Sellal s’est ouvert sur la société civile
Pour être partenaire d’un gouvernement, dans n’importe quel pays au monde, il faut d’abord peser socialement et politiquement.
L’Algérie est en crise et c’est tout le monde qui en convient, y compris le Premier ministre qui reconnaît, à demi-mot que le pays risque de faire face à un vrai désastre. «Nous disposons d’importantes potentialités pour faire face à la crise (…). Nous sommes, aujourd’hui, appelés à nous orienter vers l’économie de développement, créatrice de richesse, mais avant cela, nous devons sortir de l’économie basée sur les hydrocarbures. C’est là une approche qui doit impliquer tout un chacun, individus, partis, société et opérateurs», a déclaré le Premier ministre en marge de l’ouverture de la session d’automne du Parlement. Cette déclaration, qui exprime une nette ouverture du gouvernement à la société civile, aux opérateurs économiques et aux partis politiques, ne constitue pas pour autant une volonté d’associer l’opposition à la prise de décisions, ni même à la réflexion.
En effet, pour parer à la crise, des efforts considérables sont certes déployés, mais seulement en direction des experts et des chefs d’entreprises auxquels un appel a été lancé. Les partis politiques de l’opposition sont volontairement ignorés. La raison tient dans le caractère éclectique de cette opposition, et si contradictoire au plan idéologique, qu’il serait impossible d’en voir un partenaire politique. Cela sans oublier son déficit plus qu’évident en matière de mobilisation populaire. Les observateurs ont bien constaté cet état de fait à de nombreuses occasions. Tous les appels au rassemblement n’attirent personne. Or, pour être partenaire d’un gouvernement, dans n’importe quel pays au monde, il faut d’abord, peser socialement et politiquement. Il faut montrer une «capacité de nuisance» pour obliger le pouvoir à s’asseoir à une table de dialogue ou de négociation.
Il y a lieu de constater que le gouvernement qui était inodore d’un point de vue politique, mais qui ne l’est plus depuis l’adhésion officielle d’Abdelmalek Sellal et de nombreux autres ministres au FLN, est en train de gérer cette crise à l’intérieur de la majorité présidentielle.

En choisissant de recourir aux experts comme conseillers et aux partenaires sociaux comme partenaires, Sellal se met véritablement dans la peau d’un responsable politique. Il semble dire aux Algériens: «J’assume mes choix.» Ce faisant, il envoie balader tous ses adversaires de l’opposition, aussi bien les partis réunis au sein de la Cnltd qui réclament une transition démocratique que ceux agissant en solo, à l’image du FFS, du FC, du PT et du MDS, qui revendiquent, pour les uns, une démarche consensuelle à laquelle prendraient part et le pouvoir et l’opposition, et contestent les choix du gouvernement sans proposer d’alternatives pour les autres. Autrement, comment expliquer le fait qu’il tourne le dos à l’opposition dont une bonne partie demande constamment un dialogue avec le pouvoir pour trouver des solutions consensuelles de sortie de crise?
Naturellement, après avoir battu leurs tambours des semaines durant, les partis d’opposition, tout particulièrement ceux qui se cramponnaient encore à l’idée d’un possible dialogue avec le pouvoir, se sont rendus à l’évidence. Ainsi, le FFS qui réitère à tout bout de champ son attachement à son projet de «reconstruction du consensus national» en faisant participer le pouvoir, a déjà commencé à perdre ses illusions, l’une derrière l’autre. Le Parti des travailleurs commence lui aussi à tirer la sonnette d’alarme. Même chose pour le Front du changement présidé par Ménasra qui, après avoir donné ses quatre cents coups d’épée… dans l’eau se rapproche désormais de l’opposition la plus radicale, à savoir la Cnltd. Ce conglomérat de l’opposition n’a, quant à lui, fait que relancer son appel à une transition démocratique en conjuguant cette-fois-ci sa revendication avec un tonitruant appel à la démission du gouvernement qui, du point de vue des ses animateurs, a «totalement échoué». Aux discours sur «el ijmaâ» qui planent dans tous les airs, il faut donc faire face à une affreuse réalité: chaque groupe ou parti tire la couverture à lui. «Le bras de fer» gouvernement-opposition n’en est pas un véritablement, puisque entre les deux, il y a des électeurs qui ont choisi de renouveler leur confiance à Bouteflika et à la majorité actuelle. L’opposition, qui a montré sa faiblesse et son incohérence politique et idéologique, doit attendre 2017 pour convaincre les Algériens de lui donner leurs suffrages et peser ensuite de tout son poids. En attendant, la crise sera gérée par un gouvernement et une APN majoritairement acquise au président de la République.