L’image de la compagnie Air Algérie, souvent décriée pour ses tarifs élevés, se dégrade, en raison des grèves « prise d’otages », même chez ceux qui conservent le « réflexe du pavillon national ».
« Ils sont entrain de liquider même le patrimoine sentimental qui pousse de nombreux algériens à aller vers Air Algérie malgré l’existence d’une autre offre » s’indignait un patron d’entreprise coincé lundi par la grève des personnels navigants commerciaux d’Air Algérie.
« On est presque admiratif devant cette détermination de ces gens-là à détruire les valeurs » morigène un universitaire quinquagénaire qui en rajoute. « Dans ce pays, ce sont ceux qui ne travaillent pas ou peu qui font la grève ».
Lundi matin, la grève sauvage du personnel navigant commercial d’Air Algérie a littéralement pris en otage les voyageurs qui ne savaient pas s’il fallait rentrer chez eux ou patienter. La plupart de ces clients d’Air Algérie ne faisaient pas confiance au « bon sens » de la compagnie Air Algérie et étaients contraint à une patience forcée.

« J’ai peur de partir et de me perdre mon billet au cas où ils finissent par embarquer » expliquait une jeune femme très proche de la crise de nerf. Certains essayaient de la calmer en lançant des blagues genre « au moins, nous sommes certains que les personnels d’Air Algérie ne se suicideront pas. Ils se contentent de tuer leur compagnie »
A 7 heures du matin, les voyageurs de plusieurs vols matinaux étaient déjà entassés face aux guichets d’Air Algérie. La « foule » était maintenue aux abords du grand rectangle vide par des « je ne sais pas, je ne peux vous dire ni que votre vol finira par partir ou pas.. ».
Des voyageurs qui s’énervent en silence
Les voyageurs s’énervent en silence, commentent à voix basse. Des Algériens disciplinés. Tellement disciplinés qu’ils rendaient inutiles des préparatifs discrets de la police au « cas où…. » les voyageurs manifesteraient leur énervement de manière plus bruyante.
Les candidats au voyage s’accrochaient encore à l’espoir d’un dénouement. D’autant que la grève sauvage du personnel naviguant – comme l’apprendront par la suite des voyageurs « dégoûtés » – a libéré, sous leurs yeux, deux vols : Alger-Toulouse et Alger-Le Caire.
Comme si la grève sauvage respectait les horaires administratifs, les vols prévus avant huit heures ont été libérés. Les Messieurs je ne sais pas qui surveillaient la barrière se sentaient enfin utiles. « Aya Alger-Toulouse »…. « Aya Alger-Le Caire ».
Les sauvés de la grève sauvage ont eu beaucoup de peine à se frayer un passage parmi les nombreux voyageurs en attente. Une fois Toulouse et le Caire passé, les « Messieurs je ne sais pas » sont redevenus des Messieurs je ne sais pas quoi, quand et pourquoi.
Seul un écran disait laconiquement « suite à un mouvement social, les vols prévus pour la journée seront perturbés ». Cela fait encore enrager l’universitaire, ils osent appeler cela un « mouvement social ! ».
Beaucoup renoncent à rester là, à regarder ces « je ne sais pas » d’une Air Algérie plus « Air peut-être que jamais » et se sont repliés vers les autres parties de l’aéroport, « là où on peut s’asseoir au moins ».
Mais les places assises étaient insuffisantes avec l’accumulation des vols retardés. Les plus pathétiques étaient des groupes de candidats à la Omra, hommes et femmes, avec la mine exténuée qu’ont ceux qui sont déjà au-delà de l’attente.
« En plus du prix, ils ajoutent le mépris »
Sur les tableaux d’affichage, la compagnie nationale n’affichait que les arrivées. Aucun départ. Chez les autres compagnies, la « concurrence », tout baigne. Et cela n’en est que plus ressenti.
« On connait les tarifs pratiqués par les autres compagnies « pour aller jusqu’à New York ». Mais là, en plus du prix, ils ajoutent le mépris » s’insurge une femme qui doit « impérativement » rejoindre son travail.
Les services commerciaux d’Air Algérie auraient de sérieuses inquiétudes à se faire s’ils avaient daigné se mêler à la foule et entendre le nombre de voyageurs dégoûtés se promettre de ne plus laisser le « réflexe Air Algérie » l’emporter au moment de voyager.
« C’est un effet insidieux du monopole. Ces gens-là tuent la compagnie en méprisant ceux qui les font vivre… ». Même l’universitaire, style ex-PAGS (Parti de l’avant-garde socialiste- communiste), se laisse aller à des considérations peu réjouissantes pour le secteur public.
« On continue à aller vers Air Algérie parce que nous perpétuons dans nos têtes quelque chose, un esprit, qui n’existe plus ». Plus prosaïques, d’autres voyageurs disent que le choix d’Air Algérie est tout simplement l’effet d’une offre limitée.
« Il suffirait qu’il y ait une offre suffisante pour que l’on dise bye-bye à Air Algérie. Aujourd’hui, ils sont dans une situation où ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Je me dis à chaque fois que je ne prendrais pas Air Algérie, mais j’y reviens, forcée… » explique une dame qui doit passer par Paris pour se rendre en Suisse.
C’est elle qui d’ailleurs annonce que Swissair va « revenir » sur Alger après 20 ans d’absence avec des tarifs qui vont « ramener sur terre les personnels d’Air Algérie… Moins de 100 francs suisse le vol Alger-Genève. Air Algérie nous le fait payer au moins 500 francs. Je ne sais pas comment ils vont faire quand ça va s’ouvrir ».
Un écart vertigineux qui fait douter certains passagers. « Vous savez madame, ils se sont déjà entendus à notre détriment avec les autres compagnies qui font les vols entre l’Algérie et la France. Swissair sera forcée à faire de même. On continuera à payer les vols les plus chers au monde à cause d’Air Algérie ». La tendance est pourtant là : si l’offre existe, de nombreux voyageurs ne laisseront plus le « réflexe du pavillon national » l’emporter.