Le Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi à Alger a abrité dimanche soir la première de la pièce Bahidja, une mise en scène par Ziani-Chérif Ayad, d’un texte d’Arezki Mellal. La pièce est une adaptation du roman «Sans voile et sans remords» de Leïla Aslaoui. D’ailleurs, au début de la pièce, Bahidja (magistralement incarnée par la comédienne Nidhal) rencontre une certaine Leïla qui est, bien sûr, Leïla Aslaoui.
L’histoire est véridique. Bahidja, méconnaissable sous son épais voile noir, avait un jour raconté son incroyable histoire à Mme Leïla Aslaoui, tout en lui demandant indirectement de l’écrire, afin que, peut-être, cela serve à exorciser ses malheurs. Leïla Aslaoui va ainsi écrire le roman «Sans voile et sans remords» en prenant quelques précautions afin de respecter l’anonymat des protagonistes coupables ou victimes de la terrible «décennie noire».
Tout comme l’affiche, le décor de la scène est entièrement noir. Deux sortes de barbelés coupent la scène en deux. Le tout donne un effet «stalag» terrifiant. Dans un coin de la scène, à peine visible, est suspendu un lustre éteint. C’est certainement un message que la lumière peut à tout moment rejaillir.
Les torches électriques qui éblouissent de temps en temps le visage de Bahidja, de sa mère et des autres personnages, font penser aux interrogatoires des commissariats de police. Bahidja veut connaître la vérité sur sa sœur Nouria, une moudjahida disparue lors de la guerre de Libération nationale. Sa mère hésite à lui dire la vérité. Le mari et le frère de Bahidja, devenus des affairistes véreux sous couvert de la religion, ne veulent pas que la vérité soit dévoilée. Ce qui les dérange, c’est le fait que Nouria se fût mariée avec Patrick Dupont, un militaire français. Pour eux, un «mécréant» reste un «mécréant» même s’il avait déserté l’armée française et avait rejoint les maquisards de l’ALN pour devenir le moudjahid Si Rachid.
Bahidja reçoit une lettre de Redouane, son fils disparu depuis quelques années. Le contenu de cette lettre est pire que l’épreuve de la disparition. Redouane est devenu membre d’un groupe terroriste. Le 25 décembre 1995, son groupe attaque le domicile familial. Accusés du «crime» de célébrer Noël, tous les membres de la famille sont assassinés. Bahidja est la seule rescapée. Mais y a-t-il une vie après une telle épreuve ?
«… Il est vingt heures lorsque nous prenons congé l’une de l’autre. C’est alors que je l’entends me dire : «Si un jour l’envie te prenait d’écrire sur moi (entendre mon histoire)
fais-le ! Peut-être que le fardeau que je porte sur mes épaules sera-t-il plus léger.» C’est à cet instant précis qu’est né dans ma tête «Sans voile et sans remords», explique Leïla Aslaoui.
«A travers cette pièce, nous voulons faire entendre son cri d’indignation contre l’intolérance du terrorisme, condamné quel que soit son pays, à se transformer en idéologie mortifère favorisant l’exclusion, les procès d’intention et la barbarie», souligne de son côté Ziani-Chérif Ayad qui considère, en outre, que l’art et la culture sont des moyens pour combattre cette «idéologie rétrograde et terroriste».
«… Je suis, moi, partie prenante de ce que veut nous dire Leïla
Aslaoui : ne pas oublier. A ceux qui se demandent comment on peut oublier et pourquoi il faut oublier, Bahidja est une invitation à cette problématique : interroger les questions», souligne, de son côté, Arezki Mellal.