«Pour Halliche, j’ai reçu une vingtaine d’appels d’agents fictifs.»
«La Belgique est un vrai tremplin, M. Allik !»
llAncien journaliste, Gonzalo Perez a découvert, en sillonnant l’Afrique, à quel point il y avait de jeunes talents qui végétaient dans leurs clubs et leurs pays.
Ayant intégré une agence de gestion de carrière de joueurs, il s’est fixé comme priorité de placer dans de bons clubs européens des talents anonymes. C’est suivant cette politique qu’est intervenu le transfert de Rafik Halliche. «Nous demandons aux joueurs qui travaillent avec nous une seule chose : qu’ils nous fassent confiance.
Placer un joueur, le suivre, défendre ses intérêts, lui assurer le cadre adéquat à son évolution, c’est notre métier. Agent de joueurs, c’est un métier à part entière qui ne se pratique pas juste durant les périodes de transfert. C’est un travail sur toute l’année. Si le joueur ne nous fait pas confiance, nous n’avons rien à faire avec lui», a-t-il indiqué.
«Pour Halliche, j’ai reçu une vingtaine d’appels d’agents fictifs»
Halliche est l’exemple du joueur qui a eu confiance. «Vous savez, ce n’était pas évident au départ.
On se méfie toujours de l’inconnu et c’est naturel. La confiance mutuelle s’est construite avec le temps, au fil des semaines. Halliche a bien vu que nous avons pris son cas en charge et que nous avions actionné notre réseau et lui, en retour, nous a fait confiance en renvoyant vers nous toutes les personnes qui le contactaient pour lui faire des propositions.» L’expérience aidant, Gonzalo Perez a bien compris qu’il y avait souvent tromperie sur la marchandise.
«Pour Halliche, j’ai reçu les appels d’une vingtaine de personnes, toutes affirmant qu’elles étaient mandatées par des clubs. Or, quand je leur demandais de me transmettre l’offre concrète, sur papier à en-tête et avec signature du directeur sportif, il n’y avait rien. Les agents fictifs, il n’y a que ça et c’est à cause d’eux que beaucoup de joueurs n’ont pas percé dans les clubs qu’il faut.»
«Les dirigeants de clubs exigent des milliards pour un joueur dans lequel ils n’ont rien investi»
Si Halliche a eu la sagesse de s’engager avec une agence agréée et de faire confiance à ses cadres, ce ne sont pas tous les joueurs algériens qui le font. «C’est dur de travailler avec les Algériens car il y a plusieurs obstacles. Le premier d’entre eux est la langue. Pour s’imposer en Europe, il faut parler au moins deux langues, l’anglais en premier.
Or, j’ai constaté qu’il y a des joueurs algériens qui ne maîtrisent même pas le français, qu’ils apprennent pourtant à l’école ! Etre professionnel, ce n’est pas seulement savoir taper dans un ballon et toucher des millions pour ça. C’est aussi se donner les moyens de communiquer avec l’extérieur. Un joueur qui ne sait pas communiquer a très peu de chances d’être retenu. Le deuxième obstacle est la cupidité des dirigeants de clubs.
Pour un joueur qui commence juste à se faire connaître, il est exigé des milliards. Plutôt que de voir loin et de se soucier de l’intérêt du joueur, ils cherchent avant tout à s’enrichir sous prétexte de récupérer l’argent investi. Connaissez-vous un joueur algérien dans lequel des milliards ont été investis ?»
«Il faut un réseau, pas un père ou un frère»
Il y a également un troisième obstacle : la mentalité des joueurs en eux-mêmes. «Les Européens rechignent à recruter des Algériens parce que ces derniers ont la réputation, vraie ou surfaite, d’être grincheux, nerveux et indisciplinés. En outre, il faut dire que les joueurs algériens se mettent eux-mêmes des bâtons dans les roues.
Lorsqu’il y en a qui sont intéressants et pour qui nous avons des offres très sérieuses, ils nous disent de voir avec leurs managers qui sont soit leur frère, leur père, leur oncle ou je ne sais quoi encore… Ça me rend malade d’entendre ça ! Certes, un frère ou un père sont dignes de confiance, mais ce n’est pas synonyme de compétence pour défendre les intérêts d’un joueur.
Ont-ils un réseau ? Sont-ils introduits dans des clubs ? Ont-ils un répertoire des bons numéros de téléphone ? Ce sont autant de questions à méditer.»
«La moitié des internationaux algériens méritent mieux que ce qu’ils ont»
Malgré l’amertume qu’il laisse transparaître, l’agent espagnol reste optimiste.
«Il y a de la pâte en Algérie. Il suffit juste de la mettre entre de bonnes mains. Je ne comprends pas pourquoi les dirigeants de club et les joueurs refusent de traiter avec des agents agréés. Le joueur y gagnerait, son club formateur et le football algérien aussi.
Pourquoi bloque-t-on les jeunes talents ? Je ne sais pas.» Il termine en citant l’exemple de la composante actuelle de la sélection nationale. «Je suis convaincu que 50 % au moins de l’effectif actuel méritent mieux que ce qu’ils ont. Ils auraient pu évoluer dans des clubs huppés s’ils étaient mieux entourés. Or, ce n’est pas le cas. Le choix du bon club, c’est en premier lieu le choix du bon agent.»
«La Belgique est un vrai tremplin, M. Allik !»
Gonzalo Perez a une anecdote à raconter au sujet d’un transfert qu’il n’a pu réaliser à cause des mentalités algériennes. Ayant pris connaissance du profil de Sayah, le jeune milieu de terrain de l’USM Alger, il a contacté officiellement la direction du club algérois pour autoriser le joueur à rejoindre Westerlo, club belge de première division.
Or, Saïd Allik a opposé un niet catégorique, arguant que le championnat belge n’est pas une référence en Europe. «Ce que M. Allik ignore ou feint d’ignorer, c’est que les championnats belge et hollandais ont été des tremplins pour de nombreux grands joueurs.
Mido, qui a évolué à Tottenham, Marseille et l’AS Roma, a fait ses débuts en Europe en Belgique ; McCarthy, qui a remporté la Ligue des champions en 2004 avec le FC Porto, a commencé aux Pays-Bas ; Dembele, le nouvel attaquant de Fulham, un excellent joueur, vient des Pays-Bas lui aussi et avait commencé en Belgique ; même l’Algérien Guedioura a dû transiter par la Belgique pour aujourd’hui évoluer à Wolverhampton, en Premier League.
Donc, le championnat belge est un excellent championnat pour se préparer au haut niveau», argumente-il, avant d’ajouter : «Et puis, soyons réalistes : combien de matches a disputés Sayah pour que la direction de l’USMA se mette à exiger un club de renom pour le transférer ? C’est un joueur qui a des qualités, mais à qui on n’a pas donné sa chance. Pourquoi ne pas le laisser aller s’épanouir ailleurs ? C’est ce qui me tue chez certains dirigeants de club algériens : ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, malheureusement».