Genève 2 a déçu les attentes des syriens, Autopsie d’un dialogue qui a tourné court

Genève 2 a déçu les attentes des syriens, Autopsie d’un dialogue qui a tourné court

L’opposition et le régime syriens se sont quittés comme ils s’étaient rencontrés à Genève ; c’est-à-dire plus que jamais divisés sur la voie à suivre pour mettre un terme au drame de leur pays.

La semaine qu’ils ont passée ensemble (ou presque) n’a pas suffi, ne serait-ce que pour réduire le fossé qui sépare leurs positions sur la meilleure approche devant enclencher la fameuse transition politique.



C’était d’ailleurs la principale pomme de discorde entre les deux délégations, en ce sens que les représentants du régime ne voulaient point entendre parler du départ d’Al Assad, alors que leurs vis-à-vis de l’opposition en faisaient un préalable.

In fine, le médiateur international, Lakhdar Brahimi, a été obligé de reconnaître lors de sa conférence de presse que la moisson des discussions est maigre par rapport aux espérances.

Pis encore, la délégation du gouvernement a même laissé planer un doute sur son retour à Genève pour tenter une nouvelle fois de trouver des atomes crochus avec ceux qu’ils désignent sous le vocable de «terroristes» lors de ce premier face-à-face d’une semaine depuis le début de la guerre, les deux parties ont campé sur leurs positions, le régime insistant sur le fait qu’il ne voulait pas céder sur la transition politique, et l’opposition clamant que Damas était «contraint à négocier» sur cette question centrale.

Ces pourparlers, lancés sous la pression des Etats-Unis, alliés de l’opposition, et de la Russie, soutien du régime, devraient reprendre «en principe» le 10 février, selon l’émissaire international, Lakhdar Brahimi, par l’intermédiaire duquel les deux parties ont «dialogué» pour la première fois dans une même salle depuis le 25 janvier. Lakhdar Brahimi a affirmé que la conférence dite de Genève II était un «début très modeste, mais c’est un début (…) sur lequel on peut construire», au cours d’une conférence de presse vendredi dernier.

«Genève 3» incertain

Relevant «quelques points de convergence» et soulignant que «les deux parties ont pris l’habitude de s’asseoir dans la même pièce», M. Brahimi a toutefois reconnu que «ce fut un démarrage très difficile» et qu’il n’y avait «pas de doute que les positions importantes étaient très éloignées».

Du côté des Etats-Unis, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a souligné que Damas devait respecter «ses obligations globales, légales et internationales. Le monde est témoin d’une catastrophe humaine qui se déroule chaque jour sous nos yeux», a-t-il insisté.

Les onze principaux pays du Groupe des Amis de la Syrie (Egypte, France, Allemagne, Italie, Jordanie, Qatar, Arabie Saoudite, Turquie, Emirats arabes unis, Grande-Bretagne, Etats-Unis), qui soutiennent l’opposition syrienne, ont accusé vendredi le régime de Damas d’être «responsable de l’absence de réel progrès» et d’avoir pratiqué «l’obstruction», dans un communiqué publié à Paris.

De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a déclaré que «nous avons demandé des instructions pour savoir si nous retournerons à Genève». Et d’ajouter : «Le président Bachar Al Assad lira d’abord notre rapport, il discutera avec nous et le gouvernement, et ensuite nous prendrons la décision.»

Mais, d’ores et déjà les deux parties ont réaffirmé leurs positions presque irréconciliables, notamment sur la transition politique en Syrie.

«Ni dans ce round ni dans le prochain, ils (les adversaires du régime) ne pourront obtenir de la délégation syrienne aucune concession», a ainsi clamé le ministre de l’Information, Omrane al-Zohbi, devant quelque 250 manifestants pro-régime rassemblés devant le siège de l’ONU à Genève.

«Personne ne peut remplacer la direction syrienne», a renchéri Walid Mouallem faisant allusion au président Assad. La conférence de Genève II est jusqu’à présent la tentative la plus sérieuse de la communauté internationale pour mettre un terme au bain de sang en Syrie, où plus de 130 000 personnes sont mortes et plus de neuf millions sont des réfugiés et des déplacés depuis près de trois ans.

Damas veut une solution militaire selon Brahimi

Les autorités syriennes privilégient la solution militaire pour régler le conflit dans ce pays qui a déjà fait plus de 130 000 morts, estime l’envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe, Lakhdar Brahimi. «Le régime insiste toujours sur la solution militaire», a déclaré hier M. Brahimi dans son discours à la Conférence de Munich sur la sécurité.

Selon le diplomate algérien, lors du premier round des négociations de Genève-2, les représentants du gouvernement syrien ont à plusieurs reprises affirmé qu’ils étaient prêts à accepter le communiqué du 30 juin 2012 et à l’appliquer. «Mais à chaque fois, ils répètent qu’il faut accorder la priorité à la lutte contre le terrorisme», a indiqué M. Brahimi. Selon lui, les membres de la délégation gouvernementale soulignent que «le problème de la Syrie réside dans l’ingérence étrangère et les livraisons d’armes étrangères». Le gouvernement de Damas est persuadé que s’il parvenait à y mettre un terme, la Syrie réglera seule ses problèmes intérieurs.

Hassan Moali