Mohamed Menani
La 8e édition du Forum international sur la vie et l’œuvre de Kateb Yacine se déroulera du 27 au 31 octobre 2018 au théâtre régional Mahmoud-Triki à Guelma. La manifestation est organisée par l’association locale pour la promotion du tourisme et de l’action culturelle et modérée par le conseil scientifique du forum, qui avait lancé au début de l’année un appel à communications sur un thème intitulé «Les géographies de Kateb Yacine». Ce thème retenu fut proposé par le professeur émérite Marc Gontard de l’université de Rennes II et approuvé unanimement par ses confrères du conseil scientifique qui soutiennent que l’argumentaire s’articule sur l’existence d’une cartographie de l’espace s’appuyant sur des données géographiques précises dans l’œuvre de Kateb Yacine. Nous situons des villes comme Bône (Annaba), Constantine, Sétif et Guelma, mais aussi La Mecque, Marseille ou Paris. Des fleuves tels la Seybouse ou le Rhummel, des reliefs comme les gorges de Constantine ou le mont Nadhor. Ces espaces construisent dans l’œuvre katébienne des itinéraires ayant une fonction configurante.
Le roman de «Nedjma» peut se lire comme une errance circulaire, d’une ville à l’autre, d’un fleuve à l’autre, avec au centre les monts de Sfahli et Aïn Gh’rour, dont la tribu des Keblout tire son identité. Dans le «Polygone étoilé», Lakhdar s’embarque à Marseille, en direction de Paris, emprunte la route du Rhône où commence la saga de l’émigration qui est accentuée au théâtre avec «Mohamed prends ta valise». L’itinéraire se complique dans une pièce théâtrale «l’Homme aux sandales de caoutchouc», qui juxtapose le combat mené par l’oncle Hô et la France coloniale qui recrute les Maghrébins pour aller combattre au Vietnam, de même pour l’Amérique de Nixon et la misère des trottoirs new-yorkais, ou encore le Russie de Nikita avec une excursion sur la planète Mars. Les titres eux-mêmes sont liés au tracé cartographique, puisque dans «Nedjma», l’on retrouve l’étoile encerclée par le polygone. Si la géographie de Kateb Yacine, dans le récit comme dans le théâtre, peut articuler les séquences et les événements, ou au contraire, devenir un facteur de discontinuité, il demeure évident que les noms des lieux et des itinéraires ont toujours une valeur symbolique. Sous la géographie se cache donc une topographie plus intime nourrie par la hantise de l’écrivain face à l’histoire…, face à sa propre histoire.
C’est dans cette dimension spatiale itinérante que se confine le thème de cette édition célébrant le 29e anniversaire de sa disparition, et l’on s’impatiente à découvrir de nouvelles portes et à explorer de nouveaux sentiers de la littérature de l’écrivain rebelle. 22 conférenciers de la communauté universitaire d’Algérie, du Maroc, de Tunisie, du Liban, du Brésil, de France, d’Autriche et d’Italie vont se relayer au pupitre pour disséquer le thème en l’enrichissant avec des approches académiques sur le fonctionnement de la topographie dans le récit, la géographie sensorielle et chtonienne, la géopoétique, l’espace hybride entre chaos et cosmos, la description anthropologique binaire de l’espace maghrébin, les formes de déplacement et le déplacement des formes dans les lectures imaginaires et les enfers poétiques katébiens. Le Forum international sur la vie et l’œuvre de Kateb Yacine est périodiquement organisé sous le parrainage du ministre de la Culture et du wali de Guelma.
