Grève des résidents : Les mots clés pour comprendre la crise

Grève des résidents : Les mots clés pour comprendre la crise

Avec six mois de grève, les médecins résidents sont en train de mener un mouvement de protestation qui bat des records de longévité. Quelques mots clés pour comprendre les tenants et les aboutissants d’un bras de fer qui paralyse les structures de santé et qui s’enlise dangereusement.

Nawal Imès – Alger (Le Soir) – Depuis le mois de novembre dernier, le secteur de la santé vit au rythme de la contestation menée par les médecins résidents. Une frange de la corporation médicale, bien connue par les usagers des structures de santé. C’est, généralement, le premier vis-à-vis notamment dans les pavillons des urgences.

Résidents, qui sont-ils ?

Le Premier ministre les avait qualifiés de «groupe d’étudiants» avant que le ministère de la Santé ne pense à leur imposer les réquisitions qui ne concernent que les fonctionnaires.

Les médecins résidents ont pourtant leur propre statut conformément au décret exécutif n° 11-236 du 3 juillet 2011 portant statut du médecin résident en sciences médicales. L’article 2 stipule clairement que «les médecins, les pharmaciens et les chirurgiens-dentistes résidents en sciences médicales sont des praticiens en formation post-graduée en sciences médicales inscrits au cycle d’études médicales spéciales dénommé résidanat».

L’article 10, quant à lui, précise leurs domaines d’intervention puisqu’ils sont «astreints à une durée hebdomadaire de travail et de formation de dix demi-journées. Ils participent, en outre, au service de garde et bénéficient du repos compensatoire, selon les modalités fixées conjointement par le ministre chargé de la Santé et le ministre chargé de l’Enseignement supérieur».

Pourquoi cette catégorie est-elle montée au créneau ? En 2011 déjà, les résidents s’étaient fait entendre pour dénoncer les conditions dans lesquelles ils exerçaient mais également pour la suppression du caractère obligatoire du service civil.

Service civil

S’il y a un mot qui revient le plus souvent, c’est bien celui-là. De quoi s’agit-il au juste ? Il s’agit d’une disposition introduite dans les années 1980 et qui fait obligation aux médecins spécialistes d’exercer obligatoirement dans des structures de santé dans lesquelles ils sont affectés avant de pouvoir s’installer dans le privé ou avoir un poste permanent dans le secteur public.

La durée du service civil diffère d’une région à une autre. Le but ? Pourvoir les régions des Hauts-Plateaux et celles du sud du pays en couverture médicale spécialisée.

Que reprochent les résidents à ce dispositif ? Il est tout simplement inefficace, selon eux. Il a montré ses limites en l’absence de plateaux techniques et d’équipes multidisciplinaires. Résultat : les résidents se retrouvent souvent à signer des transferts vers le Nord. Que demandent-ils ? Une réforme de cette disposition et la suppression du caractère obligatoire. Ils préconisent la mise en place de mesures incitatives qui pousseraient les médecins résidents à envisager de rester plus longtemps dans les régions où ils sont affectés. Ils réclament également l’amélioration des conditions d’exercice de leur métier.

Souvent en première ligne dans les structures de santé, ils sont fréquemment agressés par les malades et leurs accompagnateurs. Pour porter leurs revendications, ils sont organisés autour du Collectif autonome des médecins résidents.

Camra

Le Collectif est né début 2017 avec comme devise, la transparence et une organisation horizontale qui permet une rapide circulation de l’information. Ni président, ni chef de file, le Camra dispose d’un bureau national composé de douze résidents mandatés par la base pour mener les négociations avec la tutelle. Ils ont pour mission de porter les propositions des résidents et de rapporter les propositions faites par le ministère de la Santé en assemblées générales. Dans chaque service, un résident délégué fait circuler les informations pour maintenir intacte la mobilisation.

La stratégie s’avère payante. A chacune de ses actions, le Camra a mobilisé des milliers de résidents. Qu’il s’agisse de rassemblements nationaux ou régionaux, le comité met en place une organisation bien huilée. De tous les rassemblements organisés, celui de Mustapha-Pacha en février dernier a marqué les esprits. Les images de résidents en blouses blanches tachées de sang ont fait le tour du net, amplifiant l’élan de sympathie envers les résidents. Ces derniers ont surpris en organisant une marche à Alger.

En dépit d’un impressionnant dispositif sécuritaire, ils ont bravé l’interdit et battu le pavé dans une capitale où toute manifestation est interdite. Le Camra joue sur deux fronts : celui de la contestation mais aussi celui de la négociation. Il a pour vis-à-vis le comité intersectoriel installé par la tutelle.

Comité intersectoriel

En janvier dernier, alors que le conflit bouclait son deuxième mois, le ministère de la Santé annonçait la mise en place d’un comité intersectoriel présidé par le ministre de la Santé. Il compte des représentants des ministères de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, des Finances, de l’Enseignements supérieur et de la Recherche scientifique, du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, de la Direction générale de la Fonction publique, du Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires et du Syndicat national des praticiens de santé publique. Objectif ? Mettre en œuvre une «feuille de route consensuelle».

Plus de quatre mois plus tard et après une dizaine de réunions, le statu quo est de mise. Les propositions formulées par ses membres n’ont pas convaincu les grévistes qui réclament plus que la simple modulation de la période du service civil. Le comité a visiblement épuisé toutes ses cartes.

Impasse

La dernière réunion à laquelle ont été conviés les résidents confirme ce sentiment. Invités par téléphone, les représentants des résidents avaient exigé une invitation officielle avec ordre du jour. Ils ne la recevront jamais et ne se présenteront donc pas au rendez-vous. Entre les deux parties, c’est le dialogue de sourds qui prédomine.

La tutelle affirme n’avoir plus rien de plus à offrir à des résidents qui disent attendre toujours des réponses. Sur le terrain, la situation est intenable : les structures de santé tournent au ralenti. La décision des résidents de cesser les gardes a paralysé beaucoup de services.

Les spécialistes et généralistes appelés à la rescousse se disent incapables d’assumer les conséquences de manque de moyens humains dans des services débordés d’où une impasse rarement observée.

N. I.