Grèves, émeutes, harga, suicide… La protesta aux multiples facettes

Grèves, émeutes, harga, suicide… La protesta aux multiples facettes
greves-emeutes-harga-suicide-la-protesta-aux-multiples-facettes.jpg

Les premières années de braise

Rappel, Il est loin le temps où l’économie du pays marchait au pas cadencé et en rang serré. Avec Boumediene dans les années 60 et 70 le pétrole devait semer des usines dans tout le pays.

Et des usines, il y en aura et certaines seront construites en dépit du bon sens.

L’essentiel était qu’elles donnent du travail et créent du pouvoir d’achat. C’était l’époque dans certaines régions du pays où les soirées nuptiales des samedis soir prenaient l’allure de joutes où chacun surenchérissait à la gloire de son entreprise. Et cela donnait à peu près ceci, au milieu des convives :

LG Algérie

– 500 DA de tebriha pour l’orchestre de la part de Omar Sonitex

– 200 DA de tebriha de la part de Dahmane Sonatrach

– 400 DA de tebriha de la part de Madjid Sogedia.

Ce corporatisme voulu et soutenu devait cacher une autre réalité : il était interdit de faire grève et la grève, même justifiée, était considérée comme un acte hostile, voire antirévolutionnaire passible de prison. Autant dire que les DG et les P-DG de sociétés d’Etat opéraient sur du velours, sans risque d’être perturbés.

Et en cas de conflit majeur c’était l’Ugta qui devait arrondir les angles pour les travailleurs et, pour la forme, arracher quelques miettes de la tutelle. Mais entre-temps, l’usine fonctionnait, produisait sans s’arrêter une seule seconde.

Les travailleurs pouvaient élever la voix, hausser le ton mais sans quitter leur poste et si d’aventure ils franchissaient le pas, ils étaient considérés comme des saboteurs. Pourtant Boumediene très frileux sur le chapitre accordera quand même ce droit de grève au seul secteur, qui était suspect à ses yeux, le secteur privé. Pour le défunt Président l’émergence de producteurs privés en marge du secteur public était un schisme, presque une hérésie dans un pays socialiste. Dans ces petites unités les travailleurs avaient d’office raison dans la mesure où c’est à la sueur de leur front que les propriétaires s’enrichissaient. Mais les entreprises d’Etat, «pas touche», elles étaient sacrées. Il était hors de question que l’administration ait un syndicat qui défende ses droits professionnels, pas plus que l’éducation nationale, les finances, les transports et bien sûr la presse.

Mais comme il était impossible de maintenir tout le monde sous le carcan de l’Ugta, une organisation appelée pudiquement nationale, il contournera le problème en autorisant la création d’unions professionnelles. C’est ainsi que les journalistes auront la leur comme l’UJA créée en 1965 sous la présidence de Hocine Zehouane, les médecins, les avocats, etc.

Et pas question de sortir du giron et de sortir dans la rue crier son ras-le-bol.

Et lorsqu’une grève éclatait pour une raison ou pour une autre dans une grosse entreprise, les grévistes se réunissaient calmement dans la cour sans hurler et sans rien dégrader et les médias, très discrets, parlaient d’arrêt de travail et de «dialogue constructif en cours».

Imaad Zoheir