Retard dans les tournages, annulation de projets de feuilletons, d’autres reportés à 2012, des annonceurs se rétractent et des scénarios à réadapter…
A moins d’un mois du Ramadan, les contours des grilles télévisées du mois sacré ne semblent toujours pas se profiler. La révolution égyptienne du 25 janvier semble de toute évidence porter de sérieuses conséquences sur la production du feuilleton égyptien, principal moteur de la grille ramadanesque ayant de tout temps eu la plus grande part en matière de production dans le monde arabe. Un impact que semble également subir la Syrie, non pas dans la production des feuilletons, mais ne pouvant plus accueillir des équipes de tournage pour filmer des scènes de feuilletons, et ce, en raison encore une fois de la révolution citoyenne dans ce pays. Dès lors, c’est la Turquie qui ouvre ses portes pour ces tournages devenus impossibles en «terre de révolution». Après l’éclatement des révolutions en Tunisie, puis en Égypte, les tournages des feuilletons ont été stoppés et les télévisions d’Etat et même privées avaient tout simplement gelé les contrats d’achat de tout feuilleton pour le mois de Ramadan. Pire encore et même si pour certains, le temps n’est pas un problème et pourrait être rattrapé en travaillant très dur durant le mois de jeûne, il y a d’autres éléments beaucoup plus important qui compromettent la grille de ce mois de Ramadan.
Comment poursuivre le tournage de feuilletons dont les scénarios sont inspirés d’une époque, désormais, révolue ? Ceux qui avaient entamé les tournages avant la révolution devront pour leur part revoir certaines scènes comportant le portrait de l’ancien président Moubarak ou toute autre référence élogieuse à son encontre. Tout est à revoir et pour d’autres à refaire et à repenser carrément le scénario qui ne condamne pas l’ancien régime. Rajoutez à cela la fameuse «liste noire» des acteurs (trices) qui s’étaient obstinés, jusqu’au dernier moment, à défendre la famille Moubarak. Le public n’en veut plus et les producteurs ne veulent sûrement pas voir leurs feuilletons boycottés par le public à cause de ces acteurs mis sur «liste noire» par le public lui-même. Toutes ces raisons engendrent du retard et même des annulations de projets de feuilleton.
Une catastrophe pour les producteurs, acteurs, annonceurs et un coup dur pour le téléspectateur pour qui, le Ramadan rime avec : programme télé. Autre impact des révolutions arabes et pas des moindres : les annonceurs se rétractent et sans ces financiers, les producteurs ne parviennent pas à travailler et les télévisions ne peuvent pas se permettre d’acheter un grand nombre de feuilletons et encore moins assumer le coût de production d’un feuilleton, en s’assurant le paiement des cachets des acteurs, les décors, les lieux de tournage…
Les acteurs ont dû baisser leur rémunération
Tout d’abord ne pouvant plus se permettre «le luxe» de heurter la sensibilité de leurs populations qui se sont justement révoltées contre la corruption et l’enrichissement d’une certaine classe sociale, mais aussi n’ayant plus le choix. Les producteurs ne peuvent plus se permettre de leur assurer des cachets faramineux, les annonceurs s’étant rétractés de crainte de perdre leur argent en ces temps instables.
D’autres sont tout simplement à l’index des révolutionnaires et de la justice qui enquête sur leurs revenus, dès lors ils préfèrent ne pas se faire remarquer. Parmi les chaînes télés qui avaient habitué ses téléspectateurs à pas moins d’une dizaine de feuilletons durant le mois de Ramadan, figurait la chaîne Dream. Selon les déclarations de son directeur qui avait répondu aux questions de la presse égyptienne, pour l’heure la chaîne se contentera cette année de programmer trois feuilletons seulement et le reste de la grille sera consacré aux émissions politiques et de divertissements. Les budgets restreints et l’absence d’annonceurs ne permettent pas de s’aventurer.
Des feuilletons s’assurent déjà une programmation
C’est le cas du feuilleton «Samara» dont le rôle principal est assuré par la vedette Ghada Abdelrazek, qui avait séduit durant le Ramadan passé avec «Zohra et ses 5 maris». Ecrit par Mustapha Mouharam et réalisé par Mohamed Enakli, l’équipe du feuilleton «Samara» avait eu l’ingéniosité, ou la chance d’avoir entamé le tournage très tôt. Dès lors, la révolution l’ayant obligé à stopper le tournage n’a pas eu grand impact sur lui. De plus, le feuilleton avait déjà été vendu à la chaîne de télévision Dubaï. Autre feuilleton qui parviendra certainement à se placer dans la course des feuilletons «Messiou Ramadan Mabrouk» qui signe le retour de Mohamed Hinidi, l’acteur comique, qui partagera l’affiche avec la chanteuse libanaise Sirine Abdenour.
Parmi les têtes d’affiche très attendues le chanteur Tamer Hosni et l’actrice May Azzedine, sa partenaire dans son film Omar et Selma qui avait eu grand succès auprès du public au point d’en réaliser une suite (2 et 3). Le feuilleton de ce Ramadan s’intitule Adem et serait également au rendez-vous pour compter dans la grille télé de ce mois de jeûne, écrit par Ahmed Abouzid et réalisé par Mohamed Sami. D’autres feuilletons pourront être achevés ayant eu la chance d’avoir entamé tôt le tournage bien avant les révolutions arabes à l’exemple de trois feuilletons relatant la vie d’artistes : El-Chahroura (Sabah) interprété par la chanteuse libanaise Carol Samaha ; Mohamed Darwichincarné par Feras Ibrahim, et la vie de Tahia Kariokaet ses relations avec le roi Farouk, Gamal Abdel Nasser et Anwar El Sadate. Le rôle sera joué par l’actrice Wafa Amer. L’acteur syrien Djamel Silimane mène lui aussi la course contre-la-montre pour être présent dans la grille télé de ce Ramadan. Il passe environ 14h par jour à tourner les scènes de son feuilleton Al chawarie El Khalfya aux côtés de Leila Oulouis. La Syrie présentera également El Ezaïmqui verra la participation d’une grande majorité du staff de Bab El Hara, et promet d’être tout autant captivant.
La Syrie, la Turquie… «profitent» du désordre que vit la drama télévisée égyptienne
Des productions koweïtiennes, des pays du Golf, de la Syrie… sont déjà en montage à l’exemple de la série humoristique à grand succès Tash ma tash 18 ; Leil 2 ; ou encore Al Jalib de Hayat el Fahd, qui réalise et interprète le rôle principal, une Koweïtienne très talentueuse qui est toujours très attendue durant la grille du mois sacré pour ses feuilletons au succès toujours assuré.
La Turquie pourra (enfin) se frayer une place dans la programation ramadanesque avec son feuilleton à succès Ezel 2 qui verra la participation de Kivanc Tatlitug «Mohanad». Selon les déclarations accordées à des journaux égyptiens, des directeurs de chaînes de télévision : «Cairo Drama», «El Hayat» «Panorama Drama 1 et 2»… cette année ils se contenteront d’acheter uniquement entre 2 à 5 feuilletons égyptiens. Se rabattant sur les feuilletons turques, iraniens, pays du Golf, mais surtout le pays qui sera prédominant en matière de feuilletons, cette année sera le premier rival de l’Egypte dans ce secteur, à savoir la Syrie. La raison est toute simple : depuis toujours la Syrie entame ses tournages très tôt et n’attend pas trois à quatre mois avant le Ramadan. Même si elle fut rattrapée par un début de révolution, la Syrie a déjà un «stoc» important de feuilletons prêts à la programmation dans la grille de ce Ramadan 2011.
Des émissions politiques et de divertissements en pole position
Dans la prochaine grille du mois de Ramadan, un choix que les producteurs n’hésitent pas à mettre en avant non pas par manque de productions cinématographiques mais pour répondre, selon eux, à une conjoncture politico- sociale qui nécessiterait une continuité du débat et de l’autre, des émissions divertissantes pour apaiser les tensions. Reste à savoir si ce total chamboulement dans la programmation habituelle à laquelle tenait tant les téléspectateurs, pas seulement ceux des pays qui ont connu des révolutions mais ceux du monde arabe, parviendront à s’accommoder de ces nouvelles grilles ou alors ils useront de la «zappeuse» à la recherche de programmes d’ailleurs.
Amel B.