce monsieur, je respecte sa carrière de joueur, à Nantes et à Lille entre autres, je respecte sa carrière d’entraîneur où il a fait beaucoup de bonnes choses, mais je pense qu’il ne peut pas avoir une solution miracle ou faire une révolution dans les conditions que je viens de décrire.
Qui est donc celui qui est en mesure de faire cette révolution à votre avis ?
Ceux qui sont en mesure de le faire, ce sont nous, les anciens joueurs, dont le seul intérêt est celui du football national. Et non les étrangers qui cherchent beaucoup plus à soigner leur image et donner un nouvel élan à leur carrière en entraînant une équipe qui vient de prendre part à la Coupe du monde. Où étaient tous ces entraîneurs quand la sélection nationale ne parvenait même pas à se qualifier en phase finale de Coupe d’Afrique ?
Kourichi, qui est votre ancien coéquipier, et Kaoua sont pressentis pour travailler avec Halilhodzic. Etes-vous pour cette idée ?
Noureddine est mon ami et je ne suis pas contre l’idée. Bien au contraire, je serai le premier à l’encourager. Mais au risque de me répéter, le problème n’est pas l’entraîneur. Je ne suis pas contre l’entraîneur étranger parce qu’il est étranger. Nous avons besoin des compétences d’où qu’elles viennent. Je ne suis pas contre Saâdane ou Benchikha, mais je suis contre la façon avec laquelle est géré notre football. La solution est dans notre championnat qui est malheureusement dans le coma. Le rafistolage ne servira à rien.
Tasfaout et Saâdane se sont affrontés par presse interposée ; qu’en pensez-vous ?
Savez-vous comment on appelle cette pièce théâtrale ?
Comment ?
Une guerre de gangs et d’intérêts. L’un défend son ami qui vient d’être limogé ou qui a démissionné, alors que l’autre cherche à régler ses comptes, après avoir été écarté de la sélection.
Vous voulez dire que Tasfaout veut défendre Benchikha en décidant de répondre à Saâdane ?
Il défend des gens, pas l’intérêt du football national. Car s’il voulait vraiment défendre les intérêts de l’EN, il aurait fait ces déclarations bien avant, mais il les a faites après que Saâdane eut parlé.
Et Saâdane, pourquoi, selon vous, s’est-il attaqué à la direction de la FAF ?
Je viens de vous le dire, il règle ses comptes avec ceux qui l’ont sorti par la petite porte. Et entre ces luttes intestines autour des intérêts, le simple supporter de l’EN s’est perdu. Je veux aussi saisir cette occasion pour dénoncer un fait, celui d’un clan que forment certains entraîneurs qui ont travaillé en Tunisie. Mon clan à moi, c’est l’Algérie. Je veux aussi commenter un fait qui ne doit pas passer inaperçu.
Lequel ?
On a parlé de joueurs qui ont découché à quelques jours du match contre le Maroc. Je ne sais pas si cette histoire est vraie ou non. On m’accuse toujours de faire de graves déclarations, mais à mon avis, si ces faits ont vraiment eu lieu, alors je dois dire que c’est très grave. Des joueurs qui se permettent d’aller veiller avec l’argent du peuple, la veille d’un match aussi important, alors qu’on les a ramenés de clubs très modestes, il n’y a pas pire que cela. Je ne comprends pas comment cette histoire est passée comme ça, sans qu’on y prête attention.
Pensez-vous vraiment que l’Equipe nationale n’a pas d’avenir avec ces joueurs ?
Lorsque les gens sortaient dans la rue et dansaient, lorsque tout le monde louait les mérites de cette équipe après la qualification au Mondial. Moi, j’ai assumé mes responsabilités et j’ai dit que cette équipe était faible et qu’elle ne pouvait pas aller loin. Aujourd’hui, tout le monde vient me dire que j’avais raison. Je vous le dis, tant qu’on ne produit pas des joueurs comme ceux des années 80, on ne pourra pas parler de progrès.
Pourquoi êtes-vous toujours aussi pessimiste ?
Vous voulez me voir danser face à une situation aussi catastrophique ? Non, je ne ferai jamais ça et je continuerai à me battre pour mes idées et mes principes, pour mon pays. On me dit souvent que je suis en train de me faire griller par les responsables de notre football en faisant pareilles déclarations et que si je continue à le faire, on ne me proposera aucun travail en Algérie, ni à la FAF, ni au niveau des clubs et que les présidents ne me feront pas appel. Moi, je dis ceci : Je suis prêt à me faire griller pour l’intérêt du football national même si je n’entraînerai aucune équipe en Algérie.