La plupart des syndicats du secteur de l’éducation nationale ont qualifié hier de « positives » les taux d’augmentation des indemnités de qualification des fonctionnaires du secteur et les indemnités nouvellement créées, estimant toutefois qu’elles étaient « insuffisantes », soulignant que la décision de poursuite ou de gel de la grève qu’ils ont entamée sera renvoyée aux prochaines réunions de leurs conseils nationaux.
Le SG de la FNTE, affiliée à l’UGTA, a estimé que les augmentations décidées en faveur des enseignants, des fonctionnaires et des travailleurs du secteur de l’éducation sont « acceptables » mais « insuffisantes ».
Dans une déclaration à l’APS, M. Laïd Boudaha indiqué que son syndicat « n’est pas concerné » par la grève observée actuellement par les autres syndicats du secteur « qui sont libres de prendre les décisions qu’ils veulent », faisant remarquer qu’ »il était préférable que ces syndicats prennent en considération les augmentations décidées en faveur des travailleurs du secteur ». Pour sa part le SG de la SATEF, M. Amoura Boualem, a déclaré que son syndicat « était très satisfait » des dernières augmentations et que son conseil national, qui doit se réunir mercredi « entérinera le gel de la grève mais sous conditions ». De son côté le président de la fédération nationale de l’éducation, issue du Syndicat national indépendant des personnels de l’administration publique, M. Belamri Laghlidh a « positivement » accueilli l’augmentation relative à l’indemnité de qualification et les indemnités décidées en faveur du secteur, mais a déploré le fait que le ministère de tutelle n’ait pas satisfait « la totalité » des revendications de cette fédération. A ce propos il a notamment mis l’accent sur « la nécessité de régler la question des corps communs et d’accélérer la révision du statut particulier du secteur, de sorte que le droit de tout un chacun soit assuré ». Pour sa part M. Nouar Larbi, président du conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique, a déclaré que « les revendications qu’il soulève ne sont pas satisfaites à 100 pour cent et que la grève ouverte qu’il a déclenchée ne s’arrêtera que lorsque la plate-forme de revendications sera totalement réalisée ».
Il a annoncé que le conseil national de son syndicat a soumis au ministère de tutelle sept dossiers « pour étude » et que la réunion qu’il tiendra mercredi « décidera du maintien ou du gel » de la grève. Pour sa part, l’UNPEF a décidé, par la voix de son président, M. Sadek Dziri, le maintien de la grève, au terme d’une session extraordinaire de son conseil national, réuni dimanche. « La tutelle n’a pas impliqué les représentants des syndicats dans ses décisions concernant l’augmentation des indemnités », a souligné, dans ce sens, M. Dziri. A cette occasion, il a appelé à l’examen « des lacunes » que présente le statut particulier des travailleurs de l’éducation et à l’attachement au principe de solidarité nationale du dossier des œuvres sociales, à travers le maintien de la commission nationale et des commissions de wilaya, comme mode de gestion.
“Elles sont insuffisantes car elles ne tiennent pas compte des revendications exprimées par le syndicat, notamment concernant la prime du sud”, a estimé, pour sa part, le coordinateur national du Syndicat national autonome des enseignants du secondaire, M. Meziane Meriane. Il a ajouté que le bureau national du syndicat décidera avant jeudi du maintien ou non de la grève. Le SG du SNTE, M. Abdelkrim Boudjnah, a souligné l’importance pour le ministère de l’Education de se concerter avec l’ensemble des syndicats du secteur, sans exclusive.
Taux de suivi de la grève
27% pour le primaire, 31% pour le moyen et 31% pour le secondaire
Hier matin, le mouvement de grève des enseignants tout cycles confondus a été différemment suivi au niveau des différentes wilayas du pays. Selon les statistiques communiquées par le ministère de l’Education nationale, le taux de suivi a été de 27% pour le cycle primaire, 31% pour le cycle moyen et 36% pour le cycle secondaire.
A Alger-Centre, les enfants du primaire ont été renvoyés de l’école à 8 h du matin devant le regard de leurs parents qui s’assuraient de leur mis en place avant de les quitter pour aller au travail. « C’est la grève. Nous ne sommes pas contre, mais il n’est pas question de renvoyer les enfants », lance une maman qui accompagnait ses deux enfants à l’école primaire Abdelhamid Benbadis de Garidi I. Un peu plus loin les élèves du collège Tayeb Boulahrouf criaient de joie, « on n’a pas cours ». Ils suivent ceux du primaire. Dans ce CEM, une dizaine d’enseignants seulement sur 30 n’ont pas observé l’arrêt de cours. « Je suis solidaire avec mes collègues, mais comme j’ai des classes d’examen, je ne peux me permettre de les priver de cours ces quelques jours », a avancé un des professeurs non grévistes.
Même constat pour les établissements d’enseignement secondaire tels que Hamia, Said Dahleb de Kouba, et bien d’autres relevant de la daïra de Sidi M’Hamed, où l’arrêt des cours est largement suivi.
Un peu plus loin au niveau de la daïra de Bab El-Oued, notre visite nous a permis de constater que les salles de cours étaient pleine et les cours se faisaient le plus normalement possible. «On a repris les cours normalement après trois jours de grève, puisque les revendications sont pris en charge, sinon satisfaite pour certaines. Ils restent encore quelques points. On attend le règlement total et définitif de toutes les questions évoquées, afin de se mettre sérieusement au travail », souligne cet enseignant du CEM relevant de la commune de Bab El-Oued.
Pour M. Ferhat Chebakh, directeur du CEM Oum Amar Soumeya, les revendications salariales ont été en grande partie satisfaites et le dialogue reste ouvert avec la tutelle pour d’autres acquis. « Au niveau de notre établissement le mot d’ordre de grève n’a pas été suivi, parce que les revendications ont été honorées dans leur plus grande majorité. Les négociations se poursuivent avec la tutelle pour d’autres acquis ».
Sarah SOFI
En bref… En bref… En bref…
Constantine
Les établissements scolaires paralysés
Les enseignants sont rentrés en débrayage de quatre jours, depuis, hier à Constantine. Ce n’est plus des menaces mais une réalité ! Les établissements scolaires seront encore une fois paralysés. Plus de 1.800 enseignants sont concernés par cette grève. Elle touchera aussi quelque 3.000.000 élèves sur les trois paliers pour la région de Constantine. Le taux de la participation à la grève, hier, était de 70%. Deux syndicats ont confirmé le maintien de cette grève à savoir, l’Unpf et le Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Cnapest). Un appel a été lancé hier par les syndicats régionaux afin de mobiliser tous les professeurs et enseignants pour faire aboutir leurs revendications. Les revendications de ces syndicats tournent autour des dossiers de la revalorisation des indemnités sur la base des nouveaux salaires avec effet rétroactif, des œuvres sociales, la mise en place d’une médecine du travail et la retraite après 25 ans de service. La grève va se répercuter directement sur le cursus des élèves.
Rona Merdaci Khaled
Le mouvement largement suivi à Annaba…
A Annaba, l’appel à la grève a été largement suivi dans les trois paliers. Si des statistiques précises ne sont pas disponibles, il reste que l’activité des établissements à travers la wilaya a été paralysée. Il en est ainsi particulièrement dans le secondaire où la quasi-totalité des enseignants a souscrit au mot d’ordre lancé par les syndicats. Si les syndicats campent sur leurs revendications en attendant la décision que prendra demain, le conseil national, il n’en demeure pas moins que l’annonce par le ministère tutelle d’une augmentation est perçue comme un signe d’apaisement, voire une volonté de régler les problèmes socioprofessionnels auxquels sont confrontés les travailleurs du secteur.
S. L.
… à Oran …
Sur la quarantaine d’enseignants du lycée d’Oued Tlelat seuls 4 stagiaires et deux vacataires n’ont pas observé le mot d’ordre de grève lancé par les syndicats autonomes de l’enseignement. Cet exemple illustre à sa manière « le taux » de cet arrêt des cours que les représentants des syndicats, ici à Oran, ont qualifié de très important. « Il serait de 70% » selon eux. D’une façon générale la grève a été largement suivie par les enseignants hormis les vacataires et les stagiaires surtout dans les lycées où le CNAPEST est fortement représenté… C’est-à-dire 23 lycées sur les 56 que compte la wilaya… Dans les 33 autres le mouvement de grève a été aussi fortement marqué puisque dans la majorité de ces établissements c’est le SNAPEST, qui est solidement implanté.
… et à Sidi Bel-Abbès
Au-delà de la différence relevée dans les taux de participation entre la direction de l’éducation (40%) et les différents syndicats du secteur 80,90 et 100%, une chose est sûre, les établissements ont été bel et bien perturbés dans leur fonctionnement à la suite de cette grève observée hier et dénoncée à l’occasion par les parents des élèves. Le mot d’ordre lancé a été suivi d’effet à la grande déception des élèves de classes d’examen notamment en phase de démarrage encore et d’initiation à un nouveau programme.
Même quelques inspecteurs (plus d’une vingtaine) ont répondu favorablement à l’appel pour observer cet arrêt de travail. Enormément d’interrogations sont soulevées dans la place publique sur les motivations de cette grève qui intervient pourtant après une revalorisation récente des salaires de cette catégorie professionnelle et une révision du statut de l’enseignant.
A l’insu et au détriment des intérêts des élèves, une autre grève se déclenche pour déstabiliser un processus scolaire qui nécessite au contraire un réaménagement et une rigueur pour l’amélioration d’un niveau. Un autre débat au caractère noble pour surpasser tout autre surenchère…
A. B.
Les syndicats autonomes au pied du mur
L’appel à la sagesse lancé par le ministère de l’Education à la veille du déclenchement du débrayage auquel ont appelé les syndicats, n’a pas été entendu. Ils ont maintenu leur mot d’ordre de grève illimitée et du coup, les élèves qui ont rejoint hier les bancs des établissements scolaires ont été tout bonnement renvoyés. Les parents qui ont accompagné leurs progénitures ont été priés de les reprendre et de les garder jusqu’à dimanche prochain. Qu’une telle situation provoque des désagréments ne semble pas émouvoir outre mesure ceux qui ont pris la décision de débrayer. Du reste, ce n’est pas la première fois que parents et élèves sont pris en otage par des syndicats, cycliquement, insatisfaits. De ce fait, les enseignants ne pouvaient que faire la sourde oreille, en refusant de prendre en considération l’appel lancé par le ministère de tutelle dans lequel il leur a demandé de faire « preuve de sagesse et de responsabilité afin de permettre à leurs élèves de ne rater ne serait-ce qu’une heure de cours ». A la décharge du département de M. Benbouzid, ce dernier, contrairement aux autres années, n’a pas opté pour le bras de fer et a réagi avec célérité en concédant aux syndicats l’essentiel de leurs revendications. Les indemnités demandées ont été accordées avec un effet rétroactif, à compter du 1er janvier 2008, comme cela avait été revendiqué. Mais c’était compter sans les calculs des syndicats, lesquels ont vite fait d’annoncer que «les indemnités ne constituent qu’un seul dossier parmi sept autres » ayant motivé leur décision de recourir à la grève. Cependant, si de nouveau, la révision du régime indemnitaire et du statut particulier est mise en avant par ces syndicats pour légitimer leur «insatisfaction», d’autres enseignants affirment que l’objectif recherché à travers cette grève — qu’ils assimilent à un moyen de chantage exercé sur le ministère — est d’avoir la mainmise sur le pactole des œuvres sociales du secteur de l’Education estimé à plusieurs milliards de dinars. « Le changement de la méthode de gestion des œuvres sociales figure parmi les revendications qui n’ont pas été satisfaites » soutient d’ailleurs un responsable d’un syndicat autonome cité par un confrère. Or cette question est loin de faire consensus entre les principaux acteurs. Une situation qui n’a pas échappé au ministère de l’Education nationale, lequel a décidé de couper l’herbe sous les pieds de ces syndicats en prenant les devants. Il a indiqué qu’il allait soumettre la question de la gestion des œuvres sociales du secteur à un « référendum ». L’ensemble des fonctionnaires de l’éducation nationale seront ainsi consultés sur cet épineux dossier et sur lequel ils pourront s’exprimer en toute liberté. Mieux, le référendum sera placé sous la supervision de l’ensemble des syndicats du secteur. En termes de transparence, il semble difficile de faire mieux. Pourtant l’idée risque de déplaire car en agissant de la sorte le ministère met tout un chacun devant ses responsabilités. De même qu’il enlèvera à ses détracteurs cet argument de taille qu’ils ont longtemps mis en avant pour apparaître dans la peau de la victime. A savoir que le ministère fait dans la politique du deux poids deux mesures dès lors qu’il s’agit d’une revendication exprimée par les syndicats autonomes ou par l’UGTA.
Nadia Kerraz