Adlene Guedioura s’est fait, petit à petit, une place au sein de la sélection nationale. Lors du match retour contre la Libye, il avait même été promu capitaine d’équipe, en l’absence de Madjid Bougherra, blessé, et de Medhi Lacen, suspendu. Sa puissance, sa polyvalence et sa combativité font de lui actuellement l’un des éléments de base du système de jeu de Vahid Halilhodzic. Discret et réservé de nature, il ne s’exprime pas beaucoup dans les médias, mais quand il le fait, il ne dit jamais des choses bêtes. Avant le match amical face à la Bosnie-Herzégovine, il revient sur la qualification à la CAN, sur les chances de l’Algérie dans sa poule et sur la progression importante des Verts dans le classement FIFA.
Vous avez eu l’honneur d’être le capitaine des Verts lors du match qui a qualifié l’Algérie à la CAN-2013. Avez-vous vécu l’événement comme un moment de fierté, en sus du bonheur que procure la qualification pour le tournoi africain ?
Tout d’abord, cela a été un très grand honneur d’avoir été capitaine de la sélection nationale d’Algérie. C’est aussi une immense fierté pour moi, mais aussi pour ma famille et mon entourage. Mes amis ont vraiment été contents et fiers de me voir porter le brassard de capitaine de l’Equipe nationale. C’est déjà une fierté en soi de porter le maillot national, car c’est le plus important. Après, être capitaine, c’est seulement un bonus.
Quand même, c’est un double bonheur pour vous puisque le match au cours duquel vous avez été capitaine a été celui de la qualification à la CAN…
Oui, mais si j’avais à choisir entre être capitaine et la qualification à la CAN, le choix est tout indiqué : je préfère la qualification. Maintenant, comme vous l’avez dit, c’est un bonheur, mais beaucoup plus pour la qualification car c’est une victoire collective qui nous permet de passer au niveau supérieur, c’est-à-dire à la Coupe d’Afrique des nations. Ce qui est bien, c’est que ça a été vécu comme ça.
Lorsque le sélectionneur vous a confié le capitanat pour ce match, vous a-t-il donné des consignes particulières en matière de leadership, en plus des consignes tactico-techniques traditionnelles ?
Pas forcément. Il m’a dit de faire comme d’habitude. Il m’a conseillé d’être toujours un bon exemple pour le groupe. Là, j’ai été le capitaine, mais je suis plus souvent deuxième ou troisième capitaine. C’est plus l’esprit qui compte. Porter le brassard, c’est être plus impliqué vis-à-vis du groupe et montrer le bon exemple.
Par consignes particulières, nous entendons des consignes spécifiques au contexte du match, avec des Libyens qui allaient vraisemblablement vouloir jouer autre chose que le football pour déconcentrer les Algériens…
Le coach nous avait déjà préparés au match aller. Nous avions vu comment ils se sont comportés. On nous a fait visionner une vidéo et c’est là que nous avions vu que les Libyens étaient vraiment agressifs sur le terrain. Nous avons vu, lors du premier match, comment ça s’est passé. Au deuxième match, le coach nous a demandé à tous de ne surtout pas céder à la provocation des Libyens. Je pense que nous avons été exemplaires là-dessus, tout comme le public. Autrement, cela aurait pu dégénérer.
Vous avez géré parfaitement l’instant où des joueurs libyens avaient voulu sortir du terrain et interrompre le match, en enjoignant vos coéquipiers à rester dans leur moitié du terrain et à ne pas tomber dans le jeu de la provocation de la partie libyenne. Vraisemblablement, vous vous étiez préparée à tous les scénarii…
Nous ne nous attendions pas à ce qu’ils arrêtent le match, car c’est vraiment un comportement anti-football et antisportif. C’est vraiment dommageable pour le foot. Il faut respecter le pays où on a été accueillis et aussi le public, venu massivement. La sélection nationale d’Algérie ne ferait jamais ça. De notre côté, nous nous sommes parlés entre joueurs et nous nous sommes dits que nous ne devions pas tomber là-dedans et qu’il fallait rester concentrés sur le match. Nous avons formé un groupe dans notre moitié de terrain pour ne pas tomber dans cette provocation et cette tentative de déstabilisation.
Quel sentiment ressentez-vous, sachant que vous allez préparer la phase finale de la CAN ?
Ah, c’est un sentiment fort ! Toute personne qui est en sélection nationale souhaite disputer des phases finales de la CAN et de la Coupe du monde, à plus forte raison que ça se déroulera en Afrique du Sud, un très beau pays avec de très beaux stades, avec la participation de grandes nations du football continental. Ce sera une première pour moi et j’espère que ce sera grandiose.
Vous avez pris part à une phase finale de Coupe du monde. Ne pensez-vous pas que cette qualification a plus de saveur pour vous, à titre personnel, puisque vous y avez pris une part prépondérante ?
C’est vrai que prendre part à une qualification et participer inch’Allah à une phase finale a plus de saveur. J’ai participé à la Coupe du monde avec beaucoup de bonheur et aussi de fierté, mais je n’avais malheureusement pas pris part à la qualification magnifique à cet événement contre l’Egypte. La saveur de la présente qualification est aussi dans la qualité du groupe de joueurs et dans le parcours sans faute que nous avons effectué pour atteindre la CAN.
La CAN-2013, vous y êtes plongés déjà puisque vous connaissez vos adversaires du premier tour. Partagez-vous l’avis de ceux qui pensent que les Verts sont dans le «groupe de la mort» ?
Si l’on tient compte des nations présentes dans ce groupe, on se rend compte que c’est vraiment une poule difficile. Vous suivez bien le football en Afrique et il est facile de constater qu’il n’y a plus de petites équipes. D’ailleurs, le dernier vainqueur est la Zambie. Toute sélection qui participera à la CAN sera difficile à jouer. Maintenant, il est clair que c’est la plus grande nation africaine de football du moment, la Côte d’Ivoire, qui est dans notre groupe. La Tunisie est également une sélection solide et notre confrontation sera aussi un derby. Le Togo, de son côté, avait été à la Coupe du monde de 2006, ce qui démontre que c’est une sélection respectable du football africain.
A vous entendre, vous semblez réfuter la notion de «groupe de la mort»…
On peut dire que c’est un «groupe de la mort», mais qui va mourir ? Ce ne sera certainement pas nous (rires).
Le premier match sera un derby ouvert contre la Tunisie. Pensez-vous que ce match sera déjà décisif ?
Il y a trois matches dans ce groupe et ils sont tous importants. Je ne pense pas que le premier face à la Tunisie soit décisif, mais c’est sûr qu’il faudra bien commencer cette compétition. Débuter par une victoire serait l’idéal. Il y aura trois matchs et 9 points en jeu. Celui contre la Tunisie sera certainement capital, mais pas décisif.
Vous n’avez pas participé à la victoire de l’Algérie contre la Côte d’Ivoire lors de la CAN-2010. N’est-ce pas déjà une motivation pour vous d’entrer dans ce match avec la volonté de le gagner et de faire aussi bien que vos devanciers, sinon mieux ?
Bien sûr ! C’est vrai que, lors de la dernière CAN à laquelle l’Algérie avait participé, la sélection avait produit un très beau match, palpitant jusqu’au bout puisqu’il s’était terminé à 3-2. On aimerait réellement rebondir là-dessus et réaliser un aussi beau match contre la Côte d’Ivoire et, pourquoi, le gagner. On sait que les Ivoiriens sont les favoris. Nous essayerons d’aborder ce match-là en étant déjà qualifiés pour les quarts de finale.
Les plus grandes stars de la Côte d’Ivoire et du Togo évoluent ou ont évolué en Angleterre (Drogba, Yaya Touré, Kolo Touré, Kalou, Gervinho, Tioté, Adebayor…). Avez-vous affronté certains d’entre eux en Premier League lorsque vous étiez à Wolverhampton ?
Oui, j’ai affronté, la saison passée, Yaya Touré et Kolo Touré. La saison d’avant, j’avais joué contre Drogba, Kalou et Adebayor. J’ai donc rencontré la majorité des joueurs que vous m’avez cités. Ce sont de grands joueurs de niveau mondial, tels Drogba et Yaya Touré qui ont déjà remporté la Ligue des champions et ont gagné des titres dans des championnats relevés.
Pensez-vous vraiment que la Côte d’Ivoire est imbattable et ne pourra pas rater la qualification pour le deuxième tour ? Pourquoi ne pas tenter de jouer carrément la première place ?
C’est vrai qu’il faut être ambitieux. Pourquoi pas terminer à la première place ? Cela dit, il ne faudra pas se tromper d’objectif : le plus important, c’est de se qualifier aux quarts de finale, donc terminer premier ou deuxième. Si nous devions signer tout de suite pour la deuxième place, nous le ferions avec plaisir ! Il faudra donc se concentrer avant tout sur la qualification et ne pas être obsédé par l’idée d’obtenir la première place ou de battre la Côte d’Ivoire. Nous ne cracherons pas là-dessus, bien sûr, mais l’objectif principal est de passer aux quarts de finale.
Vous avez été à la Coupe du monde et vous aviez joué au Cap qui se trouve au niveau de la mer, et à Pretoria qui est à 1700 mètres d’altitude. Pensez-vous que cette différence géographique influe réellement sur le rendement d’un joueur ?
Peut-être. C’est vrai qu’il y a une différence d’altitude et ça pourrait être important, mais je pense que nous allons bien nous préparer pour ça. Je ne sais pas encore quand et où nous allons nous préparer (entretien réalisé avant l’annonce, par Vahid Halilhodzic, du stage qui sera effectué à Rustenburg et du match amical qui sera disputé contre l’Afrique du Sud, ndlr), mais je crois que nous aurons deux semaines de préparation en correspondance avec les matches que nous aurons à disputer. J’espère que nous serons prêts, inch’Allah, pour ces matchs en altitude.
Lors du match face aux Etats-Unis du Mondial-2010, disputé en altitude, à Pretoria, vos coéquipiers, qui avaient disputé tout le match, s’étaient-ils plaints des effets néfastes de l’altitude ?
Je ne pense pas que ce soit l’altitude qui nous avait handicapés durant le Mondial, mais plutôt les multiples déplacements entre les villes. A chaque fois, il fallait prendre ou l’avion ou le bus pour de longs déplacements, puis revenir à notre camp de base, ce qui avait engendré de la fatigue et n’avait pas facilité la récupération. Ce n’était pas évident.
Justement, lors de la CAN-2013, vous allez jouer les trois matches de poule dans le même stade et la même ville, Rustenburg. Cela change par rapport au Mondial…
Effectivement, nous aurons la chance de jouer nos trois matches de poule dans le même stade, ce qui nous permettra d’avoir nos marques et de ne pas trop bouger en Afrique du Sud. Bien se préparer et bien récupérer après les matches, c’est ce qui est le plus important.
Il y a une différence d’approche sur ce point. Certains prônent la stabilité dans un même endroit, mais d’autres redoutent de tomber dans la routine. Préférez-vous rester dans le même endroit et être stable, quitte à vous ennuyer, ou bien vous changer de sites pour casser la routine ?
Personnellement, je privilégierai la stabilité dans le même site. Je pense à la qualification après le premier match, le deuxième et même le troisième, si nous nous qualifierons au second tour. C’est vraiment important si nous voulons durer et aller loin dans la compétition. Je préfère donc qu’on gère comme il se doit nos efforts.
En attendant la CAN, il y aura un match de préparation bientôt contre la Bosnie-Herzégovine, à Alger. Que savez-vous du football bosniaque ? Edin Dzeko, que vous connaissez puisqu’il évolue en Angleterre, est-il le seul joueur à surveiller ?
Je ne connais pas beaucoup le championnat bosniaque, mais je sais que la sélection de Bosnie-Herzégovine est très relevée, avec de grands joueurs. D’ailleurs, cela a toujours été le cas à travers l’Histoire. Coach Vahid avait joué dans la sélection de l’ancienne Yougoslavie et vous savez ce que valait cette équipe à l’époque, avec une identité de jeu et un style qui étaient vraiment beaux à regarder. La sélection actuelle de la Bosnie-Herzégovine renferme des stars, à l’instar de Dzeko qui joue à Manchester City et qui est un redoutable buteur. Il y a aussi Pjanic qui est à la Roma, Misimovic au Dynamo Moscou, Lulic à la Lazio… Ce sont tous des joueurs à surveiller. Le coach va nous donner beaucoup plus d’éclaircissements sur notre adversaire, car il le connaît certainement mieux que nous. C’est la sélection de son pays d’origine et il va tout nous expliquer sur son jeu, il n’y a pas de doute là-dessus.
C’est un match amical, mais c’est le premier contre une sélection européenne depuis l’arrivée de Vahid Halilhodzic. Pensez-vous que c’est votre premier véritable test ?
Non, car nous avons eu des tests par le passé. La Gambie n’était pas facile à jouer, surtout que nous ne l’avions jamais battue à l’extérieur et personne ne nous croyait capables de la battre chez elle, la Libye n’a pas été non plus un adversaire facile… C’était vraiment de bons tests pour nous, non seulement parce qu’ils nous ont permis de nous qualifier à la CAN-2013, ce qui est le plus important, mais aussi parce que ça a créé un groupe. Il faut vraiment le souligner car c’est très important. Pour en revenir à votre question, je ne pense pas que ce soit un match banal, car il faut le gagner. J’ai regardé sur internet que nous sommes 19es au classement FIFA, ce qui constitue une première pour nous, juste derrière la France et juste devant la Belgique, deux nations qui ont des joueurs évoluant au Real Madrid, au FC Barcelone, à Chelsea, à Manchester City… Nous sommes tous contents de ce classement, mais nous ne voulons pas nous arrêter là. Nous voulons vraiment progresser et, pourquoi pas, aller plus loin.
Si l’Algérie bat la Bosnie-Herzégovine et que la France ne gagne pas face à l’Italie, l’Algérie passera devant la France. Ne serait-ce pas un beau cadeau pour le peuple algérien, à l’occasion du cinquantenaire de l’Indépendance ?
Nous aimerions bien faire plaisir à notre peuple. Cela dit, c’est déjà une performance d’être dans le Top 20. J’ai été vraiment content en découvrant cela. Il faut continuer à progresser. Le coach est très exigeant, les supporters le sont aussi, ils en veulent plus. Nous, les joueurs, en voulons plus nous aussi (rires).
Une question à propos de votre club, Nottingham Forest. Après un début de saison difficile, il a connu un redressement salutaire et est même revenu dans la course à l’accession, pointant actuellement à la 11e place, à deux points d’une place de barragiste et à sept points de la deuxième place, celle permettant une accession directe en Premier League. Etes-vous optimiste pour atteindre cet objectif, sachant que vous n’êtes même pas au tiers du parcours ?
Personnellement, je suis très optimiste. Je pense que nous avons fait plutôt un bon début de saison. Nous sommes l’équipe qui a perdu le moins de matchs. C’est juste que nous avons fait beaucoup de matchs nuls, ce qui nous a causé du retard. Dans la Championship, ça va très vite. Il suffit de gagner un ou deux matches pour se retrouver directement à la 4e ou 3e place. C’est ce qui fait le charme de ce championnat. Parfois, nous jouons deux fois par semaine. La saison passée, Reading était, à un certain moment, 12e, puis a fait une excellente deuxième moitié de saison en alignant 17 matchs sans défaite, ce qui lui avait permis de terminer champion de la deuxième division. Sincèrement, je pense que nous avons une très bonne équipe qui pourra accéder en Premier League, inch’Allah. Notre objectif immédiat est de rester collé aux clubs du haut du tableau. Nous tablons sur la durée pour, à la fin de la saison, réaliser l’objectif de l’accession.
Avec votre club, vous avez repris votre place de titulaire, après avoir purgé une suspension de deux matchs, suite à votre expulsion face à Cardiff City, la deuxième de la saison. Deux expulsions en une saison, ce n’est pas dans vos habitudes…
Oui, c’est vrai. C’est seulement le résultat d’un concours de circonstances. Contre Cardiff City, je n’ai pas écopé d’une expulsion directe, mais c’est après avoir écopé de deux cartons jaunes que j’ai eu le carton rouge. Or, je ne méritais pas le premier carton jaune, car l’arbitre avait jugé que j’avais simulé une chute, alors que ce n’était pas le cas. Alors que j’avais le ballon, j’ai été poussé dans le dos par un joueur adverse, j’ai essayé quand même de poursuivre ma course en gardant mon équilibre, mais je n’ai pas pu et je suis tombé. Malgré ça, je me suis relevé tout de suite pour continuer à jouer et c’est là où j’ai été surpris de voir l’arbitre me brandir le carton jaune pour simulation. Il a cru que j’avais simulé, alors qu’il n’en est rien. C’est cette mauvaise appréciation qui a débouché sur mon expulsion lorsque j’ai reçu le deuxième carton jaune.
Donc vous n’êtes pas «violent» ?
Absolument pas ! Je n’ai pas souvent reçu de cartons rouges dans ma carrière. Je suis très correct dans mon jeu. C’est juste que le poste de milieu récupérateur requiert des duels avec des joueurs adverses et, par conséquent, expose son titulaire plus que d’autres au risque de se faire sanctionner.
Votre père, Nacer Guedioura, n’avait pas eu la chance, lorsqu’il était international, de participer à une CAN. N’est-ce pas une fierté pour lui de voir son fils le faire ?
Oui, je pense que mon père est fier de ce que je fais. En tout cas, j’essaye de le rendre fier au maximum, ainsi que toute ma famille. Cela lui fait plaisir, comme cela avait été le cas lorsque j’avais participé à la Coupe du monde. C’est quelque chose qui lui tenait à cœur. C’est aussi un cadeau pour lui. A l’époque de mon père, ce n’était pas facile de jouer en Afrique. Et puis, on ne pouvait pas quitter le pays pour jouer en Europe avant un certain âge, alors que nous avons aujourd’hui la chance de jouer en étant jeunes en Europe, el hamdoulillah. Je m’efforcerai de lui faire plaisir à lui et à tout le peuple algérien et réaliser, pourquoi pas, une grande performance en Afrique du Sud.