Abdelkader Ghezzal revient dans cet entretien qu’il nous a accordé sur ce fameux match Algérie-Egypte dans ses deux versions : Le Caire et puis Khartoum.
Il raconte le calvaire puis l’euphorie qui a suivi la qualification au Mondial. Pour ce qui est de la Coupe du monde, puisque l’actualité est au tirage au sort, l’attaquant de Sienne préfère avoir le Brésil dans le groupe des Verts. «Il y aura de la technique, beaucoup de technique», assure-t-il. Il est également persuadé que l’Algérie fera sensation si un France-Algérie est au menu. Cette empoignade, Ghezzal la veut une fête totale, un rendez-vous particulier.
Comment ça se passe votre retour en Italie ?
Très bien, dans d’excellentes conditions. On a atteint nos objectifs en EN, on ne peut qu’être heureux avec nos clubs, quoique à Sienne la réussite nous fuit. On aimerait bien s’extirper de la zone rouge dans laquelle on se trouve.
Une semaine après l’euphorie de la qualification à la Coupe du monde, revivez-vous encore ces moments de joie ?
Et comment ! Il faut savoir qu’on a décroché cette qualification après un travail intense. On est passés par des moments difficiles pour arracher notre présence au prochain Mondial.Tout cela pour vous dire que si aujourd’hui encore je revis ces moments de bonheur, c’est que le chemin était dur pour y arriver. Alors, je savoure cet exploit.
Avez-vous en mémoire vos premiers pas en EN…
Oui, c’était contre le Mali lors d’un match amical. J’étais très content d’avoir été convoqué pour défendre les couleurs du pays. Une chose que j’attendais depuis longtemps. Je me souviens encore, j’étais super joyeux de rejoindre l’EN.
Vous étiez timide dans vos débuts, non ?
Je crois que c’était normal. Je venais juste de rencontrer le groupe. Une équipe que je ne connaissais pas.
En plus, je suis de nature réservé. Il m’a fallu un temps d’adaptation pour me me fondre dans le groupe qui s’est avéré être une bonne bande de copains solidaires et unis pour la même et unique cause, faire triompher notre équipe nationale.
Au Soudan, on a eu une autre face de Ghezzal pas du tout réservé celle-là, bien au contraire…
L’agression dont on a été victimes au Caire nous a transformés. Il ne fallait surtout pas se laisser faire face à ces Egyptiens qui nous ont maltraités chez eux. Il fallait qu’on prenne notre revanche et bien sûr obtenir cette qualification pour le Mondial.
A quel moment de ces éliminatoires vous vous êtes dit, entre vous, les joueurs, qu’aller au Mondial c’est possible ?
C’est juste après la victoire obtenue contre la Zambie à l’extérieur. C’est à partir de là qu’on s’est dit «oui, on peut l’avoir ce ticket pour le Mondial». On ne pouvait pas laisser cette chance qui se présentait à nous s’envoler.
On était décidés donc à mettre le turbo. En ce qui me concerne, je n’avais qu’une seule obsession : aller à la Coupe du monde, car on le mérite amplement. On a fait un parcours honorable et on a mérité notre place de leader.
Si on vous demande quel souvenir gardez-vous du match de l’Egypte, que diriez-vous ?
Je pense que les images que le monde entier a vues parlent d’elles-mêmes. Quand je reviens sur le séjour au Caire, je me souviens de notre bus qui était caillassé.
Je me souviens des pierres qui fusaient de partout. Je me souviens très bien de mes camarades qui ont été blessés. C’était un calvaire. Les Egyptiens ont prémédité ce coup.
Le comble, c’est qu’on nous a accusés d’avoir brisé nous-mêmes les vitres de notre bus et de s’être blessés en nous lançant des pierres pour faire couler du sang et nous faire porter le chapeau par la suite. Même un enfant ne pourrait gober des choses pareilles. Cela nous a fait très, très mal et perdre notre concentration.
Mais bon, ce sont eux qui pleurnichent maintenant.
La peur a-t-elle gagné les rangs des Fennecs ce jour-là ?
Si on avait peur, on aurait pris l’avion pour rentrer en Algérie. Non, c’était plutôt le choc.
On était choqués par ce qui est arrivé. C’était comme si on était dans un champ de bataille, mais on a gardé notre sang-froid pour montrer aux Egyptiens qu’ils ne nous impressionnent pas, car il faut beaucoup pour impressionner un Algérien.
Avant de prendre le vol pour le Soudan, comment se présentait pour vous ce match d’appui ?
C’était le match de la dernière chance. Le rendez-vous à ne pas perdre quoi qu’il arrive. On voulait juste quitter Le Caire, car là-bas on n’était pas en sécurité.
On était impatients de quitter le sol égyptien. C’est ce qu’on avait en tête après le match au Caire. Même si j’avoue que la déception après avoir encaissé le second but à la dernière minute était présente. Cela dit, on s’est vite repris, car la chance était toujours là. On avait une dernière carte à jouer à Khartoum.
Les Egyptiens disaient en ce temps là qu’ils vous ont accueillis de la même manière que vous lors du match à Blida…
Qu’ils disent ce qu’ils veulent. Sincèrement, on s’en fout d’eux. Je ne me prends pas la tête par leurs déclarations. Je n’ai même pas envie de parler d’eux. Ils savent très bien comment ils ont été accueillis et ils savent ce qu’ils ont fait à l’Algérie.
Alors ce n’est plus la peine de dire quoi que ce soit sur eux. Ceci dit, sur ce qu’ils inventent sur les incidents de Khartoum n’est que leur imagination qui leur fait un mauvais tour. La bataille s’est déroulée sur le carré vert de Khartoum et on a montré qui est le meilleur sur ce terrain-là.
Qu’avez-vous ressenti une fois que l’avion a atterri sur le tarmac de Khartoum ?
Un grand soulagement. On s’est sentis enfin en sécurité. On a été très bien reçus par nos frères soudanais. On s’est sentis enfin chez nous. Là, on s’est dit que c’est bon, préparons-nous au match et c’était parti pour une rencontre qu’on s’est promis de la remporter. C’était bon de se sentir libres.
On a vu sur le terrain onze guerriers déterminés à mettre le feu sur la pelouse du stade d’Omdourman…
C’était justifiable. On a su que notre public était là pour nous soutenir. On s’est dit, voilà ce qui nous manquait.
C’est comme si on a eu à l’instant même une grande force qui se dégageait de nos corps. On ne pouvait que leur faire plaisir, car nos fans ont été géniaux.
Au coup de sifflet final, c’était la folie…
C’était un moment que n’oublieront pas de sitôt les Algériens. En ce qui me concerne, j’étais aux anges. Un moment de bonheur et de joie indescriptible. Il faut le vivre pour le comprendre et je sais que les Algériens comprennent ce que j’ai ressenti à la fin du match.
Puis arrivés à Alger, on vous a vu ému quand vous descendiez de l’avion…
Vous avez vu tout ce monde venu juste pour vous ? C’était magnifique. Un moment magique que je ne vais pas oublier de toute ma vie. Il va rester gravé dans ma mémoire à jamais. J’étais ému comme tout le groupe, car on était enfin chez nous, chez la mère patrie. Les Algériens ont encore une fois fait preuve de solidarité, et c’est ce qui a fait qu’aujourd’hui on est Mondialistes.
Un bus vous attendait afin de monter sur son toit pour que les Algériens puissent partager avec vous la joie…
Je ne croyais pas mes yeux. J’étais là à voir une marrée humaine qui était venue spécialement pour nous. Ça donne la chair de poule dès qu’on repense à ce moment-là. Un public pareil mérite qu’on se surpasse pour lui offrir de la joie à chaque occasion qui se présentera. J’étais très fier de rencontrer le Président de la République, Monsieur Bouteflika.
Cette occasion va se présenter dans quelques semaines, l’EN affrontera la crème de l’Afrique…
Il faut maintenir le cap. Il faut progresser et faire en sorte de faire tout notre possible pour que la joie reste toujours d’actualité. En tous les cas, on est conscients de ce qui nous attend, et on fera en sorte d’être à la hauteur des espérances.
L’Algérie est dans le groupe de l’Angola, du Mali et du Malawi. Que pensez-vous de ce groupe-là ?
Un groupe à notre portée. On a un bon coup à frapper. On a en tous les cas les moyens de faire sensation dans cette compétition. Le cœur y est pour faire un bon chemin et le physique suivra sans aucun doute. Je suis persuadé qu’on fera un très bon parcours comme ce fut le cas pour les éliminatoires. On fera tout pour conquérir l’Afrique. Mais aujourd’hui, on est avec nos clubs respectifs, on fait en sorte d’honorer notre maillot.
En évoquant vos clubs, comment s’est déroulé le retour en Italie pour Abdelkader ?
Très bien. J’ai reçu plusieurs SMS de plein de monde. Tout le monde a voulu partager la joie avec moi. J’étais super content qu’en Italie on partage mon bonheur. Que ce soit fans, joueurs, staffs ou direction, tout le monde a été là pour me féliciter. Cette marque de sympathie restera gravée dans ma mémoire. Je ferai tout mon possible pour que Sienne se maintienne.
Le statut de Mondialiste a-t-il influencé sur votre vie ?
Je suis un professionnel et je me comporte comme tel. J’ai repris mes fonctions au sein de mon club avec cette volonté de mettre les bouchées doubles afin de montrer à chaque fois un beau visage. En fait, je reste zen comme à l’accoutumée.
Comment se passe maintenant le contact avec vos camarades siennois ?
Dès mon arrivée, on m’a félicité pour la qualification à la Coupe du monde. Que ce soit les joueurs, le coach ou la direction de Sienne, tout le monde est venu me féliciter et me dire qu’on mérite amplement cette qualif’. C’était gentil, et puis, le train-train quotidien a repris ses droits.
Benzema avait déclaré qu’il était un ami à vous. Avez-vous échangé vos félicitations ?
Effectivement, c’est mon ami. Je n’ai pas eu de ses nouvelles, mais on m’a fait savoir qu’il a été heureux pour moi. Moi aussi, je suis content pour lui. On se verra en Afrique du Sud pour faire le spectacle, incha Allah. Karim, RDV au Mondial !
On parle beaucoup des pays que va affronter l’Algérie en Afrique du Sud. Un certain Algérie-France revient souvent…
Un Algérie-Brésil serait tentant aussi. Mais on ne peut rien avancer, puisque le tirage au sort n’est pas encore fait. Cela dit, certes un Algérie-France serait particulier, je l’avoue. Si on affrontera la France, on fera en sorte que le spectacle soit au rendez-vous et que le meilleur gagne bien sûr.
Un dernier mot pour vos fans…
Je suis très chanceux d’avoir représenté mon pays d’origine dans ces éliminatoires et de faire partie de l’effectif qui a réussi à se qualifier à la Coupe du monde après une très longue absence. En dépit de la dernière défaite de mon club, je vis toujours au rythme de la qualification de l’Algérie au Mondial. Lors du match d’appui, nous avons prouvé qu’on est les plus méritants par rapport aux Egyptiens. Je ressens toujours cette joie jusqu’au jour d’aujourd’hui, après avoir réussi cet exploit auquel je ne m’attendais pas à mon arrivée en EN.
A. Z.