Grave accusation à l’encontre des partis islamistes algériens que celle proférée hier par Seddik Chihab, membre du bureau politique du RND. «Ils se rendent en Turquie et au Qatar qui leur donnent quelques dollars et reviennent faire la promotion du modèle turc», a-t-il asséné devant des militants et sympathisants du parti réunis à la Maison du peuple à l’occasion de la commémoration du 15e anniversaire de la création du RND.
Sofiane Aït Iflis – Alger (Le Soir) – Si Seddik Chihab n’est pas allé jusqu’à citer expressément les partis islamistes qu’il accuse de bénéficier de financements étrangers, l’allusion est faite, nul doute, au MSP d’Aboudjerra Soltani dont l’affinité avec l’AKP d’Erdogan relève du secret de Polichinelle. Une affinité que le président du MSP assume au demeurant ouvertement. Il est également de notoriété publique que c’est le même Soltani qui affectionne les déplacements au Qatar. Lors du dernier en date, il a rencontré Al Qaradahoui, le cheikh aux fetwas incendiaires, prêcheur attitré de la chaîne Al Jazeera. Cela connu, le membre du bureau politique du RND, un des proches collaborateurs d’Ahmed Ouyahia, ne fait pas que dénoncer une accointance, ce qui aurait relevé du quolibet politique comme il s’en commet généralement en phase de campagne, voire de précampagne électorale, mais atteste que les partis islamistes perçoivent de l’argent du Qatar et de la Turquie. Une accusation qui, si elle s’avérait fondée, ne devrait pas laisser sans réagir les autorités, tant est que le financements des partis politiques par des parties étrangères est illégal. Avant qu’il ne lâche cette accusation, Seddik Chihab a pris le soin de dire à voix haute tout le mal qu’il pense du fameux modèle turc que les islamistes travaillent à commercialiser. «Le modèle turc est un islam atlantiste», a-t-il soutenu, comme pour dire que le modèle turc, quand bien même il sert la Turquie, reste un modèle adoubé par l’Otan. Ce qui n’est pas faux, en somme. Le précédant au pupitre, le porte-parole du RND, Miloud Chorfi, a souligné, lui, que «le tsunami islamiste» que d’aucuns prédisent pour le scrutin législatif du 10 mai prochain relève du «scénario qui n’existe que dans les têtes de ses auteurs».
«Le FIS et le RCD n’auraient pas dû être agréés»
Moins mesuré que Miloud Chorfi, Seddik Chihab a joué en véritable gladiateur politique, assénant des diatribes massues à la fois au FIS dissous et au RCD. «Le courant islamiste est venu d’une manœuvre politicienne qui a visé à frapper la stabilité de l’Algérie», a-t-il dit, poursuivant : «car la Constitution de 1989 interdisait la création de partis politique sur des bases religieuses, identitaires, culturelles ou linguistiques.» Ceci avant que, dans sa flamme discursive, ne fuse cette interrogation lourde de sousentendus : «Qui a alors permis au FIS et au RCD de prendre leurs agréments ?» Mettre le RCD sur un pied d’égalité avec le FIS dissous est un pas que seul Chihab Seddik a désormais franchi.
Quand la réalité dément le discours
En prenant la parole, Seddik Chihab, ancien syndicaliste affilié à la Centrale syndicale qu’il fut, a qualifié la Maison du peuple, siège central de l’UGTA, de bastion de la justice sociale. «Nous sommes ici dans le bastion de la justice sociale», a-t-il affirmé. Mais que n’a-t-il vu que dans ce bastion de la justice sociale qui abrite l’activité de son parti, des travailleurs, réclamant leurs droits, passent des nuits à grelotter de froid. Hier encore, ils étaient là, étalés sur des matelas de fortune à espérer que justice leur soit rendue. Dix âmes éprouvées, livrées au froid, desquelles les regards se sont détournés hier. Pris de fièvre électorale, ni Seddik Chihab ni Miloud Chorfi n’ont eu un geste envers ces «indigents» dans une Algérie décrite par l’un et l’autre comme prospère du fait de la contribution de leur parti à la réussite du programme politique de Bouteflika. «On ne vit pas de slogans», a clamé Chihab Seddik. Difficile de convaincre les grévistes de la Maison du peuple.
S. A. I.