Gestion des collectivités locales et décentralisation la commune algérienne : ambitions et limites

Gestion des collectivités locales et décentralisation  la commune algérienne : ambitions et limites

Quelles pourraient être les solutions pour donner aux communes les moyens de leur politique afin de fournir des services de qualité aux citoyens ? Cela passerait par une réforme territoriale, une refonte des finances locales et un élargissement des prérogatives des présidents d’APC.

En inaugurant, ce lundi 18 janvier, les portes ouvertes sur la commune, Noureddine Bedoui avait raison de rendre hommage à tous les élus, fonctionnaires et travailleurs de ces collectivités locales qui ont toujours fait face aux multiples besoins de leurs administrés avec des moyens insuffisants et parfois dérisoires. Beaucoup d’entre eux ont payé de leur vie leur engagement au service de l’État et du citoyen et le ministre de l’Intérieur n’a pas manqué de saluer leur mémoire, à juste titre. Mais, sont aussi à évoquer les dysfonctionnements et autres incartades, parfois relevant des juridictions, qui ont marqué la vie de certaines collectivités locales.

L’état des lieux

Depuis la première loi sur la commune, en 1967, inspirée des expériences française et yougoslave entre autres, cette collectivité a connu des péripéties et des actualisations, la dernière remontant à 2011. La commune demeure “la collectivité territoriale de base de l’État…”. L’article 3 de la loi du 22 juin 2011 précise aussi que “la commune exerce ses prérogatives dans tous les domaines de compétences qui lui sont dévolus par la loi. Elle concourt avec l’État, notamment, à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, social et culturel, à la sécurité, ainsi qu’à la protection et l’amélioration du cadre de vie du citoyen”. À première vue, la commune est vraiment “favorisée” par le législateur. Mais, se demanderait-on, d’où se procurerait-elle les ressources financières nécessaires pour concrétiser ses importantes missions ? En théorie, la même loi de 2011 y a répondu puisque la commune doit d’abord s’assurer que toutes ses missions soient couvertes financièrement, et qu’ensuite, “toute mission nouvelle dévolue ou transférée par l’État à la commune s’accompagne de l’affectation concomitante des ressources financières nécessaires à sa prise en charge permanente”. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et il se trouve que la loi a plusieurs coudées d’avance sur la réalité. En premier lieu, les finances de la majorité des communes leur permettent au mieux de payer leurs fonctionnaires et les fournitures courantes, beaucoup d’entre elles ayant des budgets déficitaires régulièrement secourus par les subventions de l’État pour éviter leur faillite. En dehors de quelques communes riches qui tirent profit de l’existence d’installations industrielles et pétrolières d’envergure, les autres connaissent des difficultés de financement.

En second lieu, même le budget de l’État, qui finance l’essentiel du développement local, a ses propres limites.

Les plans communaux de développement — les fameux PCD — sont certes l’instrument privilégié des communes pour financer les projets de routes, d’alimentation en eau potable, d’assainissement, de salles de soins, de centres culturels etc., mais les enveloppes suffisent à peine à répondre aux grandes priorités et les pouvoirs des maires pour leur utilisation sont très encadrés par les services de l’État.

En troisième lieu, les communes ont connu un formidable accroissement démographique et urbanistique qui les rendent, pour la plupart, difficilement gérables.

Qu’attendre d’un président d’APC qui doit répondre aux besoins d’une population d’un million d’habitants, ou même de cinquante mille ? Dans bien des pays, l’équivalent du territoire et de la population d’une commune algérienne abrite des dizaines de municipalités.

Alors, quelles pourraient être les solutions d’avenir pour ramener les communes à une dimension humaine et leur donner les moyens de leur politique pour fournir des services de qualité aux citoyens ?

Cela passerait par une réforme territoriale, une refonte des finances locales et un élargissement des prérogatives des présidents d’APC.

L’utilité d’une réforme territoriale

Entre un pays comme la France qui compte 33 000 communes et le nôtre qui en enregistre 1 541, il doit y avoir certainement un juste milieu qui consisterait à faire naître de nouvelles collectivités à partir des énormes communes actuelles. Cette démarche pourrait se concevoir progressivement, en ayant à l’esprit que le découpage s’effectuerait à moindre coût, les nouvelles collectivités devant bénéficier d’un apport humain, matériel et financier des communes-mères, à l’image de ce qu’il s’était produit dans les précédents découpages territoriaux.

Les élus maîtriseront mieux la gestion des nouvelles communes ramenées à des dimensions territoriales et démographiques raisonnables.

Nécessité d’une refonte des finances locales

Depuis fort longtemps, la littérature administrative produite par les collectivités locales regorge de références à une nécessaire refonte des finances locales. L’idée a été maintes fois évoquée et défendue lors de séminaires, rencontres, ateliers et autres journées d’études rassemblant les élus et les représentants de l’État aux niveaux central et local. Tout le monde semble d’accord sur le principe. Il ne reste que le passage à l’acte. Cela consisterait tout simplement à ce que la loi définisse une nouvelle répartition de la fiscalité entre l’État et les collectivités locales, communes et wilayas. Le but étant de doter les communes (c’est le sujet aujourd’hui) de ressources fiscales propres qui seront perçues automatiquement par leurs trésoriers et dont elles disposeront en toute liberté, dans le cadre de la loi évidemment. Cette capacité financière habilitera les communes à planifier leur développement au lieu d’attendre les subventions de l’État qui ne seront accordées désormais qu’aux collectivités démunies de ressources fiscales. Cette réforme incitera justement les communes à créer plus de richesses, comme les zones d’activités et industrielles, les activités économiques et commerciales diverses, pour élargir leur assiette fiscale.

Élargissement et renforcement des prérogatives des élus locaux

L’esquisse de réforme préconisée inclue l’élargissement et le renforcement des prérogatives des élus locaux, principalement des présidents d’APC qui détiennent le pouvoir exécutif local en tant que représentants des citoyens et de l’État. Si la loi de 2011 a allégé quelque peu la tutelle de l’administration sur ses actes, on est encore assez loin du président d’APC qui agit en véritable patron dans sa commune. Il continue de trop dépendre de l’administration dans toutes ses actions en raison de l’insuffisance de ses moyens, et ses relations avec les services de l’État ne se déroulent pas encore d’égal à égal. Une large autonomie financière évoquée ci-dessus contribuerait, en renforçant les moyens de la commune, à hisser le président de l’APC au rang de véritable centre de décision et d’interlocuteur incontournable des Services de l’État qui solliciteraient son avis conforme pour tous les projets sectoriels implantés dans la commune, quelle que soit leur taille.

Dans beaucoup de pays, même les plus jacobins, le maire, parce que proche des préoccupations des citoyens, est perçu comme le véritable moteur de la vie socioéconomique et culturelle locale. Ce sont là quelques éléments de réflexion sur de possibles réformes à mener progressivement dans le cadre d’une politique de décentralisation et d’aménagement du territoire.