Cette année, l’Algérie célèbre le 72 anniversaire des massacres du 8 mai 1945. 72 années se sont écoulées depuis ces crimes coloniaux commis notamment à Setif, Guelma et Kherrata. Les années passent mais les lieux racontent toujours l’horreur de la colonisation française et ce qu’elle a été réellement.
De ces hauts lieux témoins de ces massacres, le four à chaux de la commune d’Héliopolis à Guelma, transformé en four crématoire, où ont été brûlées les dépouilles d’innocentes victimes exécutées par la police coloniale, témoigne encore de ces crimes, selon des témoignages toujours vivaces dans la mémoire collective de la région.
Certains parmi ceux qui ont vécu ces événements, racontent à l’Agence de presse algérienne (APS) que ce four, situé dans une ferme de la région d’Héliopolis, à 5 kms au nord de la wilaya, était initialement destiné à la fabrication de la chaux.
Les restes de ce four, appartenant à un colon du nom de Marcel Lavie, a été transformé le 8 mais 1945 par des milices européennes en four crématoire pour y brûler les cadavres d’Algériens innocents, témoignent à ce jour des atrocités commises par des mains abjectes.
Mohamed Bouaoud, âgé de 15 ans à cette époque, fait partie des quelques témoins encore vivants de ces massacres et garde en mémoire les détails de ces événements tragiques qui ont marqué cette région d’autant qu’ils ont duré plus d’un mois, au cours duquel le préfet de Guelma, André Achiary a mené une guerre sans merci aux Algériens en ordonnant des exécutions sommaires et en jetant leurs cadavres dans les champs et près des rives des oueds.
Ce même témoin a confié que l’odeur des corps en décomposition, empestant l’atmosphère, a incité « les milices européennes à vouloir camoufler leurs crimes infâmes en transportant les cadavres des Algériens dans des camions jusqu’à la ferme Lavie pour les brûler », indiquant que pour ce faire, « les Français ont fait appel à plus de 20 camions de transport de marchandises ».
D’après des documents officiels détenus par des militants engagés dans la défense des droits des martyrs de ces massacres, « plus de 500 cadavres de musulmans, pendus de manière sommaire en mai 1945, ont été exhumés des fosses communes dans lesquelles elles ont été jetées et acheminées, sous bonne escorte des gendarmes français, à l’aide de camions vers le four à
chaux ».
Ce dernier servait à brûler des pierres dans la commune d’Héliopolis où des détenus italiens, travaillant pour le propriétaire de la ferme, se chargeaient de brûler les dépouilles en y ajoutant des branches d’oliviers.
Kef el Boumba, un autre lieu témoin de la grande barbarie
Non loin de cette ferme, se trouve un site de massacres collectifs ainsi qu’un important charnier d’ossements au lieu-dit Kef El Boumba à l’entrée de la commune d’Héliopolis, à proximité de l’oued Seybouse, comprenant 4 tranchées d’une longueur variant entre 20 à 25 mètres, renfermant chacune plus de 20 cadavres.
Le premier groupe de personnes pendues sur place compte 50 martyrs, dont Mohamed Tebbani et Hamid Djemaâoui, se rappelle Aicha Djemaâoui, la sœur du chahid Hamid, alors âgée de 23 ans.
Selon les chiffres avancés par l’association locale du 8 mai 1945, créée en 1995, le bilan approximatif des victimes de ces horribles massacres dépasse les 18 000 martyrs parmi les enfants de Guelma et plusieurs communes de la wilaya, à l’instar de Belkheir, Ahmed Boumahra, Khazara et Oued Chahm.
Les informations émanant des membres de cette association font état de la simultanéité des événements du 8 mai 1945 avec le marché hebdomadaire de Guelma qui drainait tous les habitants de la région, d’où le nombre important des participants à la marche pacifique, qui a pris naissance dans la région d’El Karamet en dehors de la muraille entourant la ville, s’élevant à plus de 2000 algériens. Cela a semé la peur chez les français qui ont décidé de riposter contre cette marche civilisationnelle avec une
grande barbarie, au cours de laquelle sont tombés de nombreux martyrs, dont le premier était Abdellah Boumaâza dit Hamed.
Parmi les plus importantes actions concrétisées par l’association du 8 mai 1945 à Guelma dans le cadre de la commémoration de ces massacres, la réalisation de stèles commémoratives au niveau de 11 lieux qui témoigneront au fil du temps et des générations de la cruauté du colonialisme, en particulier au chef-lieu de la wilaya où se trouve l’ancienne caserne militaire, la voie ferrée, la gare ferroviaire ainsi que le club des scouts.