Grèves «suspendues», mouvements sociaux en berne: La protestation en vacances

Grèves «suspendues», mouvements sociaux en berne: La protestation en vacances

En cette période estivale, l’ampleur des mouvements sociaux s’atténue. Mais dans le au cas où les pouvoirs publics continuent d’improviser des pseudosolutions à leurs revendications, la rentrée sociale risque d’être très mouvementée.

Alger se vide. Elle offre l’impression d’une ville désertée par ses habitants. La circulation est devenue fluide même durant les heures de pointe. Les places publiques ont réapproprié leur rôle d’endroits de détente et ne constituent plus l’arène des conflits sociaux comme elles le furent aux premiers mois de l’année.

Le ciel s’est dégagé au dessus de la capitale algérienne qui se lance dans l’ambiance de la période des vacances. Elle n’est plus à l’écoute des cris de colère, de rage, de désespoir, de détresse et d’indignation qui fusaient de toutes les couches sociales, mais aux soirées étoilées de musique, de théâtre, de cinéma et de danse.

Hormis la manifestation de quelques rares mouvements de grève, la mobilisation citoyenne s’essouffle. La rue n’est guère agitée et les parfums qui grisent les Unes des journaux se sont dissipés. Mais tout porte à croire que les tensions sont toujours vivaces et le calme n’est que précaire. Les insurgés s’octroient des congés sans pour autant enterrer leurs revendications pour lesquelles les pouvoirs publics continuent à improviser des pseudo-solutions.

Certes les révoltes étaient molles, mais le plus important réside indubitablement dans cette volonté de briser le silence et ranimer la flamme contestatrice à un peuple sclérosé dans la décennie meurtrière des années 90. Contrairement à ce qu’on voulu nous faire croire certains observateurs, la grogne sociale et politique qu’a connue l’Algérie depuis le début de l’année en cours est entièrement antérieure au Printemps arabe.

Il lui a conféré plus d’intensité sans pour en être à l’origine. L’année écoulée, le pays a connu plus de 9 000 expressions de colère dues essentiellement à une distribution anarchique et inéquitable des logements, suivi par des opérations d’éradication des bidonvilles. Peu après l’éclatement de la Révolution des jasmins, l’Algérie s’embrase. Mais cette fois-ci, l’heure a été pour une protestation générale, tous les ingrédients étant réunis.

Les promesses d’un meilleur avenir ont été démenties par une réalité sociale inchangeable, marquée par la cherté des produits alimentaires de base, la récurrence du chômage, la répartition inéquitable des richesses, l’érosion du pouvoir d’achat, le verrouillage des canaux d’expression libre, l’injustice sociale et la généralisation de la corruption. Conséquence d’une conscience citoyenne ou manipulation, face à leurs déplorables conditions de vie, rien d’étonnant que ces jeunes ne trouvent que la violence pour manifester leur mécontentement.

Mais le retour à la normal ne s’est fait pas tardé. Au bout de quatre jours, l’agitation sociale tire sa révérence. Il faut attendre la marche à laquelle avait appelé le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) à Alger, le 22 janvier et pour laquelle les autorités ont fait sortir tout leur arsenal répressif pour l’empêcher.

Depuis, les langues se sont déliées à propos de la nécessité d’opérer des changements politiques profonds. Tout le monde se presse pour en finir avec le statu quo. Mais en parallèle, la machine répressive se met en marche afin de contrecarrer tout mouvement de protestation.

Unités de policiers antiémeute, camions à jet d’eau, policiers en civil… sont postés en différents lieux sensibles de la Capitale. Barricadée de toutes parts, Alger la blanche s’est vue repeindre en bleu depuis cette marche empêchée du RCD.

Mais cela n’a pas empêché les Algériens de braver la matraque pour se faire entendre. Pratiquement, tous les secteurs d’activités ont été touchés par le vent de la contestation.

Les médecins résidents, les anesthésistes, les paramédicaux, les gardes communaux, les employés de la fonction publique, les étudiants, les journalistes, les patriotes, les policiers radiés, les cheminots, les avocats et les greffiers, les employés de la Poste et les salariés du secteur des hydrocarbures et les enseignants… sont autant de corps socioprofessionnels qui ont exprimé leurs ras-lebol.

Marches, sit-in, grèves, grève de faim, immolations, tout a été exploité pour ces derniers afin de porter haut leurs revendications. Mais même si un bon nombre de mouvements n’ont pu maintenir leur niveau d’intensité, à l’aune de saison estivale, l’espoir de voir leurs revendications satisfaites reste indemne.

MÉDECINS RÉSIDENTS : « GEL » DE LA GRÈVE

Après 112 jours de grève, de marches et de sit-in, le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra), jusque-là intraitables sur leurs revendications, décide de geler leur mouvement de contestation. Selon le Camra, le gel de ce mouvement de grève a été motivé par le caractère inapproprié à la contestation sociale durant la période estivale et des congés administratifs, en raison «du nombre réduit des médecins généralistes dans les hôpitaux publics», d’où «l’inutilité de poursuivre la grève».

«Les autorités de tutelle restent hermétiques à tout débat de fond ou de réforme sur la question du service civil qui constitue la pierre angulaire de nos revendications » ont souligné les rédacteurs du communiqué qui précise, en outre, que les médecins résidents « se réservent le droit de reprendre la contestation au moindre abus ou sanction à l’encontre des médecins résidents algériens, ou non satisfaction des autres revendications légitimes soulevées».

D’autre part, le ministère de tutelle, dans un communiqué rendu public, explique que « le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière enregistre positivement la reprise par les résidents de leurs activités normales sur la base d’engagements individuels ».

Selon la même source, cette initiative des médecins résidents, jusque-là intraitables sur leurs revendications, intervient à la suite des « dernières mesures prises par le ministère concernant la rémunération des praticiens résidents (…) et suite à la signature par le Premier ministre du nouveau statut particulier des praticiens résidents induisant le doublement de la rémunération actuelle ».

AIR ALGÉRIE : UN DÉNOUEMENT PRÉCAIRE

Après quatre jours, le personnel navigant commercial (PNC) de la compagnie nationale Air Algérie, a mis fin à la grève, suite à un accord avec la direction.

La conclusion de cet accord d’urgence « a été le fruit d’une concertation soutenue entre le ministre des Transports et le PDG d’Air Algérie, sous l’orientation permanente du Premier ministre, ainsi qu’au rôle joué par le secrétaire général de l’Ugta », souligne le ministère des Transports dans un communiqué. Les négociations directes entre les deux parties débuteront aujourd’hui, mais rien n’indique que le PNC aura gain de cause.

Ce débrayage du personnel navigant commercial d’Air Algérie a pris en otage des milliers de passagers et de surcroît a fortement perturbé aussi bien les aéroports algériens qu’étrangers.

Une situation pénalisante qui a suscité la grogne aussi bien des autorités nationales qu’étrangères. Pour rappel, les protestataires ne réclament pas, à proprement parler, une augmentation salariale mais «une reconnaissance par la direction générale de leur statut avec les avantages y afférents», y compris donc au plan de la rémunération.

Le statut actuel relatif au «personnel navigant» est, selon ce représentant du collectif, loin de refléter la réalité dans laquelle ils exercent. Outre le fait qu’ils soient considérés comme personnel au sol par la direction d’Air Algérie (contrairement au personnel navigant technique comme les pilotes), leur rétribution s’appuie de facto sur ce point précis, négligeant par la même les avantages que toutes les compagnies aériennes de par le monde offrent à leur personnel navigant (prime de risque, indemnités…).

LES COMMUNAUX : UNE GRÈVE SE PROFILE À L’HORIZON

Des grèves cycliques risquent de paralyser les services des communes à partir de la fin du mois en cours, à en croire la Fédération nationale des fonctionnaires des communes, relevant du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap).

Une décision qui va fortement perturber l’opération d’inscription des nouveaux bacheliers et nuire aux intérêts des citoyens qui en cette période estivale, les demandes d’établissement d’actes de mariage sont très récurrentes. Mais, pour le président de la Fédération, Azzedine H’lassa, la grève intervient « en dernier recours devant le retard accusé par le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, dans la satisfaction des revendications soumises, depuis plusieurs mois, par le syndicat, portant sur le statut et l’augmentation des primes et indemnités ».

Le Snapap appelle à l’augmentation de 40 % de la prime indemnitaire au profit de l’ensemble des travailleurs, a indiqué le secrétaire national de la Fédération, Djilali Hamrani, estimant que « les fonctionnaires des communes comptent parmi les catégories les moins payées ».

La tutelle s’était engagée, à l’issue de deux réunions avec le syndicat, à promulguer le statut des fonctionnaires des communes dans un délai ne dépassant pas 30 jours, mais les délais n’ayant pas été respectés, un conseil national d’urgent a été tenu, regroupant les membres de la fédération, représentant 35 wilayas, selon le syndicaliste qui a indiqué qu’il a été convenu, au terme de ce conseil, d’une grève de trois jours dans un premier temps.

Hamid Mohandi