Gestion chaotique du pétrole algérien,L’ombre de Chakib Khelil

Gestion chaotique du pétrole algérien,L’ombre de Chakib Khelil

La Sonatrach a fixé la date d’aujourd’hui pour la remise des offres techniques relatives à la réalisation en EPC d’une station de compression et de réinjection de gaz pour le complexe Zcina de Hassi Messaoud Nord.

Cette étape, qui traîne depuis juillet 2011, constitue un énième cas de retard dans le programme de revalorisation du gisement de Hassi Messaoud et induit des pertes énormes en termes de revenus pour l’Algérie. Par ailleurs, en dépit du fait qu’elle soit poursuivie en justice, la société italienne Saipem est toujours préqualifiée pour ce projet. L’affaire Meziane ne semble pas influer sur les relations entre la Sonatrach et Saipem alors que le projet du gazoduc GK3, attribué à la société italienne, n’a pas encore livré tous ses secrets.



Chakib Khelil fait peur encore

Depuis pratiquement deux ans, le programme de mise à niveau des installations de Hassi Messaoud accuse un retard alarmant. L’Algérie perd quotidiennement des sommes inimaginables alors que du côté de la Sonatrach, on ne semble pas s’inquiéter de cette situation. Au département Amont, on ne veut pas trop fouiller dans ce dossier, car il comporte des traces qui mènent directement vers Chakib Khelil. A l’origine de ce programme, des forages ont été effectués il y a quelques années dans la zone du complexe industriel Naili Abdelhamid (Zcina) de Hassi Messaoud, et ont révélé un potentiel important d’hydrocarbures. Fort de cet argument, Chakib Khelil a vite fait de lancer un programme d’investissements afin de pouvoir augmenter la capacité de production de l’ordre de 70 000 barils par jour.

Le programme en question consistait en la réalisation d’une infrastructure de collecte et de traitement des hydrocarbures. Il faut rappeler encore qu’à cette époque, la Sonatrach ne reconnaissait pas le code des marchés publics et obéissait exclusivement aux directives de gestion imposées par Chakib Khelil (les fameuses R14 et R15).

Du coup, ce programme commence dans des conditions d’opacité totale sur certains aspects. La principale installation allait être arrachée par Saipem. Le 18 octobre 2008, la Sonatrach annonce l’attribution au profit de cette société italienne du contrat relatif au projet d’extraction des liquides des gaz associés et séparation d’huile LDHP. Le montant de ce projet est faramineux : 117 milliards de dinars, soit près d’un milliard et demi de dollars. Saipem devait achever les travaux de réalisation de ce projet dans un délai de 42 mois. Mais entre-temps, la Sonatrach a vu défiler quatre P-dg de profils différents : Mohamed Meziane est accablé par une enquête sur sa collusion avec Saipem et d’autres sociétés.

Abdelhafid Feghouli est également inculpé dans des affaires de gestion. Noureddine Cherouati gêne quand il prend certaines décisions et son ministre finit par le limoger. Abdelhamid Zerguine a juré sur tous les Livres Saints de vouer allégeance à ce même ministre et ne prend aucune initiative sans le consulter.

Cette valse des patrons de Sonatrach a considérablement participé aux retards cumulés sur le programme de Zcina et les secrets de Chakib Khelil sont, du coup, bien préservés. Saipem, quant à elle, n’est pas inquiétée par les nouveaux responsables de la Sonatrach et risque encore de décrocher ce nouveau contrat.

Sonatrach et ses chiffres

Les retards accusés sur Zcina ne sont pas quantifiés par la Sonatrach pour ne pas révéler l’ampleur du manque à gagner pour l’Algérie. Sa hiérarchie ne demande pas non plus des comptes par rapport à cette situation. D’ailleurs, en l’absence d’un système d’audit externe, des experts ont dénoncé une éventuelle manipulation par la Sonatrach des chiffres relatifs aux réserves. Des sources bien informées font état de bilans erronés inscrits au PMT (programme à moyen terme 2012-2016) sur l’état de certains gisements. Au département Amont, les cadres ont peur de dire certaines vérités que personne ne souhaite entendre. Pourtant, ce ne sont pas les compétences qui manquent dans ce domaine. Des cadres algériens ont bien géré des projets montés par la Sonatrach en effort propre et leurs capacités se sont avérées identiques à celles des partenaires étrangers. Mais, quand il s’agit de prendre des décisions importantes, on ne prend que ceux qui ne contestent pas certains choix. «Depuis son arrivée à l’énergie, Youcef Yousfi ne parle que de projets futurs et n’évoque jamais les problèmes existants ni les moyens de les résoudre», confie un expert. Les autorités du pays ne semblent pas au fait de la réalité de l’état de certains gisements qui enregistrent une déperdition irréversible d’hydrocarbures en raison de leur mauvaise gestion. La Sonatrach, étant juge et partie, avance des chiffres qu’aucune expertise externe ne confirme. L’état des lieux des réserves d’Alrar et de Zarzaitine est occulté par les responsables de la Sonatrach. On n’évoque jamais ce sujet. On préfère plutôt avancer des déclarations sur des projets en offshore en 2014 ou encore sur les gaz de schiste en 2020.

Mokhtar Benzaki