L’une est réalisatrice connue pour ses films et documentaires sur l’immigration, naturalisée française juste en 1989. L’autre, fils de harki arrivé en France en 1959, militant socialiste de longue date avait accompagné François Hollande lors de son déplacement en Algérie fin 2010.
Yamina Benguigui entre au gouvernement comme ministre déléguée aux Français de l’étranger et à la francophonie et Kader Arif commme ministre délégué aux Anciens combattants. Ils font partie d’une équipe où la diversité française s’empare d’une part inédite de 20% des portefeuilles.
Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault compte aussi la Franco- Marocaine, Najet Belkacem, qui en est la jeune porte-parole et une femme d’origine coréenne, Fleur Pellerin, adoptée très jeune. À ces quatre personnalités, il faut en ajouter trois représentant l’Outremer comme Christiane Taubira nommée garde des Sceaux.
Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls ne s’est pas privé de rappeler ses origines catalanes. Il a été naturalisé à l’âge de 20 ans. La ministre de la Culture, Aurélie Filipetti, est, elle, d’origine italienne. Autre particularité de ce gouvernement : la parité hommesfemmes promise par le président François Hollande lors de sa campagne est bien respectée puisqu’on compte dix-sept membres pour chaque camp.
Dans cette équipe, la nomination de Yamina Benguigui est une surprise. Jamais son nom n’avait été évoqué. Elle a joint sa signature à celles d’un groupe de personnalités qui avait demandé à François Hollande de s’intéresser au sort des “oubliées de l’Histoire”, ces femmes issues de l’immigration. “Nous sommes aujourd’hui les héritières des pionnières de l’immigration devenues grands-mères, de ces ‘oubliées’ de l’histoire…
Qu’elles aient été femmes de harkis, mères du regroupement familial, orphelines des acquis issus des luttes féministes, elles ont accompli, seules, le chemin de leur émancipation et elles ont su nous inculquer, à nous leurs filles, les valeurs de la République et de la laïcité ; elles ont fait de nous des Françaises à part entière. Ces mères et ces femmes sont le pivot essentiel de l’équilibre républicain de la société. C’est pour cela que leur parole doit être écoutée et valorisée”, écrivaient-elles.
La réalisatrice Benguigui est la fille d’un militant du mouvement nationaliste algérien arrivé en France en 1954. Il a été l’animateur d’un mouvement social dans le Nord en soutien à l’indépendance. Son activisme lui vaudra des années de prison ou d’assignation à résidence. C’est sous son autorité que ses enfants ont goûté au combat politique. Pour Yamina, il balisera son parcours professionnel. Elle se distinguera par des films consacrés à la question de l’immigration, à la violence contre les femmes et aux inégalités.
Elle est élue conseillère du XXe arrondissement en mars 2008 et nommée dans la foulée adjointe au maire de Paris, Bertrand Delanoë en charge des droits de l’Homme et de la lutte contre les discriminations. En 1990, Yamina Benguigui débute sa carrière aux côtés du réalisateur Rachid Bouchareb (Indigènes, Hors-la-loi) en tant que productrice d’émissions culturelles. Elle reçoit de nombreux prix pour ses documentaires. Elle est également l’auteur d’Aïcha, une fiction proposée par France 2, qui a réalisé un record d’audience lors de sa première diffusion.
Celle-ci suit le quotidien d’une jeune femme (Sofia Essaïdi) qui habite de l’autre côté du périphérique nord-parisien et veut conquérir son indépendance. Elle reçoit de nombreux prix pour ses documentaires, dont le Sept d’or pour Mémoires d’immigrés, l’héritage maghrébin en 1997 et le Globe de cristal pour 9-3 Mémoire d’un territoire en 2009.
Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur et de l’ordre des Arts et des Lettres, elle est également membre de l’Observatoire de la diversité audiovisuelle au Conseil supérieur de l’audiovisuel. De son côté, Kader Arif est fils de harki. Proche de François Hollande, ancien numéro trois du PS et militant socialiste depuis 1983, le député européen était responsable du pôle “coopération” dans l’équipe de campagne du candidat socialiste.
Il a été chargé de mission auprès de Lionel Jospin, de 1988 à 1992. Il se tourne un moment vers le secteur privé, travaillant dans un cabinet d’architecte, puis comme directeur régional d’un tour-opérateur, entre 1995 et 1999. Il sera cadre universitaire les deux années suivantes. Il revient à la vie politique en 1999 comme premier secrétaire de la fédération PS de Haute-Garonne. En 2002, il est secrétaire national en charge des relations internationales.
Proche de François Hollande, il gravit peu à peu les échelons au sein du parti, de son entrée au bureau national en 2002 jusqu’en 2008. En 2003, Kader Arif prend en charge le dossier de la mondialisation au sein du parti. Il est nommé secrétaire national aux fédérations, soit le numéro 3 du PS. Le 13 juin 2004, il est élu député européen, puis réélu en 2009.
Le grand perdant de cette fête est pour l’instant le Constantinois Faouzi Lamdaoui, qui a été directeur de cabinet de M. Hollande lors de la campagne électorale. Après avoir fait son deuil de rentrer au gouvernement, il a espéré une investiture du PS pour devenir député. Il n’aura pas ce maroquin puisqu’un proche de Martine Aubry lui a été finalement préféré. Quant à l’ancien préfet Nacer Meddah, congédié par Nicolas Sarkozy, il a déjà sa réhabilitation. Il pourrait intégrer un cabinet ministériel.
Ameur Ouali
LA GUERRE D’ALGÉRIE DANS LE GOUVERNEMENT
Celle-là serait devenue ministre si Nicolas Sarkozy avait été réélu. Salima Saa, fille de harki, secrétaire nationale de l’UMP et présidente d’une agence gouvernementale, a attaqué Kader Arif, s’insurgeant contre sa nomination. Et pourquoi? Elle pensait que M. Kader était le fils d’un militant du FLN.
Mme Saa a dénoncé, dans un communiqué, le “symbole” que représente cette désignation alors que “Kader Arif est le fils d’un membre du FLN, membre de ces forces qui ont combattu les soldats français”. “Comment peut-on être incohérent au point de mettre le fils d’un combattant du FLN au poste de ministre délégué des Anciens combattants ? (…) Cela pourrait être d’une ironie insupportable. Mais la vérité est plus répugnante.
Ce sont les calculs politiques qui ont présidé à la formation de ce gouvernement”, a-t-elle écrit. Un quart d’heure plus tard, le communiqué était annulé: “Une mauvaise info”, expliquait-on dans l’entourage de Mme Saa. Pointée du clic sur Twitter pour ce communiqué, Mme Saa a fait amende honorable: “Mes excuses pour mon tweet sur K. Arif. C’était une fausse information, il est fils de harki. Je lui souhaite tous mes voeux de réussite”.