Pour l’islamologue, on ne peut plus considérer aujourd’hui l’islam comme une simple religion. Le fait religieux est devenu une revendication identitaire, un phénomène sociopolitique, un dérapage, une dérive mondiale…
Invité de toutes parts en France et actualité brûlante oblige, Ghaleb Bencheikh, philosophe, théologien et président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, a fait honneur, hier, au Forum de Liberté pour débattre des attentats sanglants qui viennent d’endeuiller la France et des réactions qui ont suivi les caricatures de l’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo. Pour coller aux événements qui, chaque jour, amènent leur lot de désolation, l’invité de Liberté a bien voulu revenir sur l’actualité algérienne qui nous préoccupe désormais au plus haut point : “Hier j’étais à Lille où j’ai appris qu’il y avait eu des manifestations à Alger après la prière du vendredi. Je vous avoue que, spontanément, je me suis dit que les marches sont interdites, ce qui, de mon point de vue, est déjà un non-sens à moins qu’on m’en explique les raisons casuistiques. Enfin, je me suis interrogé : comment peut-on manifester à Alger puisque c’est interdit ? Telle était ma première réaction. Ensuite, j’ai fait un lien avec une précédente manifestation tolérée exceptionnellement pour Gaza. Finalement, je me suis demandé s’il y avait eu un compromis avec le pouvoir ? Enfin, j’ai appris dans la soirée qu’un parti islamiste voulait récupérer la colère de nos coreligionnaires et j’ai enfin su pour ces logorrhées dégénérées et ces mots d’ordre qui nous ont ensanglantés. Il nous faut être extrêmement vigilants pour ne laisser personne entrer dans les interstices et récupérer le marasme ! L’unité nationale est importante aussi pour l’Algérie.”
Il faut dire qu’en matière de « taghenant » (surenchère), les dirigeants de l’Algérie n’ont de leçon à recevoir de personne. Ainsi, pour la “liberté d’expression”, celle-ci est jetée en pâture même aux terroristes. Ghaleb Bencheikh sait à présent que, grâce à Charlie Hebdo et aux frères Kouachi, les islamistes algériens ont vite réussi à s’engouffrer dans la brèche et même à sortir leur grosse artillerie en scandant des slogans qu’on croyait ne plus jamais entendre. Face à la versatilité sinon la duplicité d’un pouvoir scélérat qui veut perdurer à tout prix, il a fallu vite revenir aux évènements qui ont secoué la capitale française et le monde entier, objet de la rencontre. Pour l’invité du Forum de Liberté, la situation qui prévaut actuellement en France était “quasi inéluctable”. “C’est écrit qu’on en arriverait là ! Il y a des raisons endogènes qui remontent à une frange de citoyens français de confession islamique et d’autres facteurs exogènes qui alimentent les premiers éléments.” Cette “imbrication” est rendue encore plus complexe puisqu’elle a pour décorum “une mondialisation qui raccourcit tout !”.