Grève au journal arabophone El-Ahdath : 13 journalistes au bord de la crise de nerfs

Grève au journal arabophone El-Ahdath : 13 journalistes au bord de la crise de nerfs
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Un cas sans doute inédit dans la presse algérienne. Treize journalistes du quotidien arabophone El-Ahdath sont en grève depuis samedi 25 juin. En désaccord avec la direction, les journalistes réclament de meilleurs salaires et dénoncent des conditions de travail pénibles. Au deuxième jour de la grève, ces journalistes se disent déterminés à continuer la grève. Quitte à provoquer une escalade s’il le faut.

Treize journalistes sur les quinze qui composent l’équipe de rédaction -les deux autres étant des «stagiaires»-, ont ainsi suivi le mot d’ordre du collectif des travailleurs de ce journal.

Dans la cour de la maison de la presse Tahar Djaout, Alger, là où les propriétaires du journal y louent des locaux au dinar symbolique, les grévistes observent un piqué de grève depuis samedi. «Seulement deux employés de la PAO ont rejoint le mouvement. Les autres collègues des autres corps de métier se sont rétractés par crainte de représailles. Nous nous continuons», affirme un des grévistes qui ne souhaite pas être cité pour ne pas subir les foudres de l’employeur.

Cette grève a été décidée à l’issue d’une assemblée tenue vendredi 24 juin. L’administration du journal ayant rejeté la plateforme de revendications déposée auprès de cette même administration, le collectif des travailleurs d’Al-Ahdath a donc décidé de passer à l’action. Auparavant, un préavis de grève est déposé trois jours avant la remise du document portant revendications des travailleurs, soit le 19 mai, mais la direction n’en a pas tenu compte.

«Nous regrettons la fuite en avant des administrateurs du journal, nous regrettons l’absence d’un responsable en mesure de prendre des décisions au sein de l’administration et nous nous accrochons à nos revendications portées dans la plateforme remise au mois de mai dernier», indique un communiqué diffusé par les grévistes

Un micro pour trois journalistes, 17 000 DA pour un chef de rubrique, pas de congé…

Les journalistes abordés dans la cour de la maison de la presse, devant le bâtiment abritant les locaux El-Ahdath, affirment qu’ils ne connaissent même pas le propriétaire du journal. « Le patron rémunère gracieusement le directeur de publication Laid Bissi et le directeur de la rédaction Anouar Chenaa qui, pour défendre leur privilèges, briment toute grogne ouvrière ou contestation socioprofessionnelle », explique Mohammed. «Ils sont en train de sucer notre sang, nous ne reculons pas», affirme Djamel.

«Laid Bissi touche un salaire de 15 millions de centimes alors que certains chefs de rubriques ne dépassant les 17 000 DA/mois», avance un autre journaliste. Des disparités qui créent deux collèges au sein du collectif et provoquent frustration et ressentiment chez l’ensemble des travailleurs du journal. D’où ce débrayage.

Les travailleurs El-Ahdath revendiquent ainsi «l’amélioration des salaires «plafonnés jusqu’ici à 24 000 DA pour le mieux rémunéré des journalistes, la mise à niveau de l’outil de travail » et demandent que la direction rende « public le règlement intérieur de l’entreprise et de promulguer une convention collective à même de garantir les droits des travailleurs et le droit au congé».

Selon les journalistes, non seulement les locaux sont exigus, mais le nombre d’ordinateurs es tellement limité qu’on dénombre un micro pour trois journalistes.

Le directeur d’ El-Ahdath qualifie la grève d’illégale

Joint par téléphone par DNA, M. Laid Bessi affirme que cette grève est «illégale». «Le préavis de grève ne porte aucune signature ni cachet. Il n’y a aucune section syndicale agréée au sein du journal pour appeler à une grève et donc, cette grève est illégale. Ils n’ont pas le droit de le faire», assène-t-il.

Le directeur indique avoir discuté du règlement intérieur avec les anciens journalistes, lors de son premier mandat à la tête du journal (M. Bessi est parti avant de revenir une deuxième fois au journal, Ndlr).

«Ils mentent lorsqu’ils disent que le règlement intérieur n’a pas été débattu avec les journalistes. Seulement, l’inspecteur du travail n’agrée pas des choses ne cadrant pas avec la réglementation en vigueur. D’autant que je n’ai pas à le discuter avec tout nouveau arrivant au journal», souligne-t-il. S’agissant des revendications salariales, M. Bessi avoe avoir reçu la plateforme de revendications des journalistes et assure qu’elles seront soumises au propriétaire dès son retour au pays.

M. Bessi qui refusé de divulguer le nom de cet «investisseur» pour reprendre son qualificatif, affirme avoir reçu deux de ces journalistes avant la grève : «Je les ai invité à la retenue, explique le directeur. Le ministère de la Communication s’attelle à l’élaboration d’une grille de salaire, ils n’avaient donc qu’à patienter encore un petit moment. Le temps que le propriétaire du journal revienne de l’étranger. Mais ils ne voulaient rien savoir et ont décidé d’aller vers une grève».

Soutien du SNJ

Dans un communiqué diffusé samedi, le Syndicat national des journalistes (SNJ) exhorte « les propriétaires du quotidien El-Ahdath de revoir leur attitude vis-à-vis des journalistes grévistes et de prendre en considération leurs revendications dans l’intérêt bien compris des uns et des autres». Le SNJ souligne la légalité de l’action et exprime sa solidarité avec les protestataires.

«Cette action, tout à fait légale, a été le dernier recours de nos confrères confrontés à l’indifférence d’un employeur extérieur au journal et à la corporation et l’incapacité de la direction de répondre à leurs revendications. Des revendications légitimes portant, essentiellement revalorisation des salaires, indignes d’un journaliste, amélioration des conditions de travail et la mise à la disposition de la rédaction de moyens décents de travail», insiste-t-on dans le communiqué du SNJ.

Le SNJ met ainsi à la disposition des grévistes l’avocat du Syndicat, M. Youcef Dilem, «en tant que conseiller juridique ou, éventuellement pour porter l’affaire auprès des juridictions compétentes».

Qui est le propriétaire du journal ?

El-Ahdath qui a déjà bouclé ses dix ans, appartient à Ahcene Basta -Hadj Basta, pour reprendre le qualificatif utilisé par un journaliste. La Sarl qui l’édite, au capital social de 8,625 millions de dinars et qui engrange régulièrement 3 à 4 pages de publicité distribuées par l’ANEP (Agence nationale d’édition et de publicité, agence qui gère le portefeuille publicitaire de l’opérateur public) compte en plus de Hadj Basta six associés.

Ahcene Basta est associé dans plusieurs entreprises du bâtiment comme ETPB Basta et Sarl Travaux publics et bâtiment TCE Global Works, un bureau d’ingénierie et d’études techniques en plus de d’une boite de communication et de publicité : Drama plus.

Un business plutôt florissant qui ne met pas les journalistes d’Al Ahdath à l’abris du besoin.