GB: dernier tour de rotatives pour le quotidien The Independent

GB: dernier tour de rotatives pour le quotidien The Independent

Le quotidien britannique The Independent, dont les ventes sont en chute libre depuis quelques années, paraît samedi pour la dernière fois en version papier, misant sur le 100% numérique pour affronter la crise de la presse.

Pour cette ultime Une, le quotidien a choisi une sobre page blanche avec, en son centre, écrit en rouge, « Stop Press » au-dessus des dates de naissance et de mort de cette version papier: 1986-2016.

Cette première page laisse ensuite place à une Une traditionnelle qui traite de l’opération anti-terroriste à Bruxelles. Elle révèle aussi une information exclusive sur des poursuites judiciaires en cours contre un dissident saoudien résident au Royaume-Uni poursuivi pour sa participation supposée à un complot déjoué, orchestré par les autorités libyennes, en vue de tuer l’ancien roi saoudien Abdallah.

Après avoir envoyé pour la dernière fois vendredi soir leur journal à l’impression, des employés du quotidien ont posté des images sur les réseaux sociaux montrant les équipes en train de tambouriner sur les tables, une tradition pour saluer le départ d’un collègue.

Dans son dernier éditorial, The Independent affirme qu’on se souviendra de sa « transition audacieuse » vers le 100% numérique comme d’un « exemple à suivre pour d’autres journaux dans le monde ».

« Aujourd’hui, les rotatives se sont arrêtées, l’encre est sèche et bientôt le papier ne se froissera plus », poursuit-il. « Mais tandis qu’un chapitre se referme, un autre s’ouvre, et l’esprit de The Independent continuera de s’épanouir ».

Le propriétaire du journal, le Britannique d’origine russe Evgeny Lebedev, qui avait annoncé le mois dernier la fin de l’édition papier du quotidien, écrivait alors que le journalisme s’était « complètement transformé » et que The Independent devait « se transformer lui aussi ».

Né en octobre 1986, il est le quotidien national le moins distribué au Royaume-Uni, loin derrière des tabloïds comme le Sun ou le Daily Mail et des généralistes comme The Times, The Guardian ou The Daily Telegraph.

A son apogée, en 1989, le quotidien de centre gauche, célèbre pour ses unes engagées et la place importante accordée à la photo, écoulait plus de 420.000 exemplaires par jour quand il n’arrive plus à en vendre que 40.000 aujourd’hui.

Modèle économique à l’épreuve

En 2003, The Independent avait mené une campagne acharnée contre l’intervention militaire britannique aux côtés des Etats-Unis en Irak, tout comme le quotidien de centre gauche The Guardian.

Dans un éditorial, ce dernier rend hommage à un « journal vraiment exceptionnel » qui a souffert des profonds changements qu’a connu le marché de la publicité ces dernières années avec un déplacement des revenus vers des sites internet comme Facebook.

« De grands journaux vieux de plusieurs siècles voient leur modèle économique mis à l’épreuve comme jamais auparavant. Alors personne ne se réjouira de la fin de l’édition papier de The Independent », déplore The Guardian.

Le dernier numéro papier de The Independent est accompagné de quatre suppléments retraçant l’histoire du journal, premier quotidien national à disparaître des kiosques en Grande-Bretagne depuis Today en 1995.

L’hebdomadaire News of the World, du magnat australo-américain Rupert Murdoch, avait fermé boutique en 2011 après un scandale lié à des écoutes téléphoniques, avant d’être remplacé par le Sun on Sunday, propriété du même groupe.

Le groupe propriétaire de The Independent, ESI Media, qui possède également le quotidien gratuit The Evening Standard, va par ailleurs vendre « i », une version allégée de The Independent lancée en 2010, au groupe Johnston Press.

La vente devrait rapporter environ 25 millions de livres (32 millions d’euros), selon les médias britanniques, une somme qui sera investie dans le site internet. Mais ESI Media a prévenu qu’il y aurait des licenciements. Environ 150 personnes travaillent pour The Independent.

Son site internet, qui attire près de 70 millions de visiteurs uniques par mois, est déjà rentable et table sur une progression de ses recettes de l’ordre de 50% cette année.

ESI a également annoncé le mois dernier la mise en place d’une application pour mobiles par abonnement et l’ouverture de nouveaux bureaux en Europe, au Moyen-Orient et en Asie, ainsi qu’un développement aux Etats-Unis.