Gazprom lance le gazoduc south stream,Quel impact sur le gaz algérien fourni à l’Europe ?

Gazprom lance le gazoduc south stream,Quel impact sur le gaz algérien fourni à l’Europe ?
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La construction du gazoduc russe South Stream, destiné à approvisionner l’Union européenne, devrait-elle avoir un impact sur les fournitures de gaz algérien vers le Vieux Continent ? La question se pose dans le contexte où l’Algérie risque de voir ses parts de marché en Europe diminuer davantage.

Le géant gazier russe Gazprom a lancé hier vendredi, à Anapa, au bord de la mer Noire, les travaux de construction du gazoduc South Stream, en présence du président russe Vladimir Poutine. Ce gazoduc est destiné à livrer du gaz russe à l’Union européenne via la mer Noire en évitant l’Ukraine. D’un coût total de 16,5 milliards d’euros, ce gazoduc doit à terme, permettre à Moscou de livrer 63 milliards de mètres cubes de gaz par an à l’Europe via un tuyau de 2 380 km de long. Ce qui représente 10% de la consommation prévue de l’Union en 2020, selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Le tracé, via les fonds de la mer Noire, puis la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Slovénie, jusqu’à l’Italie, évite soigneusement le territoire de l’Ukraine, jusqu’ici principal pays de transit.

Mais la discordance entre Moscou et Kiev sur le prix du gaz, qui ont perturbé à plusieurs reprises les approvisionnements au cœur de l’hiver, ont poussé Gazprom, allié avec les électriciens européens, à chercher d’autres voies de livraisons. La partie sous-marine du gazoduc est ainsi portée par un consortium détenu outre Gazprom (50%), par l’italien Eni (20%), le français EDF (15%) et l’allemand Wintershall (15%), filiale de BASF. Au Nord, le géant public russe a déjà ouvert les vannes de Nord Stream entre la Russie et l’Allemagne via la mer Baltique. Lancé en novembre 2011, ce tuyau de 1 220 km a vu sa capacité passer à 55 milliards de mètres cubes par an, grâce à la mise en service début octobre d’une seconde conduite. Certes, le lancement des travaux du pendant sud de la toile gazière russe vers l’Europe intervient à un moment difficile pour Gazprom sur le marché européen. La crise économique a fait chuter la consommation de l’UE d’environ 11%, selon l’AIE qui ne s’attend à voir la demande retrouver ses niveaux de 2010 qu’à la fin de la décennie actuelle. La situation a poussé de nombreux clients de Gazprom à contester les termes très contraignants des contrats à long terme de livraisons, poussant le groupe russe à accorder des rabais à plusieurs d’entre eux, parmi lesquels le français GDF Suez. Politiquement aussi, les relations se sont tendues. Gazprom est la cible d’une enquête de la Commission européenne pour entrave à la concurrence. Ce qui soulève le risque d’une hausse des prix si le groupe russe réduisait ses livraisons, outre la diminution des approvisionnements du marché européen durant les années à venir. Et cela même si l’AIE semble confiante dans les perspectives de croissance à long terme de la demande européenne, celle-ci devant passer de 340 milliards de mètres cubes par an actuellement à 500 milliards en 2035. «C’est plus que suffisant pour que l’Europe garde sa place de premier marché pour l’importation de gaz dans le monde», déclarait, hier, la directrice de l’AIE, Maria van der Hoeven qui estime néanmoins que «le marché ne sera pas dirigé par les mêmes certitudes auxquelles sont habitués les exportateurs ». En ce sens, la directrice de l’AIE cite la concurrence de la Norvège, de l’Algérie, voire de l’Amérique du Nord grâce au gaz de schiste. Notons que Gazprom cherche actuellement à s’orienter, à coups d’investissements massifs, vers le marché asiatique, où les prix sont relativement élevés et la demande plus solide. Par rapport justement à l’Algérie, la question se pose concernant l’impact de la construction de ce second gazoduc sur ses fournitures ? L’Algérie qui fournit entre 13 et 15% des besoins européens en gaz, risque-t-elle de voir sa position s’affaiblir avec l’augmentation des approvisionnements russes ? La réponse est incertaine même si l’Algérie est toujours considérée comme un fournisseur important et fiable. La question reste posée alors que l’Algérie et l’Union européenne doivent conclure, dès le début 2013, un accord stratégique sur l’énergie, à même de stimuler la coopération énergétique tous azimuts et contribuer à surmonter diverses contraintes rencontrées notamment par Sonatrach. Ce accord permettra-t-il de conforter davantage la position algérienne sur le marché européen ? Wait and see.

Chérif Bennaceur / AgenceUn trio de gazoducs se dispute le «corridor sud» européen

Outre le South Stream, deux autres gazoducs Nabucco et TAP ont été lancés ces dernières années pour desservir l’Europe du Sud en gaz provenant de Russie, de la mer Caspienne ou d’au-delà. Nabucco est un projet concurrent soutenu par l’Union européenne, visant à l’approvisionner en gaz issu de la mer Caspienne voire d’Asie centrale ou du Moyen-Orient.

Le projet d’origine visait à construire un gazoduc allant de l’Autriche jusqu’aux frontières orientales de la Turquie, en passant par la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie, et capable de transporter jusqu’à 31 milliards de mètres cubes de gaz par an. Mais Nabucco, plombé par les rivalités avec South Stream et TAP, peine depuis des années à s’assurer des fournisseurs et a été reporté à plusieurs reprises. Pour le relancer, ses actionnaires (l’allemand RWE, l’autrichien OMV, le hongrois MOL, le roumain Transgaz, le bulgare Bulgargas et le turc Botas) ont proposé de réaliser une variante plus courte et moins coûteuse, baptisée Nabucco Ouest, un gazoduc de 1 300 km et d’une capacité réduite (10 à 23 milliards de mètres cubes), qui irait de l’Autriche à la frontière bulgaro-turque. Le Transadriatic Pipeline ou TAP vise, lui aussi, à alimenter l’Europe en gaz de la Caspienne via un tracé plus au sud, du nord de la Grèce jusqu’au sud de l’Italie en passant par l’Albanie et l’Adriatique.

Il est porté par le suisse EGL, le norvégien Statoil (42,5% chacun) et l’allemand EON (15%). Il a reçu un gros coup de pouce cet été en recevant des engagements financiers de BP, Total et de l’Azerbaïdjan. Cependant, BP, opérateur du gisement gazier géant de Shah Deniz, dans les eaux azerbaïdjanaises de la Caspienne, qui pourrait alimenter soit ce gazuduc, soit Nabucco, n’a pas encore tranché entre ces deux tracés. Le géant pétrolier britannique prendra sa décision début 2013, ce qui risque de sonner le glas pour l’un des deux projets.

AFP