Google signe un accord avec l’Italie pour numériser un million d’ouvrages

Google signe un accord avec l’Italie pour numériser un million d’ouvrages

L’Etat italien a signé, mercredi 10 mars, à Rome, un accord avec le géant de l’Internet Google afin qu’il numérise et mette en ligne un million de volumes, publiés avant 1860, appartenant aux bibliothèques de Rome et de Florence.

C’est la première fois que la firme californienne parvient à un tel résultat, qui lui donne également accès à toutes les bibliothèques nationales de la Péninsule.

Le ministre italien des biens et des activités culturelles, Sandro Bondi, a salué « l’ouverture d’une nouvelle voie pour la culture, l’entreprise et les nouvelles technologies ». Mario Resca, directeur général pour la valorisation du patrimoine, a insisté sur la « mise en sécurité » des ouvrages en rappelant les dommages causés par la terrible inondation de Florence en 1966.

Pour Google, qui a engagé des tractations avec l’Italie depuis août 2008, cet accord est aussi une victoire politique. Jusqu’à présent le groupe américain – qui a déjà conclu des accords de numérisation avec une quarantaine de bibliothèques, dont huit européennes – n’était jamais parvenu à une entente avec un Etat.

Souvent présenté comme un prédateur culturel plus occupé de faire main basse sur le patrimoine que de le mettre en valeur, Google fait l’objet d’une plainte aux Etats-Unis déposée par Microsoft, Yahoo!, Amazon, ainsi que par des éditeurs. Ils soupçonnent l’entreprise de vouloir s’accaparer la lecture sur Internet et « d’ouvrir un grand magasin » dont il aurait le monopole d’accès.

En France, où Google a signé un accord avec la bibliothèque de Lyon, la société américaine – elle convoitait la numérisation d’une partie des fonds de la « BN », la Bibliothèque nationale de France – a été jugée trop « conquérante », par le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand. « Beaucoup lui ont ouvert la porte en signant des accords que je trouve inacceptables. Ils reposent sur une confidentialité excessive, des exclusivités impossibles, des clauses désinvoltes, voire léonines au regard du droit d’auteur », a-t-il déclaré au Monde le 13 janvier.

Dans ce contexte, l’accord signé à Rome vient à point pour Google. Les négociations, menées dans la discrétion, n’ont soulevé aucune polémique. Google ne numérisera que des livres imprimés avant 1860 – c’est-à-dire tombés dans le domaine public – afin de respecter la législation sur le droit d’auteur, question qui préoccupe aussi la Commission européenne. Pour réaliser cette tâche – cela devrait prendre deux ans – le groupe installera un centre de numérisation en Italie qui, selon le ministre transalpin de la culture, devrait employer 100 personnes.

Nikesh Arora, directeur du développement de Google, a pris grand soin, au cours de la conférence de presse, de faire vibrer la corde de l’orgueil national en évoquant « la diffusion de l’exceptionnel patrimoine culturel de la Péninsule ». Plus prosaïque, il n’a pas caché son souhait que ce « précédent italien » soit suivi « d’autres projets tout aussi importants dans le reste de l’Europe ». Selon un responsable de la société, Google, qui veut diversifier l’offre linguistique de sa bibliothèque virtuelle, est intéressé par les fonds d’Europe de l’Est.

Paradoxalement, cet accord intervient dans un climat de défiance entre l’Italie, Google et l’Internet en général. Trois cadres de la société ont été condamnés en première instance par un tribunal de Milan, le 24 février, à six mois de prison avec sursis pour avoir violé la vie privée d’un enfant italien atteint d’autisme en laissant publier, sur Google Video, une séquence où on le voyait maltraité par des élèves de son école. Google a estimé que ce verdict « posait la question essentielle de la liberté sur laquelle Internet a été construit ».

En janvier, l’entreprise américaine s’est aussi alarmée des répercussions de l’adoption d’un décret par le Parlement italien qui oblige les sites diffusant des contenus audiovisuels à demander une autorisation préalable au ministère des communications. Les responsables de Google, propriétaire du site de partage de vidéos YouTube, se sont déclarés « inquiets » de cette nouvelle mesure.

Philippe Ridet