Le bras de fer greffiers-justice semble durer
La grève des greffiers a connu beaucoup de soubresauts mais le refus persiste…
Mercredi matin, les greffiers faisaient grise mine. La gueule de bois pour ceux qui s’étaient déplacés jusqu’aux alentours de l’hôtel El Djazaïr avec, pour objectif de se faire entendre par les plus hautes autorités de l’Etat, en disait long sur leur déception mais sans baisser la garde. A Sidi M’hamed, à Hussein-Dey à Rouiba, à Boumerdès, à Bordj Menaïel notamment, on ne désarme pas. A Bir Mourad Raïs, c’est une farouche résistance qui met mal à l’aise le pouvoir car c’est la juridiction de l’intelligentia de la capitale avec Hydra, Sidi Yahia, El Biar et autres Val d’Hydra, Béni Messous et Bouzaréah. A Chéraga, c’est plutôt la mafia qui n’est plus aussi libre que lors des jours ouvrables. A Rouiba, vers les neuf heures quarante, la nervosité des uns et des autres monte d’un cran. Même le «cavalier» du parquet, Boubakeur Harkat chargé de la présentation des inculpés qui ont transgressé la loi la veille a eu vingt secondes pour g… Neuf secondes, lorsque dans le couloir, un lourd et agaçant brouhaha avait poussé le sympathique a surgir sur le pas de la porte pour s’écrier, les cheveux en bataille et le regard de feu: «Ne peut-on donc pas évoluer ici, il y a plus que du brouhaha! Il y a trouble au boulot! Ça suffit!» Et le jeune procureur de refermer la porte avec une délicatesse qui laisser deviner que ce parquetier maîtrise les rouages de la justice, car il est responsable du mobilier, de la juridiction où il exerce. Au rez-de-chaussée, la nouvelle tombe, quelques greffiers ont fait bon coeur contre mauvaise fortune en rejoignant leurs postes. Rachid Abdesslam, un des rares présidents des tribunaux du pays à recevoir sans appariteur ni assistante (en grève) vient d’apprendre, avec plaisir, la timide reprise. «C’est mieux que rien», commente Imene Gahfez, la jeune adjointe.
Il est vrai que contrairement à d’autres juridictions les avocats bossent-on rencontre pèle-mèle, Maître Mahfoud Tamaltaghit, Maître Aïssa Ounalli, Maître Si Amer Belkacem collé carrément aux côtés de son exemplaire confrère Maître Hakim Chabane que taquine depuis un pilier, ce bon vieux défenseur Maître Benouadah Lamouri que rejoint Maître Salah Oudini qui venait de se séparer de ses confrères, Maître El Hadi Ouyahia, Maître Hadda Choufi, Maître Aïcha Boudiaf qui a le portable contre l’oreille dans l’espoir que son correspondant veuille répondre. Onze heures vingt-cinq: les nouvelles des greffiers tabassés la veille sont bonnes. Aucun n’a été arrêté! Une avocate de Tizi Ouzou plaisante: «Ils ont été arrêtés puis relâchés faute de…greffiers chargés de prendre acte des déclarations.» Plaisanterie pour plaisanterie, nous revenons aux choses plus sérieuses pour jeter un oeil au guichet unique où le nombre de repreneurs du boulot est insignifiant ne permet pas de satisfaire l’énorme demande qui a grossi depuis plus de douze jours d’arrêts intempestifs.
Makhlouf, le greffier qui effectuait un boulot de titans à la cour d’Alger se coupe en quatre pour satisfaire au moins les avocats plus débordés que d’habitude.
Et Makhlouf ne semble pas regretter le «Ruisseau» où il a beaucoup donné sans avoir été honoré au moins une fois. Contre l’ingratitude, il veut prouver qu’il reste un serviteur de la justice, de l’Etat et de l’Algérie.
Des nouvelles parviennent de Bab El Oued et Hussein Dey où les greffiers n’ont pas repris. A El Biar, nos sources indiquent un malaise car moins de vingt pour cent des greffiers bossent, et ce avec l’apport de la cour d’Alger, l’immense cour du pays, la première en tout.
Que nous réserve aujourd’hui jeudi 26 avril 2012? Quelles suites seront données aux demandes jugées illégales par le pouvoir, un pouvoir qui a non seulement refusé ce qu’il considère comme chantage, bombé le torse et fait montre de rudesse dans l’aire proche de la présidence de la République. Il faut reconnaître, d’après des spécialistes de prises de température, que le mouvement entamé par les greffiers est mal choisi, malvenu, et même mal suivi par une opinion qui suit d’autres grèves plus cruciales, telle celle des enseignants.
En tout état de cause, cette grève fait du surplace en attendant que les antagonistes cessent de se regarder en chiens de faïence. Sauf si les grévistes craignent de reprendre et d’être humiliés ou rester dehors et prendre le risque de la révocation par un ministère dont le patron n’est qu’intérimaire. Aujourd’hui jeudi sera capital car le week-end va permettre à tous de «maudire Satan» et revenir à la surface sans vainqueurs, ni vaincus.