Suite et fin de notre entretien avec Abdelkader Ghezzal. Pour Footafrica365, l’attaquant international algérien se livre, encore et encore. Les soucis offensifs des Fennecs, la double confrontation à venir face au Maroc et la carrière de son jeune frère, Rachid, sont au menu de cette seconde partie.
Abdelakder, en Algérie, vous êtes considéré comme un attaquant de pointe. Pourtant, vous marquez peu en sélection (24 sélections pour 3 buts). Etes-vous réellement ce qu’on appelle un buteur ou alors êtes-vous pris prisonnier d’un rôle qui ne vous convient pas ?
Attaquant de pointe, je peux le faire, et je l’ai fait en Coupe d’Afrique des Nations en Angola. Disons que là où je me sens le plus à l’aise, c’est davantage derrière les attaquants ou alors en soutien (poste de neuf et demi dans le football moderne). C’est d’autant plus vrai que je marque plus quand j’arrive lancé. L’année dernière à Sienne, j’avais d’abord commencé sur les côtés.
Quand il a eu le changement de coach, on a discuté longuement avec Marco Baroni, qui m’a dit qu’il me voyait plus en deuxième attaquant, car avec ma percussion, j’apporte plus. C’est d’ailleurs de cette manière que j’ai réussi à marquer mes doublés contre Bari et la Juventus. J’avais aussi offert pas mal de passes décisives à Maccarone. Un peu plus en retrait, c’est clairement ma position préférentielle.
Cette envie signifierait également que vous seriez exposé à une plus grande concurrence au sein des Verts…
C’est clair. Ca voudrait dire peut être une concurrence plus forte. Mais pour les joueurs professionnels, elle toujours présente que ce soit en club ou en sélection. On vit avec ce paramètre constamment.
Je n’ai jamais eu peur de la concurrence et pourtant, j’ai souvent changé de club avec aucune garantie. L’émulation, c’est ce qui te fait avancer et progresser. En général, je travaille davantage, je mets à disposition et je montre ce que je sais faire. Les gens ne le savent pas peut être, mais en Italie, le Championnat est très dur, et si tu n’es pas un bosseur, tu ne joues pas.
L’Algérie marque très peu (7 buts en 16 matches en 2010). A l’instar de votre coéquipier Rafik Djebbour, pensez-vous que c’est davantage un souci d’animation offensive que celui d’un problème de calibre des joueurs présents ?
Je partage son sentiment car j’ai aussi joué souvent esseulé en attaque, notamment lors de la CAN. Quand tu es seul, et que tu as quatre défenseurs, autour de toi, c’est difficile. Après, le problème d’attaquant, que ce soit Rafik, qui a marqué régulièrement avec l’AEK Athènes, ou même moi qui l’ait fait, la saison dernière… J’ai quand même mis des buts contre le Milan ou la Juventus. Ca prouve que je peux marquer. Maintenant, il ne faut pas oublier que notre équipe a beaucoup changé, il faut un certain temps d’adaptation et malheureusement on n’est pas souvent en regroupement. Plus qu’un CV, je pense c’est une plus une question d’organisation de jeu. La preuve on a tout essayé : des anciens ou des nouveaux, et ça n’a pas débloqué les choses.
Offensive lors des années 80, l’Algérie serait désormais une équipe à vocation défensive, c’est un changement culturel ?
Je n’irai pas jusqu’à là. Mais pour rappel, on s’est qualifié au Mondial, sans marquer non plus énormément de buts et c’était souvent sur des coups de pieds arrêtés. On a brillé par une solidité défensive extraordinaire. Et bien défendre, c’est aussi à mettre à l’actif des attaquants, car ça fait partie de notre boulot. On profite aussi de gabarits puissants comme ceux de Bougherra, Halliche, Yahia, Yebda ou moi-même. Et c’est là-dessus qu’on su faire la différence, notamment contre l’Egypte (3-1 à Blida) et la Côte d’Ivoire (3-2 a.p. à Cabinda), qui reste nos matches références sur les deux dernières années.
« Avec Kharja, on se nargue… »
Justement en parlant de gros matches, celui du Maroc, prévu le 27 mars, commence à pointer le bout du nez dans les esprits. Comment le voyez-vous ?
Avant d’en parler, je pense que le match test contre la Tunisie sera hyper important. Car ce sont des équipes qui se ressemblent. Concernant le Maroc, ils ont récemment démontré qu’ils n’étaient pas là pour rigoler.
Ils ont eu un trou d’air, mais ils sont clairement de retour. Cependant, j’imagine ce match moins difficile que celui de la Centrafrique, car nous avons des profils similaires, avec beaucoup de joueurs qui évoluent en Europe. On a un style footballistique très proche, et ça risque de jouer au ballon. Et puis, on jouera au pays, c’est plus confortable au niveau du climat. Sur le match, ça sera très dur, mais c’est faisable. On l’a fait contre l’Egypte, et contre d’autres équipes, et en même temps, on ne va pas se le cacher : on n’a plus le choix !
Comme beaucoup d’Algériens nés en France, vous avez sûrement des copains marocains, est-ce ça chambre déjà un peu avant le match ?
(Rires…) C’est surtout avec Houcine Kharja qui joue au Genoa qu’on se nargue. On a joué ensemble à Sienne et on s’envoie des SMS pour en parler.
Que vous dîtes-vous ?
Je lui dis : « T’inquiète pas, j’arrive ! »
Avec du recul et sept mois après, comment analysez-vous votre Mondial et notamment cette fameuse expulsion contre la Slovénie ?
Ce qui ressort, c’est surtout la terrible déception de ne pas avoir pu m’exprimer. A cause de cela, j’ai d’ailleurs raté le meilleur match, celui face aux Anglais. Mais je me suis dis : Qu’est ce qu’il est le plus important : Khartoum ou l’Angleterre ? Khartoum restera plus fort !
Cette main contre les Slovènes, est-ce qu’elle vous colle à la peau, au point qu’elle puisse expliquer aussi une éventuelle mise à l’écart ?
Non je ne pense pas que ça puisse remettre en cause mon engagement et mon implication sur les deux dernières années. En arrivée à penser cela, ça me paraît trop gros. Et je ne le soupçonne pas une seule seconde. Ce qui est vrai c’est que j’ai pénalisé mon équipe, et que je me gâché deux ans de travail et de souffrance en Afrique sur cette faute.
Votre frère Rachid Ghezzal joue avec l’équipe réserve de Lyon, il a 18 ans, et pourrait, si sa progression le lui permet, jouer un jour avec vous en équipe d’Algérie. Vous y pensez ?
J’aimerais bien, ça me ferait plaisir. Mais il est inutile de lui mettre cette pression. Il est jeune, a signé un contrat élite (stagiaire pro) avec Lyon. C’est une bonne chose, et à son âge, il sait déjà ce qu’il veut. Il veut devenir joueur professionnel, au même âge, je n’avais pas cette réflexion. Il est intelligent et ne me demande pas tant de conseils que cela. Je lui dis juste d’être sérieux et de bosser. Quand tu joues en club, et que tu enchaînes de bonnes prestations, les choses viennent toutes seules.
S’il vous rejoint, un jour, en Italie, il pourra peut être goûter à la nouvelle spécialité locale, les matchs à 12 h 30 ?
(Hilare…) C’est trop dur. Et le plus dur, c’est de manger des pâtes à 9 heures du matin. Franchement, la dernière fois avant le match contre Catane, je n’en pouvais plus…