Bien que le 1er ministre ait refusé à ses ministres de se mettre en congé pour, a-t-il dit, «continuer de travailler et suivre l’exécution du programme du président de la République sur le terrain», le service public n’a pas été assuré pour autant comme l’exigent les lois et règlements des institutions.
Il faut avouer que l’instruction de Abdelmalek Sellal n’a pas été d’un grand effet sur le terrain et en faveur de la consécration des droits les plus élémentaires des citoyens. Les institutions publiques affiliées aux ministères de la république n’ont pas véritablement fonctionné comme il se doit.
Les responsables à ce niveau ont décidé de mettre en congé la majorité de leurs personnels sans pour autant s’inquiéter de la continuité du service public. Les banques, les compagnies d’assurances, les dispensaires et même les hôpitaux publics ne se sont pas souciés de le faire et ont érigé cette situation de fait comme un slogan à la face de leurs usagers.
A l’hôpital Mustapha de la capitale, les services étaient désertés par leurs personnels dès 11h. «Il n’y a personne,» a lancé un agent de sécurité à un père affairé à taper à toutes les portes du service de pédiatrie pour que quelqu’un daigne recevoir son enfant blessé à la main.

Cet établissement n’est pas le seul, les hôpitaux du pays aussi ; sans que leurs premiers responsables éprouvent une quelconque gêne vis-à-vis des malades. Les urgences ne sont pas mieux loties comme leur appellation l’exige.
Beaucoup d’entre elles dans le Grand Alger se contentent, depuis le mois d’août, d’assurer «le strict minimum» comme l’a déclaré un de leurs médecins à une patiente qui a attendu de longues heures pour accéder à la salle des soins.
Les compagnies nationales d’assurances n’ont pas manqué, elles non plus, de vider leurs agences de leurs employés. La CAAT en est une dont les agences sont depuis le mois d’août en mode «service minimum».
C’est en tout cas ce qui nous a été dit à l’agence 103 située au 8, rue Ibn Hazm à Alger. «Désolée, madame, le chef a décidé de mettre tout le monde en congé et la dame qui s’occupe de renouveler la police automobile est partie chez le médecin et je ne pense pas qu’elle revienne au bureau,» nous a dit un de ses agents la semaine dernière.
Désemparée, on interroge : «Vous ne pourriez pas le faire à sa place ?» Il nous répond : «Non, chacun son travail, moi je suis comptable.» Le surlendemain, la même personne nous tiendra un discours plutôt différent. «Nous assurons un service minimum parce que nous sommes à la fin du mois, nous avons fermé tous les services pour faire la comptabilité,» nous a-t-il fait savoir jeudi dernier.
«La dame qui peut renouveler la police automobile est partie à 15h, c’est ça le service minimum, vous auriez dû venir le matin,» a-t-il ajouté. «Et pour ceux qui travaillent, comment doivent-ils faire ?», lui demandionsnous. «Débrouillez-vous !», a-t-il répondu sans hésiter.
Nous avions alors décidé de voir une autre agence de la même compagnie. Celle de la rue Dr Saâdane, (juste au dessous de la direction des douanes) où les usagers peuvent plus ou moins stationner leur voiture pour qu’elle soit vérifiée par les experts. «Ceci est une obligation avant toute souscription d’une police,» disent-ils.
«VOUS VOULEZ QU’ON DEMANDE À BOUTEFLIKA DE VOUS LAISSER UNE PLACE ?»
Pour accéder aux bureaux de cette agence, il faut le faire avec la force des bras parce qu’il faut soulever la porte d’entrée qui, si elle ne l’est pas, provoque un grincement qui fait bouger les dents de leur gencive.
«Bonsoir…, c’est très désagréable d’entendre ce genre de bruit,» avions-nous dit (en nous bouchant les oreilles) à des employés, un, assis derrière un bureau et deux autres sur un fauteuil où doivent s’asseoir en principe, les clients. «Vous voulez qu’on l’enlève ?», nous a répondu celui qui est derrière un bureau. «Non, mettez juste un peu d’huile,» lui avions-nous simplement suggéré.
«C’est pour refaire la police d’assurance automobile(…), » avions-nous fait savoir en relatant ce qui s’était passé à l’agence 103. «Ce n’est pas vrai, ils travaillent ! Mais, si vous voulez la faire chez nous, vous devriez avoir un carnet pour qu’on sache dans quel état est votre voiture, ce carnet doit vous être remis par la première agence où vous êtes inscrite,» nous dit-il.
« Mais, la seule personne présente est le comptable qui dit qu’ils ont tout arrêté,» lui a-ton expliqué. «Si vous n’avez pas ce carnet, on ne peut rien faire pour vous, on ne veut pas vous faire payer des pénalités… », continue-t-il. «Vous savez que pour trouver un stationnement, il faut galérer…», tente-t-on de lui faire comprendre pour noter que le temps est une denrée périssable.
«Vous voulez qu’on demande à Bouteflika de vous laisser une place», a-t-il lâché sans vergogne. Un des employés de l’agence SAA (une autre compagnie d’assurance publique) située dans une impasse de la rue Didouche Mourad nous demandera, lui, comme tous les autres, de ramener la voiture pour qu’il vérifie son état sous prétexte qu’ «il y a des assurés qui trichent et déclarent d’anciens sinistres dès qu’ils renouvèlent leur police.»
Pour régler ce problème, «les pouvoirs publics ont alors décidé de faire subir des absurdités aux citoyens qui leur font détester le pays et ceux qui le gouvernent», a lancé un client désabusé au responsable d’une agence.
Nous avons essayé depuis quelques jours de prendre attache avec la direction générale de la CAAT dont le siège est à Bir Mourad Raïs, mais aucune de ses lignes groupées portées sur le contrat d’assurance ne réponde.
Elles sonnent occupées depuis. Un «émigré » nous disait jeudi qu’ailleurs, outre mer, «vous pouvez prendre une assurance par Internet, on vous fait entièrement confiance, mais si on découvre que vous avez triché vous le paierez cher.»…
QUAND L’ETAT ENCOURAGE LA THÉORIE DE L’ABSURDE
Autre laisser-aller, celui des banques qui, sous prétexte que leur fax ne fonctionne pas, remballent les clients qui viennent encaisser leur salaire.
C’est le cas d’une agence d’une banque publique en plein centre d’Alger. En ces jours de rentrée sociale, les parents doivent se mordre les doigts pour n’avoir pas accès à leurs maigres finances parce qu’un agent zélé à décidé de laisser le fax en panne pendant plusieurs jours.
La grève des postiers, est-il besoin de la rappeler, a laissé en rade de nombreux travailleurs en quête d’un hypothétique guichet qui pourrait répondre «sans problème» à leurs doléances. Là aussi, le comptoir des centres publics sont pratiquement vides.
«Je me demande que font tous ces agents à part faire le va-et-vient entre le guichet et l’arrière-boutique», a interrogé un usager d’une poste située sur les hauteurs d’Alger. Aux dernières nouvelles, ce sont aussi quelques écoles qui ne seront pas au rendez-vous du 8 septembre prochain, jour de la rentrée scolaire, parce que les travaux de replâtrage de leurs enceintes et de leurs classes n’ont pas encore été achevés.
L’appel du 1er ministre de faire des mathématiques et des langues étrangères, le socle d’une nouvelle réforme pour une école moderne, ne semble pas prendre en considération les manquements que certains personnels du secteur commettent au niveau de leurs classes sans qu’aucune autorité ne s’en offusque.
«J’ai acheté cette règle pour ne pas toucher les élèves filles avec ma main parce que ça risque de me faire perdre mes ablutions (tenkodhli l’oudho)», avait lancé un professeur à ses élèves. Ce sont des propos qui ont été déjà rapportés dans ces mêmes colonnes sans provoquer de réaction au niveau du secteur.
Rompu à la gestion locale, Sellal doit savoir que l’Etat ne calcule pas et ne communique avec aucune langue. Il encourage plutôt la théorie de l’absurde qui fait des ravages. Il n’oblige d’ailleurs personne à rendre compte et ne sanctionne aucun abus.
Le ministre des Tic nous a déclaré un jour qu’ «on ne peut sanctionner les employés parce qu’ils ont de puissants représentants syndicaux.» Ce membre du gouvernement n’expliquera pas d’où ces derniers tirent leur puissance, avec quelle force et pour quels objectifs quand il sait que les grèves sont décidées juste pour pourrir la vie des citoyens.
Ghania Oukazi