Sit-in, marches, bastonnades, interpellations, ponctions sur salaires…Les médecins résidents auront tout fait et tout connu au cours des 100 jours de grève illimitée. Et ce n’est sans doute pas fini. Engagés dans un mouvement de protestation depuis le 28 mars dernier, les médecins réclament la suppression du service civil, une meilleure rémunération et davantage de moyens dans les hôpitaux.
En face, le ministère de la Santé a joué tantôt la carotte tantôt le bâton. Quand il n’annonce pas de menues concessions, le ministère actionne la justice pour interdire la grève et les chefs de services pour effectuer des ponctions.
Ils sont plus de 8000 à l’échelle nationale. Plus de 8000 médecins résidents à observer une grève illimitée, l’une des plus longues dans le secteur, depuis lundi 28 mars 2011. Depuis ce lundi de mars, ils multiplient les sit-in, les marches devant l’hôpital Mustapha Bacha ou devant le siège de la Présidence.
Tenaces et déterminés, ils bravent l’interdiction qui frappe la marche dans la capitale, essuient les coups de matraques des policiers et supportent les volte-face du ministère de la Santé Djamel Ould Abbès.
Ce que réclament les médecins
Dans leur plate-forme de revendications, les blouses blanches réclament l’abrogation du service civil obligatoire auquel ils sont soumis durant une période allant de 1 à 4 ans dans des zones reculées du pays, la mise en place d’un plan de carrière, l’ouverture de postes budgétaires et l’augmentation de leurs salaires. Ils exigent également la révision du statut qui devrait leur assurer un droit syndical, des congés de maternités pour les résidentes et des primes de contagion et de risque.
Ce que le gouvernement a concédé
Le 25 mai, soit après deux mois de grève, le ministre de la Santé Djamel lâche des concessions dans le cadre du nouveau statut des médecins résidents. Les nouveaux salaires atteindront 84 000 DA contre 44 000 DA auparavant. Les médecins spécialistes bénéficieront de mesures incitatives financières « importantes » et de la disponibilité de services techniques dans les établissements hospitaliers.
Le ministère s’est engagé à mettre leur disposition des logements de fonction après accord avec les chefs de daïras et les walis.
La rémunération sera calculée sur le salaire global du praticien spécialiste de la santé publique. Elle donc de 80% pour le résident de 1ère année, 85% pour le résident de 2ème année, 90% pour le résident de troisième année et 95% pour celui de la 4ème et 5ème année. Avec effet rétroactif à partir du 1er janvier 2008.
Toutefois, l’une des principales revendications des protestataires, la suppression du service civil, n’a pas été acceptée.
Pourquoi le service civil pose-t-il problème
C’est l’une des principales revendications sur laquelle échoppent les discussions. Chacun campe sur sa position. Pour les grévistes, sa suppression est indispensable. Pour le gouvernement, son maintien est indiscutable.
Le service civil est une disposition qui oblige un médecin résident à honorer une affectation dans une région du pays. Sa durée varie d’une année à 4 ans selon l’éloignement de la région en question. Mise en application depuis 1998, cette mesure vise à assurer une couverture sanitaire des zones reculées. Sauf qu’elle est remise en cause par les résidents.
Mohamed Yousfi, un des médecins grévistes, explique à notre confrère El Watan pourquoi cette disposition est obsolète. «Le service civil concerne les médecins spécialistes fraîchement diplômés, très mal formés, en particulier dans les spécialités médicochirurgicales et chirurgicales (…)n affirme-t-il. Ces jeunes spécialistes sont donc envoyés dans des zones où ils n’ont aucun encadrement et se retrouvent confrontés à la prise de responsabilités nouvelles pour lesquelles ils n’ont pas été formés. Une obligation très mal acceptée par ces jeunes spécialistes qui, psychologiquement, sont démissionnaires et n’attendent que la fin du service pour revenir dans leur ville d’origine. Cette instabilité est vécue aussi par les gestionnaires de ces établissements de l’intérieur du pays, qui ne peuvent pas investir dans le moyen et le long termes pour garder les spécialistes.»
D’où la nécessité de sa suppression.
Le gouvernement juge cette demande irrecevable en estimant que les résidents doivent faire preuve de solidarité nationale. «Quand vous dites non au service civil, vous ne dites pas non au gouvernement mais à notre peuple», affirmait Le Premier ministre Ahmed Ouyahia dimanche 29 mai.
Djamel Ould Abbès, la carotte et le bâton
Dépassé par l’ampleur du mouvement, irrité par cette protesta qui ébranle son département, le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, a usé d’une stratégie à double-face. S’il dit vouloir dialoguer avec les grévistes, s’il considère leurs revendications « légitimes », il ne fait pas moins preuve d’intimidation et de répression à leur égard.
C’est ainsi qu’il engage une action en justice au mois d’avril pour interdire la grève. Mieux, le ministre ordonne quelques semaines plus tard aux chefs d’établissement hospitaliers de ponctionner les salaires des résidents et de procéder à des sanctions lourdes, à des les blâmes et à des révocations.
Son attitude est jugée méprisante tant et si bien qu’il a été qualifié de «menteur» et d’ «incompétent» par les protestataires.
D’un côté le bâton, de l’autre la carotte. C’est que le ministre n’a pas fermé les portes du dialogue et de la concertation. Des réunions ont eu lieu au siège du ministère, toutefois ces conclaves n’ont pas permit d’aplanir les divergences, donc de mettre fin à la grève illimitée.
Comment en finir avec cette grève illimitée ?
Pour le gouvernement l’adoption du statut particulier du médecin le 1er juillet suffit à mettre un terme à la fronde. Après 100 jours de grève, les résidents se disent déterminés à poursuivre la protestation dés lors que le service civil n’a pas été abrogé.
L’exécutif n’étant pas disposé à revenir sur sa position à l’égard du service civil, un éventuelle lâchage par la présidence du ministre Djamel Ould Abbès étant peu probable, il est donc certain que le gouvernement jouera le pourrissement.
Avec à la clé l’usage de moyens plus coercitifs pour briser la protesta. Lundi 28 mars début de la grève illimitée. Mardi 5 juillet, les médecins bouclent leur centième jour de grève.