La complexité des procédures dans le commerce extérieur, les changements impulsifs dans les règles et les conflits d’intérêts qui apparaissent en filigrane donnent une mauvaise image de l’Algérie.
La dernière note de l’Abef qui exige désormais de l’importateur une attestation prouvant la commercialisation du produit dans le pays fournisseur fait monter d’un cran le grand cafouillage qui règne actuellement dans la gestion du commerce extérieur par le gouvernement. Après la suppression des licences d’importation après trois ans de mise en œuvre catastrophique de ces restrictions et la décision de l’Exécutif de surseoir à la sélection des 10 opérateurs autorisés à monter des véhicules en Algérie, l’interdiction de 851 produits à l’importation sans étude fine de la couverture totale ou non par la production nationale des besoins en ces produits, voici que l’Association des banques et établissements financiers (Abef) pond une note qui oblige les importateurs à obtenir un nouveau document pour procéder à la domiciliation bancaire et pouvoir importer.
“Ce certificat n’existe nulle part ailleurs. Il n’existe pas dans les usages du commerce international. Les chambres de commerce d’un pays grand partenaire de l’Algérie sont restées perplexes. Cela leur renvoie l’image d’un pays complexe dans ses procédures. Cela donne, de nouveau, une mauvaise image de l’Algérie”, commente un spécialiste du commerce extérieur.
Le rédacteur de ce document oublie qu’il existe des produits hallal qui sont importés et qui ne sont pas censés être commercialisés dans le pays exportateur ainsi que des produits qui sont destinés à des marchés

spécifiques.
L’instruction de l’Abef risque de conduire à un blocage des importations
La question soulevée par des intervenants : puisque ce document n’existe pas, comment se le faire délivrer par une autorité du pays fournisseur ? Des acteurs du marché, dans la logique insensée de ce document, demandent de déterminer l’autorité à l’étranger chargée de délivrer ce document. La note de l’Abef fait référence à cette autorité censée délivrer ce document mais sans la nommer ou la définir.
Question de bon sens, le document n’existe nulle part ailleurs, comment peut-il exister une autorité à l’étranger pouvant le délivrer alors qu’il ne fait pas partie des usages du commerce international ? Une autre aberration qui s’ajoute à la série d’incohérences qui ont marqué la gestion du commerce extérieur depuis plusieurs années. En réaction à cette note, la communauté bancaire a demandé à l’Abef des éclaircissements sur la procédure, sur cette autorité chargée à l’étranger de délivrer ce document. En attendant ces clarifications, les banques ont décidé de suspendre la domiciliation des opérations d’importation. Ce qui veut dire que cette note risque de conduire à un blocage des importations, voire des marchandises dans les ports et aéroports, ajoute le spécialiste.
En somme, on assiste à une gestion incohérente et chaotique du commerce extérieur. Au lieu d’appliquer la loi sur la normalisation de 2004 et ses décrets d’application de 2005 signés par Ahmed Ouyahia lorsqu’il était chef de gouvernement, analyse l’expert, soit une réglementation reconnue par les usages du commerce international, on applique des mesures administratives telles que les licences d’importation, les interdictions d’importation et aujourd’hui l’institution d’un tel document sans aucune efficacité en termes de réduction de la facture d’importations et de barrières à l’introduction sur le territoire algérien de produits contrefaits, dangereux ou non conformes.
Cette loi sur la normalisation, réclamée par la tripartite mais jamais mise en œuvre, stipule que les produits qui entrent en Algérie doivent répondre aux normes algériennes et en l’absence de normes algériennes, aux normes européennes et en l’absence de normes algériennes et européennes, et/ou nternationales. Pour pouvoir être commercialisés en Algérie, ces produits importés doivent être certifiés par un organisme de certification agréé en Algérie. Ces derniers délivrent un certificat de qualité qui permet à ces produits importés de pouvoir être introduits en Algérie. On peut exiger des organismes de certification étrangers de s’établir en Algérie pour pouvoir délivrer ces documents. Mais derrière toutes ces incohérences, qui tire les ficelles ? On peut se demander si ces aberrations ne sont pas intentionnelles destinées à suspendre les importations pendant un mois ou deux quelle que soit la manière pour pouvoir réduire les importations. Enfin, il est quasiment certain que des lobbies de l’importation influent dans ces décisions irrationnelles au nom d’intérêts étroits ou de positions de rente. Cela suppose que le gouvernement Ouyahia n’a pas les coudées franches et qu’il se montre impuissant à transcender les conflits d’intérêts, et ce, au détriment des simples consommateurs qui voient leur pouvoir d’achat érodé en raison de ces restrictions et de ces incohérences.
K. Remouche