Ghazi : «Chiboub voulait me ramener l’imam de Zitouna pour me faire manger»

Ghazi : «Chiboub voulait me ramener l’imam de Zitouna pour me faire manger»

Durant votre carrière de footballeur, avez-vous eu un problème avec un entraîneur ou un dirigeant à propos du jeûne de Ramadhan ?

Ah oui, j’en ai eu un grand problème même. Cela avait certainement influé sur ma carrière professionnelle, même si je ne regrette rien.

Racontez…

C’était à l’époque où j’avais signé à l’Espérance de Tunis. Je me rappelle qu’on venait de jouer un match de Coupe d’Afrique la veille du premier jour du mois de Ramadhan. Je me suis alors approché d’un des dirigeants pour lui demander le programme de demain, car on ne nous avait rien dit. Il m’a répondu qu’il n’y a aucun programme spécial et qu’on allait s’entrainer le matin le plus normalement du monde. Je lui ai rappelé alors que, le lendemain, c’est « Ramdane ». Et là, j’ai été surpris de l’entendre me dire : «Ramdane ou pas, c’est la même chose pour nous, ça ne change rien. Ici, on ne jeûne pas. On ne change rien à nos habitudes.»

Quelle a été votre réaction ?

J’ai été surpris. C’était la première fois que j’entendais de pareils propos dans un pays arabe et musulman. Je n’étais pas seul. Il y avait avec moi Daoud Bouabdallah qui jouait aussi à l’Espérance. Nous lui avons répondu tous les deux que le Ramadhan est sacré pour nous et que n’allions pas nous entraîner le matin parce que nous allions jeûner.

Que s’est-il passé le lendemain ?

Comme prévu, Bouabdallah et moi «sebahna saïmine». Un peu plus tard dans la journée, le président Slim Chiboub m’a appelé et nous a convoqués à son bureau. Il nous a demandé des explications et nous lui avons dit ce que nous pensions du sujet, répétant qu’il n’était pas question que nous mangions. Il faut savoir que Slim Chiboub est quelqu’un de très cultivé. Il a alors tenté de nous  convaincre en nous expliquant les choses d’abord sur les plans sportif et scientifique, insistant sur les effets du jeûne sur l’organisme et sur le fait que nous sommes dans un club professionnel avec des engagements et tout ce qui s’en suit, puis sur le plan religieux où il semblait maitriser un peu le sujet. Cependant, ce discours nous est entré par une oreille et est sorti par l’autre. C’est comme s’il parlait à un mur (rire).

Et après ?

Voyant que nous n’étions pas convaincus, il nous a proposé de nous ramener l’imam de Djamaâ Zitouna pour nous délivrer une fetwa. Il allait vraiment le ramener, mais je lui ai dit que ce n’était pas la peine et que nous étions décidés de jeûner. Il nous demandé alors de nous entraîner tous seuls avec l’entraîneur le soir. C’est à partir de là que le courant ne passait plus entre l’entraîneur et moi et même avec les dirigeants. A la fin de la saison, j’ai dû résilier mon contrat. Il me restait deux saisons, c’était un contrat très important sur le plan financier, mais il y a des principes avec lesquels on ne joue pas. El hamdoullah, je ne regrette rien. J’ai eu une grande carrière avec l’USMA et, à présent, à 34 ans, je suis dans un grand club qui est le Mouloudia d’Alger.

Est-ce que tous les autres joueurs de l’Espérance de Tunis mangeaient ?

Oui. Pour les autres joueurs, c’estcomme si nous n’étions pas au mois de Ramadhan : de l’eau à l’entraînement devant tout le monde et, après la séance, déjeuner dans le restaurant du club le plus normalement du monde. Cela, personne ne me l’a raconté. Je l’ai vu de mes propres yeux.

Sinon, vous sentez-vous plutôt bien durant le Ramadhan ?

Généralement, oui. A vrai dire, j’apprécie beaucoup ce mois. En dehors des entraînements, j’essaye d’être en retrait de tout pour me consacrer aux prières. Je fais tout pour que mon comportement soit différent afin de me rapprocher de Allah. D’ailleurs, je passe beaucoup de temps à la mosquée.

Vous vous réveillez tôt,

donc ?

Du fait que nous nous entrainons souvent en soirée et qu’il y a le s’hour quelque temps plus tard, je suis obligé de faire la grasse matinée pour récupérer. En général, je me lève aux alentours de 12h30, soit avant la prière de Asr, sauf les vendredis où je dois me lever à 11h30 afin de me préparer pour la grande prière.

Il ne faut donc pas vous chercher noise le matin…

Non, je reste calme, pas de problème, mais il faut dire que je fais tout pour éviter de fréquenter les gens. Ya kho, durant le Ramadhan, je préfère consacrer mon énergie à Dieu et non pas à me quereller.

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Son menu de rêve pour le ramadhan

«Pour rompre le jeûne, je ne peux pas me passer des dattes et du petit-lait. Après, il y a les deux plats incontournables : la chorba et le bourek. Etant un sportif de haut niveau, je n’en abuse pas, mais je ne peux pas m’en passer. Pour le second plat, je prends ce qu’il y a, mais je ne vous cache pas que j’ai une préférence pour me m’touem. En guise de boisson, rien ne vaut de l’eau, mais je me permets un petit verre de soda Hamoud. Je termine par un fruit et, après une petite pause, j’enchaîne par un sucré, soit du qalb ellouz, soit de la zlabia. Sur ce point, je n’ai pas de

préférence.»