Grande-mosquée d’Alger, Les études remises en cause par des experts

Grande-mosquée d’Alger,  Les études remises en cause par des experts

Le terrain sur lequel est projeté ce vaste ouvrage nécessite, selon eux, des études plus fines et approfondies.

Les appréhensions des experts quant à la pertinence du choix du terrain où sera édifiée la Grande-Mosquée d’Alger se sont avérées fondées et justifiées. Ces spécialistes de renom ont émis des réserves sur la parcelle qui constitue le lit majeur d’oued El-Harrach. Ce terrain est, selon eux, sédimentaire, c’est-à-dire, qui a le caractère de sédiment (dépôt laissé par l’eau ou le vent). Une telle nature (du terrain) nécessite impérativement une étude géotechnique plus poussée et fine.

C’est ce qu’appelle le Pr Abdelkrim Chelghoum, expert en génie parasismique et numérique et sismologie, “une étude dynamique du sol en place”. Malheureusement, déplore-t-il, “ce qui a été exécuté est une étude géotechnique classique, celle d’un bâtiment en R+5. Compte tenu de l’importance de l’ouvrage, composé, entre autres, d’un minaret de 265 mètres et d’une salle de prière de 150 mètres de côté, sans poteaux intermédiaires, l’étude mise en exécution est donc erronée”. Pis, le bureau d’études allemand qui a conçu l’ouvrage vient d’être dépossédé du projet. Et l’entreprise réalisatrice, la chinoise CSCEC, tente d’adapter des solutions complexes à son appareil de réalisation. Une instabilité qui retardera davantage les travaux de ce vaste chantier. Pour un tel ouvrage à construire sur un mauvais terrain, il est difficile d’assurer une stabilité face à un séisme majeur. Ce mauvais départ pris par le projet cher au président de la République a eu un impact négatif sur le bon déroulement des travaux. “Ce sont ces problèmes de sol et de structure, rencontrés au cours de l’édification, qui sont à l’origine du retard de 18 mois qu’accuse le projet”, estime l’expert.

Instabilité dans la gestion

Aujourd’hui, la problématique posée par la justification de la note de calcul du minaret n’est pas réglée, avoue-t-il. “Beaucoup de zones d’ombre sur la méthodologie adoptée et les hypothèses de calcul persistent toujours. Or, dans cette catégorie de projets, les études d’exécution pour chaque partie d’ouvrage doivent être obligatoirement conçues et réalisées au millimètre près”, explique Chelghoum Abdelkrim. Dans le cas contraire, ajoute-t-il, le moindre effet secondaire engendré par une onde sismique peut déclencher des dommages incontrôlables au niveau de chaque élément de structure. Une esquisse de ce projet, suggère-t-il, devait être au préalable, présentée à une commission nationale d’experts indépendants, spécialisés dans les différentes filières, telles que le sol, la structure, les matériaux, le numérique… pour être discutée, critiquée afin d’apporter les modifications exigées par les contraintes géologiques, géodynamiques et physiques. Une fois cette phase passée, la même commission, affirme le Pr Chelghoum, doit être sollicitée pour affiner l’avant-projet détaillé de l’ouvrage avec toutes les conséquences qui peuvent en découler.

Solution : des experts indépendants pour un audit

L’étape suivante aurait due être mise à profit par les pouvoirs publics pour structurer et mettre en place un organe robuste de contrôle et de suivi, composé d’experts avérés afin d’assurer avec le bureau d’études, la validation des solutions intermédiaires qui seront imposées, au cours de la réalisation, à chaque ouvrage. “Cela aurait permis la formation d’un corps d’ingénieurs et d’architectes nationaux qui continueront plus tard, à gérer et à assurer l’entretien de l’ouvrage ainsi que sa reprise en sous-œuvre dans le cas d’un endommagement quelconque après l’occurrence d’un séisme majeur qui frapperait la baie d’Alger”, souligne l’universitaire. Cette démarche, regrette-t-il, n’a pas été adoptée par les pouvoirs publics qui se sont contentés d’un démarrage du projet dans “la précipitation sans garde-fous et sans un repère de vigilance”. Pour lui, l’on continue “à naviguer à vue” pour un projet de dimension internationale, (troisième au monde) évalué à environ 1,5 milliard de dollars… “D’où les résultats négatifs et la situation kafkaïenne et très dangereuse dans laquelle baigne ce projet”, relève-t-il. Ce n’est que le début, car, le minaret et la salle de prière tels que conçus, restent discutables du point de vue de la stabilité. Ils sont donc non fiables. L’intervention du Pr Chelghoum se veut, tient-il à préciser, une réaction face à des anomalies dans la réalisation d’ouvrages qui risquent de mettre en péril la sécurité des citoyens. Ne s’arrêtant pas uniquement aux constats, ce spécialiste propose des solutions crédibles et acceptables pour le bien de l’Algérie. Pour cela, il demande aux pouvoirs publics de “marquer une pause” dans la construction de ce projet et de désigner un groupe de travail qui sera chargé de l’audit de l’ensemble des pièces techniques relatives à toutes les parties de l’ouvrage et de proposer des solutions plus fiables permettant d’accélérer la cadence de réalisation et de garantir la sécurité structurale du minaret qui reste unique au monde.