« Girl Power » sur la télévision

« Girl Power » sur la télévision

Les postes à haute responsabilité sont tenus par des hommes, et l’industrie sérielle ne fait pas exception à la règle ; les femmes doivent en découdre au quotidien avec les turpitudes du Boys club qui régit cette industrie.

Mais depuis quelques années, la tendance s’est inversée, et  les séries contemporaines n’hésitent pas à bousculer les genres et cela est notamment dû à la prise de pouvoir de showrunneuses qui proposent des thèmes innovants et progressifs, et en phase avec la société.

Le terme «Showrunner» a, paraît-il, été inventé par le magazine Variety, en 1992. «Dans les séries, le showrunner prend toutes les décisions majeures. La plupart du temps, il en est le créateur, le principal producteur, il dirige le pool de scénaristes et il intervient sur le plateau auprès du réalisateur. Autrement dit, un travail herculéen»                                                                     Et cette profession de « showrunner », se féminise depuis la fin des années 2000, le paysage sériel étant devenu propice à une plus grande diversité.

455 ont été diffusées en 2016, cette croissance effrénée est essentiellement due à l’émergence des plateformes de télévision payante en ligne, principalement Netflix, Amazon et Hulu, les grandes chaînes nationales, doivent donc se démarquer de la concurrence, en cherchant de nouvelles façons de raconter des histoires.                                                                                                                                    La multiplication des canaux, et l’émergence de grandes séries au début des années 2000 ont créé un appel d’air, il y a de la place pour des voix différentes. Un nombre croissant de femmes a ainsi fait son entrée dans l’industrie sérielle et elles ont pu proposer des séries singulières qui ont dynamité les codes de la télé.

Des shows comme Orange Is The New Black de Jenji Kohan ou Transparent de Jill Soloway se libèrent des stéréotypes et ont réussi cassé des barrières.

Le succès colossal de Shonda Rhimes (Grey’s Anatomy, Scandal, How To Get Away With Murder…) a aussi fait avancer les choses et a permis d’ouvrir des brèches. Le jeudi soir sur ABC lui est acquis. Elle a aussi bénéficié du slogan « Thank God It’s Thursday »  Shonda Rhimes est le symbole de réussite du network.

Une multitude de femmes s’illustre ainsi à la tête de séries ; Ilene Chaiken (Empire), Julie Plec (The Vampire Diaries, The Originals), Liz Meriwether (New Girl), Mindy Kaling (The Mindy Project), Moira Walley-Beckett (Flesh and Bone), Ilana Glazer et Abbi Jacobson (Broad City), Amy Seimetz (The Girlfriend Experience), Melissa Rosenberg (Jessica Jones) …                                                                                                                                  La réussite de celles-ci est également remarquée par la critique, sans oublier, les nombreuses distinctions reçues par la série 30 Rock (nominée 103 fois aux Emmy Awards au cours de ses sept saisons), créée par Tina Fey qui rencontre à nouveau le succès actuellement grâce à Unbreakable Kimmy Schmidt.

Et dans les sitcoms (qui restent encore très majoritairement dirigés par des hommes), Nahnatchka Khan s’est fait remarquer grâce à la comédie Fresh Off the Boat (Bienvenue chez les Huang) Sa volonté d’écrire des femmes fortes, confiantes et sûres de leurs capacités a été mise en avant et saluée par la presse.

Avec une showrunneuse à la tête d’une série, l’emploi d’autres femmes en tant qu’actrices, réalisatrices, scénaristes ou monteuses est plus fréquent. Il y a une volonté d’entraide et aussi une envie collective de dépasser les obstacles imposés aux femmes.

Cependant, selon une étude concernant la diversité ethnique basée sur 120 épisodes de NCIS et Grey’s Anatomy, un constat alarmant est dressé. La première n’a engagé aucune femme réalisatrice provenant d’une minorité ethnique tandis que la seconde en a engagé 21. La parité n’est donc pas encore atteinte au sein du medium sériel.

Ces changements vont toutefois permettre le développement de personnages féminins qui n’entrent pas dans les canons esthétiques actuels (Girls, Orange is the New Black) et les femmes ne se conforment plus à un « idéal féminin », Lena Dunham par exemple n’épargne pas son alter-égo fictif, en le rendant détestable et égoïste.

Un progrès à nuancer 

Certains types de séries doivent cependant lutter contre des préjugés sexistes. Les studios de production ont ainsi plus de mal à accorder leur confiance à des femmes lorsqu’il s’agit de diriger un drama.  Il y a toujours cette idée préconçue que les créatrices doivent être cantonnées à « des sujets féminins ». Mais des showrunneuses, ont travaillé sur Southland, Ray Donovan ou encore Criminal Minds , un fait qui étonne souvent le public qui n’imagine pas qu’une femme puisse dépeindre un tel univers. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que lorsqu’un homme est à la tête d’une série considérée comme « féminine », cela est rarement mis en avant. Ainsi personne ne sera choqué d’apprendre que Sex and the City a été créée par un homme et Darren Star n’a jamais eu à s’expliquer sur la question.

 Work in progress

Si en Amérique, ces shows dirigés par des femmes conduisent à quelques changements sociétaux et influent sur la vie quotidienne de milliers de femmes, personne n’est dupe, la route est encore longue. Le Boys club et ses alentours ont oublié qu’avant 1930, 50 % des employés de l’industrie du septième art étaient des femmes. C’était avant la crise de 1929 et que les hommes ne rappliquent en nombre.

Le succès des femmes showrunners rappellent aux studios et aux chaînes que les fictions créées par des femmes peuvent faire d’énormes audiences et générer des profits en conséquence. A terme, ça peut ouvrir des perspectives et qui sait peut-être qu’un jour le test de Bechdel* deviendra obsolète.