Les greffiers ne veulent entendre que la voix qui est leur volonté d’aboutir au maximum de leurs nombreuses demandes
La marche des greffiers sur la Présidence n’a pas eu lieu. Que s’est-il passé?
La grève des greffiers a pris de l’ampleur avec le durcissement des positions et ce jusqu’à hier midi, heure prévue pour la marche vers le palais d’EL Mouradia. Le pouvoir campe sur son ultimatum en sommant les greffiers de rejoindre leurs postes de travail sans aucune condition, ni marchandage. Les greffiers ne veulent entendre que la voix qui est leur volonté d’aboutir au maximum de leurs nombreuses demandes. A Médéa, tôt le matin, des policiers ont placé des barrières pour empêcher le regroupement des grévistes en constant contact avec leurs collègues de Djelfa, Blida et même Annaba. Toujours hier, à onze heures dans la salle d’audience du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d’Alger) Maître Chérif Lakhlaf, le délégué du bâtonnier remettait de l’ordre du côté de la section «statut personnel». «Les avocats sont autorisés à ne remettre que les requêtes touchées par la date limite avant la mise en examen décidée par la présidente» avait sifflé le défenseur avant qu’il ne grimpe au premier étage faire évacuer la salle d’audience où se tient le pénal du mardi. Midi et quelques, nous nous rendons à Mouradia pour vivre la marche des greffiers. Nous remontons l’avenue de Pékin. Un monde fou qui fait dire à un passant que c’est la Chine. Les policiers, courtois, notent les va-et-vient des passants des bus, des voitures, des motos et même d’un vélo conduit par un sexagénaire qui semblait jouir de la descente. Et au fur et à mesure que nous avançons vers la Présidence, nous ne rencontrons aucun greffier. Des dizaines d’officiers de police occupent stratégiquement les lieux. Par groupes de deux, les commissaires dont des jeunes fraîchement sortis de Châteauneuf (Rostomia), font preuve d’une vigilance à toute épreuve tout en ayant un oeil sur leurs troupes entassées dans les fourgons bleus stationnés là aussi avec beaucoup de professionnalisme. L’air est pur. Le printemps est à Mouradia malgré les poussées d’un vent venant du nord. Les passants se font de plus en plus nombreux. Les fonctionnaires de la présidence quittent leurs bureaux avec beaucoup d’assurance. C’est l’heure de la bouffe. Un coup de sirène retentit. Deux motards arrivent ventre à terre. Ils précèdent le véhicule consulaire du Royaume du Maroc. La sirène s’éteint pour laisser place au vrombissement de trois motos «super-jet» qui envoient dans l’avenue de Pékin un écho désagréable à l’ouïe. Le retour face à la Présidence est bredouille. Il n’y a pas un seul greffier au rendez-vous. La marche était donc mort-née! Y-a-t-il du nouveau à l’horizon? Nous appelons nos sources à la cour d’Alger, à Rouiba, à Chéraga, à Chlef, à Tizi, aucune information ne nous parvient. Un saut au ministère de la Justice où il n’y a que des sourds-muets. La seule info que nous ayons pu arracher d’un cadre qui a préféré garder l’anonymat, c’est que le pouvoir ne cèdera pas. «Il n’y a rien à offrir que ce qui l’avait été il y a de cela un peu plus d’une année», siffle notre source qui sourit car elle venait de résumer l’entêtement des deux parties. Y aura-t-il du nouveau après avoir renvoyé chez eux les greffiers en grève? Demain, nous le saurons, peut-être et Incha Allah! Par ailleurs, nous avions appris aux environs de 11h que la marche des greffiers avait capoté dans le périmètre de l’hôtel El Djazaïr où le service d’ordre musclé a empêché les grévistes d’avancer vers la présidence de la République. On parle d’interpellations de plusieurs greffiers et même de coups de matraque balancés par des policiers harassés par un soleil de plomb. A la cour d’Alger, c’est le calme plat. Tous les greffiers ne font pas la grève. A El Harrach, huit sont installés au guichet unique et un autre retraitable fait l’audience de Khaled Benyounès, le président de la section correctionnelle. A Bir Mourad Raïs, c’est le dialogue de sourds. Et c’est le pauvre Dahmane Fodil qui se farcit tout le boulot, aidé en cela par l’inlassable travail constructif de Djamel Gasmi, le président et Zouhir Talbi, le procureur en titre qui prend avec philosophie cet arrêt de travail craint par tous les amoureux de la justice. A Blida, un magistrat trouve inadmissible certaines demandes des greffiers. «Ils exagèrent. Que veulent-ils? nous dépasser en tout? Alors, qu’ils fassent les audiences et on verra qui rend justice en fin de compte», s’exclame une autre juge de Médéa rencontrée au hasard d’un bouchon à Birtouta. «La grève? oui! le chantage, non!» s’offusque une parquetière de la cour de Tizi Ouzou qui est certes solidaire des grévistes mais elle trouve que le moment est très mal choisi. «Il faut raisonner avec un esprit constructif pas avec un cerveau d’un partenaire médiocre. Et dire que plus de 40% des magistrats viennent du corps des greffiers. Mais ceux-là ont étudié et fait des efforts pour arriver là où on réussit de belles fins de carrière! Côté avocats, c’est mi-figue, mi-raisin. Certains d’entre eux sont heureux de cette grève car ils s’occupent ainsi beaucoup mieux de leur campagne électorale pour les législatives du 10 mai 2012. Reste cette histoire d’irrégularités relevées par le bâtonnat pour ce qui est de faire appel à des huissiers de justice en vue d’occuper le siège du greffier…