Le Belge, à la tête de la sélection marocaine depuis novembre dernier, a séduit ses joueurs, mais il ne fait pas pour autant l’unanimité. Eric Gerets, après la chaude Galatasaray (2005-2007) et la fervente Marseille (2007-2009), pensait avoir tout vu, tout connu. En posant ses valises il y a huit mois au Maroc, le Belge a pourtant poursuivi son apprentissage et découvert quelques particularismes locaux.
Une défaite samedi et son projet au Maroc serait caduc
Pour sa première officielle, à Annaba face à l’Algérie (0-1, le 27 mars), il a été confronté à un arbitrage assez partial. Tout le monde l’a vu, mais personne ne l’a absous pour autant de la défaite. Pour ce match retour face à l’Algérie, le sélectionneur marocain (57 ans) est moins sur la sellette que sous la pression populaire. Une défaite, samedi, et son projet sur quatre années serait déjà caduc.
Michaël Chrétien Basser : «Gerets sait se faire respecter, même s’il est proche des joueurs»

Au grand regret des joueurs, unanimes au moment de louer les qualités du Lion de Rekem. «Par son vécu et son charisme, il est écouté. C’est quelqu’un de très ouvert, qui discute beaucoup avec nous, mais qui sait se faire respecter», assure Michaël Chrétien, le défenseur de Nancy, finalement forfait demain.
«C’était différent avant Gerets»
Pour montrer la voie à cette génération talentueuse et jeune, habituée à certaines libertés, Gerets a imposé des règles. Rien de révolutionnaire : respect des horaires, interdiction des téléphones à table, plus grande concentration aux séances d’entraînement. «Il ne laisse rien au hasard, que ce soient les déplacements, l’hébergement, la nutrition. C’est comme si on était en club. Ce n’était pas le cas auparavant», se souvient Ahmed Kantari, le défenseur brestois.
Kantari : «Gerets a une relation père-fils avec les joueurs»
Gerets excelle surtout dans les liens qu’il tisse avec ses joueurs. Kantari, gravement blessé (rupture d’un tendon d’Achille) et qui sera déplâtré dans deux semaines, est régulièrement appelé par son sélectionneur : «Malgré la pression qu’il a, il prend le temps de me demander comment je vais. Il a une véritable relation père-fils avec ses joueurs, et je n’ai jamais connu un technicien comme lui.»
250 000 euros/mois, alors que le peuple crève de faim
Son salaire choque la population. Ses rapports avec les médias locaux sont, à l’opposé, houleux. «Gerets peut être hautain, glacial avec nous», regrette Jalal Bouzrara, célèbre journaliste sur Med 1, la télévision marocaine. Qu’un technicien de renom prenne en charge leur sélection a d’abord flatté les Marocains. Jusqu’à ce que fuitent ses émoluments, démesurés selon certains (la presse marocaine parle de 250 000 euros par mois), alors que la population survit tant bien que mal.
Polémique autour de son salaire
«Il n’y a jamais eu vraiment d’état de grâce, notamment parce qu’il s’est engagé en juillet 2010, mais il n’est arrivé qu’en novembre, car il devait jouer la Coupe d’Asie des champions avec son club (Al Hilal Ryad), analyse Jalal Bouzrara. Ensuite, il y a eu la polémique autour de son salaire. Et enfin, cette défaite, en Algérie, face à une équipe très moyenne. C’est le coach qu’il faut au Maroc, mais pas dans les conditions qu’il faut.»
Benatia : «On aurait perdu contre la Zambie, Gerets aurait eu moins de problème. Mais face à l’Algérie…»
Débuter par une défaite face au voisin honni n’a pas aidé à sa popularité. «On aurait perdu contre le Zimbabwe, il aurait eu moins de problème, sourit Medhi Benatia, le défenseur de l’Udinese. Mais la pression ne le dérange pas, ce n’est pas un débutant.»
Regragui : «Gerets a sous-estimé le contexte africain contre l’Algérie»
«Gerets est un super technicien qui a amené un nouveau souffle, assure Walid Regragui, l’ancien international. Mais personne ne s’attendait à cette défaite et, lui, a sous-estimé le contexte africain de ce match contre l’Algérie.»
Mustapha Hadji : «Gerets, oui, mais pas à n’importe quel prix !»
Mustapha Hadji, l’ancien Ballon d’Or africain (1998), pointe du doigt, lui aussi, le salaire du nouveau sélectionneur : «C’est un très bon entraîneur, et il fallait ça pour que le Maroc retrouve sa place dans le football mondial. Mais pas à n’importe quel prix, alors que les clubs locaux ont besoin d’argent pour former des joueurs.»
Benatia : «Un entraîneur comme Gerets a un coût !»
Benatia repousse l’argument : «Cela peut peut-être choquer au Maroc, mais un entraîneur comme Gerets a un coût. Sur ses qualités d’entraîneur, il fait l’unanimité.» Tous craignent surtout que, malgré ses belles promesses de s’inscrire dans la durée, il quitte rapidement son poste en cas de sollicitations en de clubs européens. Pour se mettre médias et supporters dans la poche, il doit s’imposer samedi. C’est partout pareil, à Marrakech comme à Galatasaray et à Marseille.