La gronde sociale prend de l’ampleur en Algérie. L’année 2011 aura battu tous les records en nombre de mouvements de protestation.
Rien qu’à Alger, les services de sécurité ont comptabilisé pas moins de 600 actions de rue, entre marches et rassemblements. Etudiants, médecins, travailleurs communaux, ceux du port d’Alger, de Sonatrach, du complexe El-Hadjar…la colère n’a épargné aucun secteur. Tout le monde se jette dans l’arène de la contestation. Les sit-in et au-tres mouvements de contestation sont devenus quasi quotidiens. Le dialogue social est rompu à tel point que la rue reste l’unique et seul moyen de faire entendre sa voix.
A Alger, les forces de l’ordre sont en alerte maximale depuis les émeutes de janvier dernier. Les fourgons de police constituent le décor général de la capitale. Plusieurs points chauds ou «quartiers généraux» de la contestation ont été recensés. Il s’agit, entre autres, du boulevard Zighout Youcef où se trouvent l’APN et le Sénat, ainsi que la place mythique, la Place des Martyrs, la localité d’El-Mouradia où se trouve le siège de la présidence de la République, l’hôpital Mustapha- Pacha, et de la Place Audin où se trouve la Faculté centrale. Ces endroits sont régulièrement investis ces derniers jours par des milliers de policiers qui guettent le moindre regroupement de personnes. Les émeutes se multiplient également dans certaines régions du pays. A Béjaïa, la route qui relie la capitale des Hamadites à Sétif est souvent fermée par des citoyens en colère. A Boumerdès, les émeutes du chômage ont fait tache d’huile. A Annaba, de violents affrontements ont opposé, ces derniers jours, des centaines de femmes et hommes aux forces de l’ordre. Cette impasse risque de provoquer un incendie dont nul ne peut soupçonner les conséquences. A Blida, un affichage de listes des bénéficiaires de logements sociaux a tourné aux émeutes.
Les mouvements de débrayage dans le secteur de la Fonction publique et dans le secteur économique se multiplient d’une façon incroyable. Situation paradoxale. Au moment même où les pouvoirs publics multiplient des mesures d’apaisement sociales de tous genres, voilà que des initiatives et des appels à la contestation viennent de remet-tre en cause tout ce qui a été fait. Et dire que les orientations du chef de l’Etat d’ouvrir le dialogue avec les partenaires sociaux ne sont pas appliquées à la lettre. Le secteur de la santé vit au rythme des contestations grandissantes. Les praticiens généralistes et spécialistes de la santé publique ont rejoint le mouvement de grève initié depuis le 28 février par les médecins résidents.
Des hôpitaux entiers et polycliniques sont paralysés. Ould Abbès, ministre de la Santé, n’a pas pu contenir la colère des médecins, en dépit des récentes augmentations de salaires. Le secteur des communes n’est pas resté à l’écart de cette vague de protestation. Une grève secoue les communes depuis maintenant plus de deux semaines. Les dockers du port d’Alger ont également entamé une grève illimitée pour faire entendre leurs voix et dénoncer leurs conditions sociales déplorables.
Familles victimes du terrorisme, patriotes et groupes de légitime de défense (GLD), les malheureux de la décennie noire, ne cessent de manifester à Alger pour réclamer un statut particulier. Les pompiers se mettent également de la partie. Ils menacent de reprendre la protesta dans les prochains jours.
Même à Sonatrach…
La contestation ne faiblit pas au sein de Sonatrach, malgré les hausses de salaires consenties par la direction. Les travailleurs exerçant dans les champs pétroliers du Sud envisagent de créer un syndicat autonome capable de défendre leurs intérêts et ceux de tous les travailleurs du secteur de l’énergie. Ce syndicat regroupera les fonctionnaires de Sonalgaz, Naftal et Sonatrach. Après des semaines de contestation, ponctuées par une grève de la faim, la direction générale de Sonatrach avait accepté de satisfaire quatre des neuf points de la plate-forme de revendications des travailleurs. Les autres points devaient faire l’objet de discussions entre les deux parties. Une promesse qui n’a finalement pas été tenue, selon les syndicalistes. Les tensions sociales s’aggravent aussi au complexe sidérurgique d’El Hadjar. Le syndicat d’ArcelorMittal Annaba a annoncé hier une grève générale à partir du 28 mai pour revendiquer des augmentations de salaires. Force est de relever que les dernières mesures sociales prises par le gouvernement au profit des jeunes et travailleurs se sont avérées en fin de compte sans aucun effet.
Par Hocine Larabi