Les palmeraies sont fortement menacées par la hausse des températures. Bien que n’étant pas un pays majeur émetteur de gaz à effet de serre, l’ensemble de la wilaya de Ghardaïa et ses environs subissent, depuis les inondations d’octobre 2008 qui avaient fait 49 morts, les conséquences du changement climatique, notamment dans sa partie la plus vulnérable, à savoir les palmeraies.
Selon différents experts, les défis que fait planer sur la région le changement climatique sont les risques de sécheresse et d’inondation dévastatrice.
Ils sont aussi une occasion de faire émerger une économie verte plus respectueuse de la nature. La température en hausse aura des conséquences inévitables sur la disponibilité en eau dans des zones où le « stress hydrique » est déjà important.
Mais la sécheresse des foggaras et des palmeraies, fruits de l’adaptation des populations locales, soumises ces derniers temps à un climat en continuel changement, ne semble pas trop préoccuper le directeur de l’agriculture de la wilaya de Ghardaïa, M. Ali Benjoudi, qui explique que cette sécheresse touche seulement les puits creusés traditionnellement et n’a aucune incidence sur l’agriculture, compte tenu des réserves d’eau souterraine.
Le directeur de l’agriculture semble cependant ignorer qu’au fil du temps, les parcelles agricoles sont soumises à des pressions de plus en plus fortes, d’où la nécessité de mettre en place des mécanismes d’adaptation accélérée dans un environnement de plus en plus rude.
C’est sans doute la sécheresse la plus grave depuis huit années. Elle se fait particulièrement ressentir dans la région du M’zab et ses environs, où les citoyens commencent à s’inquiéter sérieusement.
Selon certains experts en matière agricole, la région devrait perdre entre 25 à 35% de ses récoltes cette année. Les services météorologiques ont, de leur côté, annoncé que la sécheresse devrait vraisemblablement s’accentuer avec des niveaux de pluviométrie très faibles durant les quatre mois à venir.
Du coup, cette sécheresse aura un impact très visible sur l’économie locale, avec une flambée des prix des produits agricoles qui se fait déjà sentir depuis l’augmentation du prix du carburant. Cet épisode de sécheresse, qui dure depuis plusieurs années, va particulièrement affecter l’agriculture, notamment les récoltes maraîchères.
Sécheresse et intempéries inhabituelles
Les paysans sont les premiers, partout dans le monde, à subir les conséquences du dérèglement climatique qui chamboule le quotidien de leurs exploitations. « A l’Intissa et à Laadira, deux cantons agricoles par excellence, les agriculteurs ont un calendrier de plantation.
Mais maintenant, avec le changement climatique, notre calendrier n’est plus à jour », constate Si Omar, un fonctionnaire des domaines converti à l’agriculture, venu témoigner et répondre à nos questions. « La saison des pluies, c’est d’octobre à mai, et la saison sèche de juin à septembre.
Mais aujourd’hui, c’est devenu imprévisible.
Nous devons nous adapter au changement climatique et améliorer nos semences comme nos modes de production », explique-t-il. « C’est aussi l’imprévisibilité qui frappe », ajoute-t-il. Il dit avoir vécu dans son jardin « les effets du changement climatique sur la production de fruits, spécialement pour le raisin en période d’été ».
A travers toute la wilaya de Ghardaïa, c’est la sécheresse qui accable le plus les paysans, expliquent d’autres agriculteurs des zones de Mansoura et Hassi-Lafhal. Quant à la vallée du M’Zab, coincée entre deux montagnes, elle souffre davantage du réchauffement climatique, alors que la moitié de sa population vit de l’agriculture locale.
En 2015, la sécheresse a été telle que certains paysans « ont dû vendre une partie de leur bétail parce qu’ils ne pouvaient plus le nourrir », selon Si Omar. Et d’ajouter que dans les anciennes palmeraies de Ghardaïa et de Guerrara, les foggaras, des installations pour l’irrigation des jardins, sont secs et que les réserves d’eau souterraine ont été peu remplies, faute de crues saisonnières.
Afin de mieux éclairer notre lecteur, il serait judicieux de fournir de plus amples informations sur ce système séculaire de captage des eaux de crues, dit ‘’foggara’’. Cependant, l’eau dans la wilaya de Ghardaïa demeure un facteur primordial de tout développement d’activités humaines.
Les systèmes traditionnels de captage et d’irrigation par le biais de la foggara témoignent d’un génie hydraulique humain remarquable, dont l’organisation se place au premier plan.
La foggara est une conduite d’eau souterraine destinée à l’écoulement des eaux pour le remplissage des puits, à la consommation et aux besoins des habitants, mais surtout à l’irrigation de la palmeraie, qui comprend bien entendu le lopin de terre réservé à la culture des légumes. A Ghardaïa, les foggaras sont orientées dans le sens ouest-est.
C’est un ouvrage hydraulique, fait par des mains ingénieuses, qui réduit au maximum l’évaporation grâce à l’utilisation de galeries souterraines permettant de drainer l’eau du sous-sol et de l’amener par gravité à partir d’une succession de puits d’aération jusqu’à ce qu’elle parvienne aux champs en vue de sa répartition et de sa distribution.
Cinq foggaras à Ghardaïa
Cette eau jaillissante qui sert à étancher la soif des plantes et des humains nécessite un travail sans relâche et une opération inlassable, qui se renouvelle au moins une fois par an. On compte cinq principales foggaras dans la palmeraie de Ghardaïa (Inirez, Bouchamjène, Babaouaissa, Moche et Takdite).
Pour les besoins de son entretien, les canalisations se retrouvent parfois obstruées. Généralement, on fait appel à un groupe de connaisseurs (dits Oumanas), habitués à ce travail pénible. Il faut descendre dans chaque foggara.
Puis, à l’aide d’une corde et d’un seau solidement attaché, dans un geste mécanique, une corvée sans relâche attend nos jeunes volontaires puisque le travail, ou plutôt le curage de la foggara, se fait sous forme de ‘’touiza’’. Cette dernière nécessite quelques bras vigoureux munis de houes. Ici, l’entraide est courante et fait partie des coutumes ancestrales mozabites.
Sous le gémissement plaintif de la poulie fixée au milieu de la foggara, le seau est remonté et vidé de son contenu afin que l’eau des crues puisse retrouver son cours normal. Cette eau doit couler librement vers la palmeraie. La longueur d’une foggara peut parfois aller jusqu’à 800 m.
Ce travail tisse des liens qui se traduisent par la fête (déguster un couscous dans le même plat) et par le travail qui sert à assurer la pérennité. Si les travaux sont fastidieux et éprouvants, la relève est assurée puisque les jeunes, conscients du besoin crucial de cette eau bienfaitrice, accomplissent sans rechigner les gestes rituels.
Une fois le travail (curage) terminé, des seguias pourront ainsi distribuer facilement cette eau par le biais de kesria (distributeur en peigne) vers des seguias plus petites. Le partage de l’eau est matérialisé par des peignes placés en travers des canaux d’irrigation.
Les Oumanas demeurent, sans conteste, les hommes à qui l’on confie cette tâche délicate et mathématique, car il s’agit de noter et de mesurer exactement la quantité d’eau qui revient à chaque jardin, selon le nombre de palmiers. Une trouvaille extraordinaire qui continue d’émerveiller à ce jour, et dont la réalisation est attribuée par les historiens aux habitants de la région depuis plusieurs siècles déjà.
Pour en revenir au problème de cette sécheresse qui menace les palmeraies, aux foggaras et à tout le système traditionnel d’irrigation des palmeraies, les autorités locales et nationales vont-elles se prononcer sur des mesures permettant de faire face à l’éventuel déficit de précipitations et limiter son impact sur l’activité agricole en souscrivant un plan d’appui d’urgence aux producteurs agricoles dont l’activité est menacée par la sécheresse ?